Intervention de Vlora Çitaku

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 novembre 2013 : 1ère réunion
Élargissement — Audition de Mme Vlora çitaku ministre de l'intégration européenne et de M. Bajram Rexhepi ministre de l'intérieur du kosovo

Vlora Çitaku, ministre de l'Intégration européenne du Kosovo :

Je vous remercie pour cet accueil chaleureux devant votre commission. C'est toujours un très grand plaisir pour moi de revenir à Paris et pas seulement parce que Paris est une très belle ville. Je me définis avant tout comme une citoyenne du monde et la France me paraît être le cadre idéal pour vivre cette citoyenneté, tant votre pays croit dans ces valeurs d'ouverture et les soutient.

La France a d'ailleurs été un des premiers États à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Cette indépendance ne saurait être envisagée comme le résultat d'une sécession. Elle est avant tout l'aboutissement d'un long processus de négociations qui s'inscrit dans le cadre plus large du démantèlement progressif de la Yougoslavie. Mon pays est indépendant depuis cinq ans. Une centaine d'autres États l'ont désormais reconnu comme tel, dont 23 sur les 28 membres de l'Union européenne.

Cette absence d'unanimité au sein de l'Union européenne sur notre statut confère d'ailleurs une certaine originalité aux démarches que nous avons entreprises en vue de nous rapprocher d'elle et rend bien évidemment difficile notre souhait d'adhérer.

Nous avions l'habitude de nous plaindre au Kosovo du caractère platonique de nos relations avec l'Union européenne. L'Union disait qu'elle aimait le Kosovo, nous disions que nous aimions l'Europe mais aucune bague de fiançailles n'avait été jusqu'alors offerte ! La situation vient de changer avec l'ouverture, le 28 octobre dernier, des négociations en vue de la signature d'un Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne, l'ASA. Un deuxième round de négociations interviendra la semaine prochaine puis un troisième au début du printemps 2014. Nous espérons ainsi aboutir très rapidement à la signature de cet accord, sans difficulté avec les cinq pays qui n'ont pas reconnu notre indépendance mais qui sont naturellement associés aux négociations. Ces cinq pays ne forment d'ailleurs pas un groupe homogène. Chypre, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie se montrent relativement proactifs, pragmatiques. C'est avec l'Espagne que nos relations sont plus problématiques. Quoiqu'il en soit nous souhaitons vraiment parvenir à un accord l'an prochain.

L'ouverture des négociations n'aurait pas été possible si nous n'avions pas trouvé un accord avec la Serbie le 19 avril dernier à Bruxelles, sous l'égide de l'Union européenne. Il s'agit d'une première entre nos deux pays. Il ne constitue pas pour autant un aboutissement mais bien le début d'un processus de normalisation de nos relations avec Belgrade. Comme le montre l'histoire des Balkans, tout progrès est malheureusement réversible dans cette région. Nous devons être très vigilants, le soutien de l'Union européenne et plus particulièrement de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité est, dans ces circonstances, très important.

La mise en oeuvre de l'accord pourrait s'avérer, en effet, très difficile. Les élections municipales organisées le 3 novembre dans le pays et auxquelles participaient pour la première fois les Kosovars d'origine serbe vivant au Nord du pays ont montré l'importance du défi auquel était confrontée la Serbie si elle souhaitait voir s'appliquer sur le terrain cet accord. Belgrade se retrouve aujourd'hui face au « monstre » qu'elle a laissé se créer au Nord du pays depuis 15 ans : une région entière a été bercée d'illusions, des projets irréalistes de retour à la situation précédant l'indépendance y ont été encouragés. Je reste néanmoins optimiste et pleine d'espoir pour l'avenir. Si nous travaillons tous ensemble, Kosovars et Serbes, nous pourrons mettre en oeuvre cet accord ! Notre Premier ministre rencontre une nouvelle fois aujourd'hui son homologue serbe à New York. Ils se voient si souvent qu'ils vont devenir amis ! Ces rencontres régulières constituent, en tout état de cause, un énorme progrès.

Pour répondre à votre question, Monsieur le Président, je souhaite que la France continue à soutenir ce processus de normalisation et qu'elle appuie notre candidature à l'Union européenne. Nous ne voulons pas être le trou noir sur la carte européenne. Nous sommes européens par la géographie bien sûr mais aussi par conviction ! Notre volonté de rejoindre la famille européenne n'est pas uniquement motivée par des raisons historiques ou morales. Elle se justifie pleinement par les réformes concrètes que nous menons.

Reste le problème numéro un, qui devient crucial aujourd'hui : celui de la libéralisation des visas. Le recensement de la population organisé il y a deux ans a dénombré 1,7 million de personnes vivant sur le territoire kosovar. La diaspora établie au sein de l'Union européenne représente un tiers de ce chiffre. Libéraliser le régime des visas faciliterait en premier lieu la possibilité pour les citoyens kosovars d'aller voir les membres de leur famille installés à l'étranger. Ma mère pourrait ainsi aller voir plus régulièrement mon frère qui est installé au Danemark depuis 16 ans. Mon conseiller pourrait également se rendre plus facilement à Paris pour voir sa tante ! Je pense également aux étudiants kosovars qui pourraient ainsi étudier de part et d'autre du continent. J'insiste par ailleurs sur le fait que la libéralisation des visas ne profitera pas spécialement aux criminels ! Soyons clairs, ceux-là ne demandent pas d'autorisation pour circuler en Europe ! Ils se rendent d'ores et déjà dans les pays de l'Union européenne, sans visa.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion