Intervention de Roland Ries

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 mai 2011 : 1ère réunion
Refonte du premier paquet ferroviaire examen de trois propositions de résolution

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Nous avons effectivement engagé la réflexion sur cette proposition de refonte du premier paquet ferroviaire il y a déjà quelques mois.

Notre commission a décidé de désigner deux rapporteurs pour essayer de trouver les voies d'une synthèse sur cette question politiquement sensible. Nous avons travaillé du mieux possible mais avons dû constater que cette synthèse était impossible. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer !

C'est un sujet important pour notre pays, certaines dispositions de la refonte étant susceptibles de remettre en cause l'organisation ferroviaire française. Or la France estime avoir largement rempli ses obligations vis-à-vis des exigences fixées par les directives communautaires.

De fait, la France a toujours respecté les délais d'ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire imposés par les directives. L'ouverture de l'ensemble des services de fret s'est faite au 31 mars 2006, soit avant la date butoir du 1er janvier 2007 ; l'ouverture des services internationaux de transport ferroviaire de voyageurs avec un cabotage encadré a été opérée au 13 décembre 2009, la directive imposant la date butoir du 1er janvier 2010.

En outre, la France a procédé à une séparation juridique, qui va au-delà de la seule obligation de séparation comptable posée par la directive, entre le gestionnaire d'infrastructures (RFF) et les entreprises ferroviaires. Il faut néanmoins reconnaître que RFF sous-traite à la SNCF la gestion du réseau : les travaux et la maintenance à SNCF Infra, la gestion des sillons à la nouvelle Direction de la circulation ferroviaire créée au sein de la SNCF. Ceci ne semble pas satisfaire la Commission qui a assigné la France devant la Cour de justice de l'Union européenne, mais la Commission conteste aussi la structure en « holding » choisie en Allemagne notamment.

En outre, la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite « ORTF », a complété les dispositions destinées à répondre aux exigences des directives du premier paquet ferroviaire : elle a créé une autorité de régulation, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), et organisé l'accès équitable de toutes les entreprises ferroviaires aux services annexes que sont l'accès aux gares, les triages, les dépôts ateliers, les services de dépannage.... Notamment, un avant-projet de décret relatif aux gares de voyageurs et aux infrastructures de services du réseau ferroviaire (en application de la loi ORTF) a été rédigé et doit être transmis au Conseil d'État.

N'oublions pas que la SNCF est dotée d'un statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) : de ce fait, elle est affectataire de biens de l'Etat et astreinte à respecter des textes réglementaires propres pour son fonctionnement, à commencer par le statut du personnel.

Notamment, l'organisation de la gestion des services annexes est susceptible d'être largement modifiée : l'article 13 du projet de directive introduit une nouvelle exigence de séparation « juridique, organisationnelle et décisionnelle » entre les opérateurs de services annexes rendus aux entreprises ferroviaires et les entreprises ferroviaires en position dominante. Ceci pourrait conduire à la filialisation des activités de gestion des gares, de maintenance des matériels, de gestion des triages et des divers terminaux relevant aujourd'hui de la SNCF (plus précisément, de sa branche : Gares et connexions, créée en avril 2009) ou, à l'inverse, la filialisation de l'ensemble des activités ferroviaires pour ne laisser dans la SNCF que ces services annexes ! Dans les deux cas, il s'agirait d'un bouleversement organisationnel pour la SNCF. Pourtant, la Commission elle-même envisageait, dans son rapport de mai 2006 sur la mise en oeuvre du paquet ferroviaire, une solution plus souple, reposant sur un système de contractualisation entre le gestionnaire d'accès et une entreprise ferroviaire pour permettre l'accès aux facilités essentielles.

En revanche, le projet de refonte ne prévoit rien pour renforcer la séparation entre gestionnaires d'infrastructure et entreprises ferroviaires, alors même que d'autres pays ont été moins loin que la France dans cette séparation et ont maintenu le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique dans une même holding. La France a-t-elle intérêt à clarifier cela dans le texte ou vaut-il mieux s'en remettre à la Cour de justice pour dire le droit applicable en la matière ? Cette solution est-elle viable ? Peut-elle constituer une synthèse pour l'avenir ? La proposition de résolution que j'ai déposée avec mes collègues du groupe socialiste propose d'explorer cette solution comme voie de sortie des difficultés actuelles.

Pour mieux répondre à ces interrogations, nous avons rencontré tous les acteurs importants du dossier : la SNCF bien sûr, dont le Président avait été auditionné sur ce sujet par notre commission en décembre 2010. Pour la SNCF, nous avons également entendu Mme Sophie Boissard, directrice de la branche « Gares et connexions » qui est particulièrement visée par la refonte où seront précisées les conditions d'accès aux installations de service, donc aux gares.

Nous avons également pu nous entretenir avec le concurrent principal de la SNCF, la Deutsche Bahn (DB), qui nous a présenté sa structure en holding et expliqué la manière dont elle a isolé dans une structure de défaisance ad hoc la dette de la DB et mis en extinction le statut de ses cheminots par la grande réforme ferroviaire de 1994. Nous savons que la dette de RFF avoisine aujourd'hui 28 milliards d'euros ; il s'agit donc de deux points sensibles en France. Mais nous avons aussi rencontré les autres concurrents de la SNCF, dans le fret et le transport de voyageurs : Europorte, Eurocargorail, et l'Association française du rail.

Face à ces opérateurs ferroviaires, se trouvent le gestionnaire de réseau et le régulateur. Nous avons donc entendu Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF) et Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).

Ayant fait le tour de la situation française, nous nous sommes tournés vers la Commission européenne. Un rendez-vous au cabinet de Siim Kallas, commissaire en charge des transports, a permis de connaître la vision de la Commission à moyen terme. Ce rendez-vous a été complété par un entretien plus technique avec les services de la Commission (à la Direction Générale Mobilité et transports). Nous avons eu aussi un contact au Parlement européen avec un député français, Dominique Riquet, membre suppléant de la commission des transports et du tourisme. Durant tous ces entretiens, le conseiller transports de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne était présent.

Ce tour d'horizon complet nous a permis de mieux cerner les enjeux du texte. J'en vois trois majeurs :

- la question des normes sociales ;

- la question de l'accès aux facilités essentielles ;

- la question de la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur historique.

Sur ces sujets, il n'a pas été possible de dégager une position commune. C'est pourquoi nous avons dû renoncer à nous prononcer le 30 mars dernier, d'autant qu'entre temps, le groupe CRC-SPG avait décidé de déposer sa propre proposition de résolution européenne.

Notre commission est donc invitée aujourd'hui à examiner 3 textes de philosophies générales substantiellement différentes.

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