Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2016 à 17h30
Institutions européennes — Audition conjointe de M. Harlem Désir secrétaire d'état chargé des affaires européennes et de M. Michael Roth ministre adjoint chargé des affaires européennes république fédérale d'allemagne

Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes :

Je partage naturellement ce qui vient d'être dit par mon homologue M. Michael Roth, mais pour compléter sa réponse à la question adressée par M. le Sénateur Louis Nègre, je rappellerai que l'industrie ferroviaire n'est pas la seule concernée. Il nous faut faire évoluer les règles de concurrence en Europe. Ce sujet a d'ailleurs été abordé, en présence du Président de la République et de la Chancelière, par les chefs d'entreprises lors des rencontres d'entreprises d'Évian. Nous sommes aujourd'hui face à des géants industriels qui bénéficient de systèmes dérogatoires à l'économie de marché ou de la puissance de pays mieux installés comme les États-Unis où le marché des télécommunications est moins fragmenté qu'en Europe. Dans les pays émergents et les États-Unis, on retrouve ainsi une grande quantité de concurrents disposant de capacités d'investissement et d'innovation susceptibles de mettre en péril les acquis européens. Tout en évitant la constitution de monopoles ou d'oligopoles en Europe, il faut permettre à nos industriels de s'allier dans divers secteurs où la taille du marché est désormais mondiale, notamment dans les secteurs du numérique, de l'énergie et du ferroviaire, et dans tous les autres secteurs où les acteurs sont de taille mondiale. C'est un débat que nous devons avoir avec la Commission européenne et sa direction de la concurrence dont l'accord est requis lors des projets de fusion.

J'ajouterai deux exemples à la question de la réciprocité sur laquelle mon homologue M. Michael Roth a répondu. S'agissant de la règle du droit moindre actuellement en discussion au plan européen, la France et l'Allemagne défendent une évolution du droit commercial européen qui permettrait, en cas de dumping, d'élever fortement nos droits de douane jusqu'à 300 %, contre 25 % aujourd'hui. Dans le secteur de l'acier, d'autres membres de l'Organisation mondiale du commerce, comme les États-Unis, peuvent monter leurs droits de douane jusqu'à 300 %. Il faut ainsi être capable de sortir d'une certaine forme de naïveté et de réagir de façon très forte afin de protéger nos industries menacées par le dumping. Je prendrai également la question des intérêts stratégiques évoquée lors de la dernière visite du Premier ministre Manuel Valls à Berlin. L'Allemagne essaie de s'appuyer sur la démarche réglementaire française qui vise la protection d'un certain nombre d'entreprises françaises en cas de menaces ourdies par certains investissements étrangers. Le secteur de la défense n'est d'ailleurs pas le seul à être concerné par cette démarche qui concerne les intérêts stratégiques entendus au sens large. Sur tous ces sujets de la protection de nos industries, je pense que la France et l'Allemagne ont des intérêts tout à fait convergents et une vision commune qu'il convient désormais de faire partager à l'ensemble de l'Union européenne.

En réponse à Madame la Sénatrice Fabienne Keller, certains domaines requièrent une avant-garde. L'euro en constitue le plus bel exemple, ainsi que l'Europe de la défense. Nous essayons certes de faire avancer nos propositions dans l'Europe des 27, mais la coopération structurée permanente, définie par le traité, permettra aux États comme la France et l'Allemagne, mais aussi l'Espagne et l'Italie, d'aller plus loin que d'autres États, dont les normes constitutionnelles obligent à la neutralité notamment. Une telle démarche rend ainsi possible la constitution d'une avant-garde dans un grand nombre de domaines. La taxe sur les transactions financières fournit également un bon exemple de création d'une telle avant-garde. En matière de convergence, sans attendre des avancées communes à l'Union européenne, la France et l'Allemagne pourraient définir des objectifs communs, en matière fiscale notamment, et viser une harmonisation de la fiscalité des entreprises entre nos deux pays. Notre vision sociale est également conjointe, même si nos mécanismes nationaux sont différents. L'Allemagne a récemment adopté un salaire minimum, qui permet de lutter contre le dumping social. Ainsi, je crois vraiment que, lorsque la France et l'Allemagne peuvent créer des repères, cette démarche s'avère fructueuse pour nos deux pays et aide l'Europe à effectuer cette convergence économique et sociale vers un modèle qui nous est commun.

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