Intervention de Harlem Désir

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2016 à 17h30
Institutions européennes — Audition conjointe de M. Harlem Désir secrétaire d'état chargé des affaires européennes et de M. Michael Roth ministre adjoint chargé des affaires européennes république fédérale d'allemagne

Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes :

M. le Sénateur Richard Yung a indiqué que nous avancions trop lentement, à l'inverse de la mondialisation et des crises qui s'y font jour. Nous ne sommes pas aussi exempts de toute contradiction. En effet, les Français sont aujourd'hui très satisfaits de l'action de la Banque centrale pour des raisons rappelées par mon homologue, M. Michael Roth, puisque nous étions préoccupés par le problème de la croissance molle et de la relance de l'investissement. Nous avons plaidé pour que la Banque centrale permette un rééquilibrage du taux de change de l'euro. Elle a ainsi agi dans un sens correspondant à son mandat, puisque l'inflation est demeurée en deçà de la cible de 2 % et qu'elle a souhaité s'assurer que le système bancaire verse davantage de crédits aux entreprises et aux ménages. Elle a donc créé des liquidités pour cela. C'est d'ailleurs un paradoxe puisque, pendant très longtemps, la France est demeurée très critique vis-à-vis de la Banque centrale européenne, dont l'indépendance était alors défendue par l'Allemagne, du fait qu'elle ne répondait pas aux injonctions politiques.

La politique monétaire reste un atout pour la reprise économique en Europe et fonctionne du fait de l'existence d'une institution européenne. Puisque nous avons créé une monnaie commune, en appliquant le principe de subsidiarité, il nous fallait instaurer une banque centrale européenne qui agisse au service de l'Europe. Il vaut mieux laisser la compétence aux États membres et aux collectivités locales dans les domaines où la souveraineté n'est pas partagée. C'est pourquoi nous avons plaidé avec mon homologue, M. Michael Roth, dans les conseils au sein desquels nous siégeons, pour que la Commission ne s'immisce pas dans tous les domaines de la vie quotidienne ou économique des citoyens, mais qu'elle se concentre sur les priorités dont nous avons parlé : le soutien à l'investissement, les grands dossiers industriels, la croissance, l'émigration ou encore la défense. Une telle limitation change grandement le fonctionnement de l'Union européenne. Ainsi, il nous faut à nouveau débattre du principe de subsidiarité et veiller à ce qu'il soit partagé.

Dans un contexte où il y a plus d'hétérogénéité dans une Europe à 27, il faut bien prendre en compte la diversité qui s'y fait jour. Les préoccupations de départ ne sont plus forcément les mêmes, et il importe de s'assurer que la France et l'Allemagne proposent, sur chaque grande question, des réponses communes. Faute d'une telle démarche, il serait plus difficile encore de maintenir ensemble cette Europe à 27. C'est sans doute notre devoir, dans le contexte de montée des populismes et de la tentation chez certains de s'éloigner, que l'approche franco-allemande soit solide. On reproche parfois à la France et à l'Allemagne de fermer le jeu, mais l'absence de leur approche commune s'avère très vite anxiogène. Nos propositions communes permettent ainsi à d'autres États de participer à des avancées.

C'est le cas également des alliances industrielles, comme dans le secteur de l'armement avec l'alliance entre NEXTER et KMW. Il incombe désormais au secteur privé d'assurer sa propre convergence. Airbus est un exemple particulier puisque la France avait une participation publique dans l'aéronautique et il a fallu que l'État se mêle de la création de cette entreprise dont le fonctionnement s'est progressivement normalisé. Il faut d'ailleurs que l'Europe soutienne les arbitrages d'Airbus face à Boeing. Mais, dans nombre de domaines, il nous faut faire en sorte que les règles européennes de concurrence n'empêchent pas les industriels, tout particulièrement français et allemands, de nouer des alliances par eux-mêmes.

Que voulons-nous faire du soixantième anniversaire du traité de Rome qui se déroulera sous la présidence maltaise et qui ne doit pas être une commémoration, car l'Europe est un projet et non un souvenir ? Il nous faudra clarifier notre agenda et nous concentrer sur des priorités. Au-delà des différences qui peuvent se faire jour entre les États, interrogeons-nous sur notre capacité d'assumer notre destin commun et de défendre nos valeurs communes pour mieux peser sur la mondialisation. La clarification de nos objectifs pourrait alors conduire à d'autres étapes institutionnelles. Quels sont les grands choix qu'il nous faudra opérer ensemble ? Souhaitons-nous que l'Europe soit une puissance qui s'affirme et quels sont les États membres désireux de poursuivre ensemble ce projet ? La France et l'Allemagne sont persuadées que leur destin commun est celui de l'Europe.

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