Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 13 avril 2006 à 9h30
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Si l'apprentissage junior est considéré par le Gouvernement comme une réponse à ce qu'il est convenu d'appeler la révolte des banlieues en novembre dernier, c'est une réponse manifestement erronée. Pas plus que le CPE ne peut résoudre le problème réel du chômage des jeunes, l'apprentissage junior ne peut résoudre celui de la formation et de l'insertion des jeunes en difficulté ou de ceux qui ne sont pas à l'aise au collège.

Il y a une contradiction entre les intentions que vous affichez et cette mesure. Il ne s'agit surtout pas, ici et aujourd'hui, de faire un procès d'intention. Certains croient - de bonne foi, nous en sommes persuadés - que sortir des jeunes de treize ans et neuf mois de l'école est une solution, au motif que ces jeunes détestent l'école, qu'ils seront mieux dans le monde du travail, voire qu'il leur faut apprendre, pour certains, les réalités du travail.

C'est une solution de facilité, et même parfaitement démagogique.

Quels que soient les jeunes dont on parle, l'apprentissage prématuré n'est pas adapté. Les employeurs, notamment dans les entreprises artisanales, qui sont les premières concernées, n'ont pas vocation à se transformer en éducateurs pour jeunes en difficulté. Cela relève de la confusion et de la méconnaissance des réalités à la fois en ce qui concerne les jeunes et les entreprises.

Même si l'on considère que ces jeunes ont besoin d'instaurer de nouveaux contacts avec les adultes, cela ne peut être le rôle des chefs d'entreprise, qui vous l'ont d'ailleurs dit très clairement et publiquement. On est là, comme pour le CPE, dans la simplification, donc dans l'inadaptation.

Le Gouvernement ne peut légitimement espérer se décharger sur le monde économique d'un problème qu'il ne veut pas résoudre en faisant pour les quartiers en difficulté et les classes les plus pauvres qui les habitent ce qui doit être fait. L'emploi, la santé, le logement social - dont le Sénat discute par ailleurs en ce moment -, les discriminations sont les questions de fond qui appellent des solutions vigoureuses. Nous les attendons toujours.

En revanche, ce que les employeurs les plus concernés, ce que les enseignants de CFA et de sections professionnelles vous disent, c'est que vous dévalorisez l'apprentissage en le présentant de cette manière. Et cela est très grave. Vous présentez une voie qui devrait être choisie en connaissance de cause comme une voie qui sera nécessairement subie. Vous multipliez l'effet de relégation.

En réalité, il n'y a pour vous, encore aujourd'hui, et malgré toutes vos déclarations sur la revalorisation des métiers techniques et manuels, que la voie royale des filières générales, débouchant de préférence sur une grande école, une voie toute tracée pour les jeunes des classes les plus favorisées. Pour les autres, les solutions les plus simplistes et les plus démagogiques semblent suffire.

Plus largement, l'apprentissage junior est un contresens en matière éducative et en matière d'emploi.

L'apprentissage junior n'est que le moyen de revenir sur l'obligation scolaire à seize ans, instituée par le général de Gaulle. Ce n'est pas une solution viable dans un contexte mondial de concurrence où l'Europe doit, au contraire, développer la formation et la recherche. On sait parfaitement, ne vous en déplaise, qu'un jeune qui a quitté le collège n'y revient en général jamais.

Cela sera d'autant plus vrai que vous avez inséré dans votre texte la possibilité d'une gratification du jeune, avant même qu'il signe un premier contrat de travail à l'âge de quinze ans. Pour ces jeunes, et pour les familles les plus modestes, qui vivent dans la nécessité permanente, c'est un piège redoutable.

Finalement, le jeune n'aura donc qu'une formation limitée s'agissant des savoirs fondamentaux. Comment conciliez-vous, dans ces conditions, cette formation de base, forcément lacunaire, avec la nécessité de la mobilité professionnelle ? Comment le jeune pourra-t-il participer au développement de l'économie autrement qu'en faisant partie de la main-d'oeuvre peu formée, celle-là même qui risque de se trouver dans les rangs des travailleurs pauvres ?

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