Intervention de Fabienne Keller

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 juillet 2016 à 8h30
Institutions européennes — Relations entre le royaume-uni et l'union européenne : communication de mme fabienne keller

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Le Premier ministre David Cameron a annoncé, dès le 24 juin à 9 heures, sa démission prochaine, ouvrant la question de sa succession au sein du parti conservateur, auquel revient la responsabilité de désigner le nouveau Premier ministre. Un vote devrait avoir lieu le 9 septembre. Le processus de désignation des candidats à la Chambre des Communes prévoyait que les candidatures devaient être déposées avant le 30 juin 2016. Cinq ont été enregistrées. Deux noms se détachent : la ministre de l'Intérieur, Mme Theresa May, eurosceptique à l'origine mais ayant fait une campagne discrète pour le maintien au sein de l'Union, et le ministre de la justice, Anthony Gove, partisan du Brexit. La candidature de ce dernier, surnommé « Macbeth » dans la presse, a rendu impossible celle de Boris Johnson, ancien maire de Londres et figure de la campagne du Brexit. Outre Mme May, qui fait figure de favorite, restent en lice deux candidats favorables au Brexit. Mme May a, pour l'heure, indiqué sa volonté de respecter le résultat du référendum et envisagerait une ouverture des négociations de sortie - en invoquant l'article 50 - en décembre.

En face, le parti travailliste est également divisé. Une motion de défiance visant Jeremy Corbyn a été approuvée par 172 députés travaillistes contre 40 alors que les démissions se multiplient au sein du shadow cabinet. La motion visait principalement l'absence de dynamisme de la campagne de M. Corbyn en faveur du maintien au sein de l'Union européenne. Le chef du Labour a, cependant, refusé de démissionner. Les statuts du Labour prévoient que, pour être validée, la motion de défiance doit être approuvée par la base.

L'article 50 du traité sur l'Union européenne, introduit par le traité de Lisbonne, prévoit les modalités de sortie de l'Union. Tout État membre souhaitant se retirer de l'Union européenne doit, en premier lieu, notifier sa décision au Conseil européen. Ce sera la tâche du prochain gouvernement britannique, David Cameron n'ayant pas souhaité le faire. Des orientations sont alors définies par le Conseil européen, au sein duquel ne siège pas le pays concerné, et un accord de retrait est négocié sur ces bases. Il est conclu par le Conseil à la majorité qualifié après approbation du Parlement européen. Les traités cessent alors d'être applicables à l'ancien État membre. Si aucun accord n'intervient dans les deux ans suivant la notification, les traités cessent également d'être applicables, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai. Quoi qu'il en soit, en attendant l'ouverture des négociations et leur éventuelle conclusion, le Royaume-Uni est toujours membre de l'Union européenne.

Il y a bien eu quelques gestes symboliques, comme la démission du britannique Jonathan Hill de son poste de commissaire européen aux services financiers ou le vote d'une résolution au Parlement européen le 28 juin invitant à une modification du calendrier des présidences de l'Union - le Royaume-Uni devant l'exercer au second semestre 2017 - et à un engagement rapide des négociations de sortie. Aucun calendrier n'a pour autant été envisagé. La déclaration des 27, adoptée à Bruxelles le 29 juin, rappelle que le retrait doit être activé par le Royaume-Uni. Elle insiste sur le fait qu'un éventuel accord devra être équilibré entre les droits et les obligations. L'accès au marché unique passe en effet obligatoirement par l'acceptation des quatre libertés. La Commission a indiqué, de son côté, qu'il n'y aurait aucune négociation préalable à la notification. Un diplomate belge, Didier Seeuws, a néanmoins déjà été nommé à la tête d'une task force chargée de préparer ces tractations.

Avec ce référendum, l'écart entre les annonces et la réalité est apparu au grand jour : dès le 24 juin au matin, Nigel Farage a dû reconnaître que la promesse de consacrer aux services de santé les 350 millions d'euros que, selon lui, le Royaume-Uni versait chaque semaine à l'Union européenne, n'était qu'un engagement de campagne ; Boris Johnson lui a emboîté le pas deux jours plus tard.

Si le pays est sous le choc, divisé, affaibli - à l'image de sa monnaie qui a perdu environ 30 % de sa valeur -, la capacité des Anglais à rebondir et à faire preuve de pragmatisme est importante. Voyez par exemple comment la Bourse de Londres accélère son rapprochement avec celle de Francfort, pour créer un ensemble qui serait à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la zone euro.

L'intégrité du Royaume-Uni est ébranlée. Mme Nicola Sturgeon, qui dirige le Scottish National Party, s'est immédiatement rendue à Bruxelles pour rappeler à M. Juncker l'attachement de l'Ecosse à l'Union européenne. Cela dit, la décision de tenir un second référendum ne pourra pas être prise rapidement, car Mme Sturgeon ne dispose pas au Parlement écossais d'une majorité suffisante pour la faire approuver, et le contexte économique ne s'y prête guère. Du reste, cette décision ne peut être prise qu'à Westminster. En tout état de cause, il serait difficile à l'Ecosse de quitter le Royaume-Uni avant que celui-ci n'ait clarifié ses relations avec l'Union européenne.

Si l'Ecosse a voté pour le « remain » à 64 %, le score a été plus serré en Irlande, où la majorité contre le Brexit n'a été que de 54 %. Le vote des Unionistes a été proche de celui des régions périphériques de l'Angleterre - favorable au Brexit, donc. Ce sont les Républicains qui ont voté pour le « remain ».

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