Intervention de Pierre Sellal

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 juillet 2016 à 8h30
Institutions européennes — Audition de M. Pierre Sellal ambassadeur représentant permanent de la france auprès de l'union européenne

Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne :

Le référendum a en effet mis en lumière les billevesées et les mensonges des europhobes et des populistes. Montrer que le coût de la sortie est supérieur à ses avantages, sans pour autant nous montrer trop punitifs, est la meilleure réplique que nous puissions donner.

Vous soulignez à juste titre l'importance de l'accord sur les garde-frontières : il montre le consensus sur le besoin de protection et l'exigence d'un contrôle renforcé de nos frontières extérieures. Cette idée, qui touche au plus intime de la souveraineté, a été évoquée pour la première fois dans une lettre commune d' Helmut Kohl et de François Mitterrand il y a 25 ans. Elle a été ensuite bloquée par nombre de partenaires, pas seulement parmi les nouveaux Etats membres, très attentifs aux marques de leur souveraineté. Le besoin de sécurité a rendu acceptable et même nécessaire une telle décision qui se traduit par la présence d'uniformes étrangers à sa propre frontière, si nécessaire.

Il semble très difficile d'envisager que le Royaume-Uni soit encore un État membre pour les élections européennes de 2019. C'est une échéance raisonnable et politiquement significative, et le calendrier dans lequel nous nous inscrivons.

Je ne crois pas que, d'un point de vue politique et économique, nous puissions rester dans une incertitude prolongée. On peut certes imaginer l'hypothèse de nouvelles élections générales au Royaume-Uni, un nouveau gouvernement qui serait élu sur la base d'une remise en cause de la sortie... Si à ce moment-là la négociation du divorce au titre de l'article 50 n'est pas achevée, la question politique et juridique d'un retrait de la notification de départ sera posée. Si en revanche la négociation était terminée le Royaume-Uni reviendrait dans le cadre de l'article 49, c'est-à-dire d'une adhésion simple. En dehors de cette hypothèse, qui ne paraît pas la plus probable, je ne crois pas possible de différer une notification formelle au-delà du début 2017, et la sortie après 2019.

Les situations de l'Irlande du Nord et de l'Écosse sont différentes. Elles ont toutes deux vocation à être réglées par les Britanniques. La position prise publiquement par Jean-Marc Ayrault sur ce point est juste : les mécanismes et les procédures européens ne doivent pas susciter la division au sein des États membres. Certains d'entre eux, je pense notamment à l'Espagne, seront particulièrement vigilants sur ce point.

La directive sur les travailleurs détachés, vieille de vingt ans, est fréquemment contournée. Une correction s'impose. Voilà un domaine où la notion de protection doit trouver une pleine expression. Le ton de notre Premier ministre sur le sujet fait écho à la véhémence manifestée dans plusieurs formations du Conseil, à Bruxelles, par un groupe de onze États membres d'Europe centrale et orientale qui refusent toute modification du régime actuel. Dans la perspective de la négociation à venir, une telle prise de position, marquant fermement notre volonté de mettre fin aux abus, n'est pas malvenue.

Jean-Claude Juncker sera-t-il une victime expiatoire du Brexit, duquel il n'est aucunement responsable ? En Allemagne, le vieux débat du caractère politique ou technique de la Commission européenne a refait surface. La France elle-même a toujours oscillé entre les deux positions, selon que la Commission agissait de manière conforme ou non à ses attentes... Il n'est pas raisonnable de vouloir des institutions plus à l'écoute des peuples tout en refusant tout rôle politique à la Commission européenne. Dans les discussions sur le pacte de stabilité et de croissance, l'Allemagne a parfois reproché à Jean-Claude Juncker une trop grande mansuétude à l'égard de la France, un manque de fermeté vis-à-vis de l'Espagne et du Portugal.... A nos yeux, la crédibilité du pacte et le respect nécessaire des règles n'impliquent pas de demander à la Commission de ne pas tenir compte de l'absence de gouvernement en Espagne et de la période d'austérité que vient de traverser le Portugal.

J'ai la conviction que nous pouvons continuer à mettre en oeuvre les politiques européennes, dont la politique de concurrence reste l'un des fleurons. Dans le domaine du numérique, quel pays tente de résister à la position dominante des groupes mondiaux ? Microsoft a été sanctionné par le commissaire à la concurrence d'alors, Mario Monti ; Margrethe Vestager s'est attaquée à la position dominante de Google. L'autorité de la concurrence des États-Unis ne le fait pas, la Chine non plus. Certes, des décisions contestables ont été prises dans le domaine des télécom, mais les autorités nationales sont au moins aussi rigoureuses.

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