Intervention de Pierre Sellal

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 juillet 2016 à 8h30
Institutions européennes — Audition de M. Pierre Sellal ambassadeur représentant permanent de la france auprès de l'union européenne

Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne :

Le risque que l'agenda européen soit dominé par la question du Brexit est réel. Au sortir d'une crise économique et financière, qu'il importe de surmonter définitivement, alors que la crise migratoire est en voie d'être maîtrisée, nous pensions être en mesure d'aborder les sujets de fond... Veillons à poursuivre les politiques européennes.

Toute interruption du processus de retrait supposerait, à mes yeux, qu'il y ait des élections générales au Royaume-Uni. Les Communes sont certes souveraines. Mais elles ne peuvent ignorer le résultat du référendum. On ne peut cependant pas complètement écarter l'hypothèse d'un changement de position britannique. Quoi qu'il en soit, le règlement de divorce n'appelle pas ratification par les États membres ; la mise en place d'un nouveau statut, par exemple une formule à la norvégienne, implique en revanche un processus long puisque tous les États membres devront ratifier un tel accord.

La Commission européenne a pour vocation de promouvoir l'intérêt général européen, la synthèse réussie des intérêts nationaux. Mon rôle consiste à faire en sorte que les intérêts français pèsent aussi fort que possible dans cette synthèse. Certains arbitrages nous sont parfois défavorables, même si cela reste rare. Pour parer au risque, nous tenons à ce que le Conseil européen puisse se prononcer sur le résultat de la négociation, et il le fait à l'unanimité. D'où notre fermeté sur l'accord avec le Canada ou l'obligation que nous avons faite à la Commission européenne d'obtenir un mandat à l'unanimité pour négocier le traité transatlantique, ce qui implique que le résultat soit également approuvé à l'unanimité. J'espère que la Cour de justice, actuellement saisie dans une autre affaire, ne viendra pas affaiblir notre position juridique sur ce point. Si l'intégralité de la politique commerciale devait relever de la majorité qualifiée, il faudra que nous soyons encore plus actifs et performants dans la surpondération des intérêts français. Pour l'instant, l'unanimité reste la meilleure garantie de la préservation des principes auxquels nous tenons.

À devoir choisir entre leurs intérêts économiques et les encoches à leur souveraineté, les Britanniques sont face à un dilemme. Mettre fin à la primauté du droit communautaire et limiter la circulation des personnes, tels étaient les sujets au coeur de la campagne du Brexit. On est à l'inverse du modèle norvégien qui impose la reprise du droit européen sans participer à son élaboration, ce qui est encore plus sévère en termes de souveraineté, tout en acceptant la libre circulation des personnes en contrepartie de l'accès aux autres libertés. Je ne peux pas préjuger de ce que sera l'arbitrage britannique.

Les 27 ont pour objectif de défendre leurs intérêts économiques et politiques, naturellement, mais aussi les principes européens et de conjurer le risque de contagion des statuts à la carte. Le refus du passeport européen pour les services établis à Londres est un enjeu majeur, car il s'agit d'éviter que les entreprises basées au Royaume-Uni continuent de bénéficier des facilités d'accès au marché européen sans l'application pleine du droit de l'Union et sans contreparties. Si l'on veut renforcer l'attractivité de la place de Paris tout en fermant la voie au détricotage du droit de l'Union, il faut être ferme : Londres ne doit plus pouvoir bénéficier des avantages actuels. Par exemple, un arrêt du tribunal de l'Union a explicitement posé que les chambres de compensation en euros pouvaient être basées hors de la zone euro, à condition que ce soit dans un État membre. Elles n'auront plus leur place à Londres devenue capitale d'un pays tiers.

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