De fait, mon intervention porte sur la proposition de règlement sur la surveillance budgétaire et la correction des déficits dans les États membres de la zone euro qu'a fléchée le groupe de travail. Ce texte appartient au nouveau paquet destiné à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro publié par la Commission européenne il y a un mois, que M. Bernard-Reymond et moi-même rapporterons début 2012. Sans préjuger de son examen au fond, celui-ci mérite un avis motivé que le Sénat, aux termes du traité du Lisbonne, doit prendre dans un délai de huit semaines. D'où son inscription à notre ordre du jour pour laisser à la commission des finances le temps de l'examiner avant le 26 janvier.
Quel est son objet ? Il renforce le calendrier budgétaire commun, improprement qualifié de « semestre européen », avant d'autoriser la Commission européenne à demander la révision des projets de budget qui seraient contraires au pacte de stabilité et de soumettre les pays soumis à une procédure pour déficit excessif à des obligations d'information renforcées.
D'abord, nulle trace, dans ce texte, de la motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité, rendue obligatoire par l'article 5 du protocole sur l'application de ces deux principes, annexé au traité de Lisbonne. Le texte vient après le « six-pack », qui traite également de discipline budgétaire : il faudra s'interroger sur cet empilement budgétaire.
Surtout, je m'interroge sur la base juridique de deux articles. L'article 4 revient à imposer aux États membres une révision constitutionnelle pour adopter la règle d'or qui, les débats au Sénat l'ont montré, ne fait pas l'unanimité, et que le pacte de stabilité de 1997 prévoit déjà. Je n'aborde pas le fond - on en a discuté lors de la réforme de la Constitution - mais je m'étonne de la méthode. L'article 4 demande également aux États membres la mise en place de conseils budgétaires indépendants chargés de surveiller le respect des règles budgétaires à moyen terme. L'article 3 oblige les États à fonder leurs projets de lois de finances sur des prévisions macroéconomiques indépendantes.
L'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que cite la Commission européenne, n'autorise nullement à demander une révision de la Constitution. Or nous n'y échapperions pas avec cet article 4, le contrôle systématique des lois de finances par le Conseil constitutionnel relevant de la Loi fondamentale. En outre, une telle disposition est incompatible aussi bien avec le principe du respect des « structures politiques et constitutionnelles » des États membres posé à l'article 4 du traité sur l'Union européenne qu'avec la hiérarchie des normes en droit français. Sans compter que ce texte demandant aux États de transposer une règle, il devrait, techniquement, prendre la forme d'une directive, et non d'un règlement directement applicable.
Ensuite, ce texte va à l'encontre du principe de subsidiarité, consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne, en ce qu'il prescrit de réviser la Constitution, de mettre en place un conseil budgétaire indépendant et de fonder les budgets sur des prévisions indépendantes. Ces modalités, si elles ne sont pas forcément mauvaises, relèvent du choix des États membres. Autrement dit, les États membres ont une obligation de résultat, mais le principe de subsidiarité conduit à leur laisser une certaine latitude pour déterminer les moyens par lesquels ces objectifs doivent être atteints.
Enfin, parce que le traité associe lui-même subsidiarité et proportionnalité, on est fondé à se demander si les obligations prévues par l'article 4 sont vraiment nécessaires. Le bon sens voudrait que l'on laisse fonctionner le précédent paquet, le « six-pack », qui est entré en vigueur la semaine dernière, avant de modifier la mécanique.
Je n'aborde pas le fond même du texte, on l'aura compris ; je partage naturellement l'objectif de sauver la zone euro et de retrouver les chemins de la croissance et de l'emploi. La seule question posée est : est-ce indispensable d'aller aussi loin dans les modalités ? Poser ce problème, c'est contribuer au renforcement de la sécurité juridique, si tant est que nous en ayons les moyens.
En vertu du principe de subsidiarité, l'Union européenne doit laisser aux États membres le choix des moyens, en fonction de leur ordre juridique interne.