Intervention de Michel Billout

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2012 : 1ère réunion
Questions sociales — L'union européenne et les roms - rapport d'information proposition de résolution européenne et projet d'avis politique de m. michel billout

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Mon humanisme ? Je le revendique, mais je récuse tout angélisme. Je me suis efforcé d'aborder toutes les questions sans polémique, dans une perspective équilibrée. La criminalité existe. Il s'agit de savoir comment la combattre. Est-elle d'origine intrinsèque, voire génétique, comme peuvent l'affirmer certaines déclarations politiques hasardeuses, ou bien est-elle le produit de la précarité ?

Si nous combattons les revenus illégaux, il faut faciliter les revenus licites. Sinon, notre combat contre la criminalité restera un voeu pieux. Alors qu'au sein de l'Union européenne la liberté de circulation est liée au fait d'avoir des revenus stables et légaux, les mesures transitoires pour l'accès au travail des ressortissants roumains et bulgares ont été maintenues six ans, sans aucune étude sur l'impact des mesures. Nous avons le retour d'expérience d'autres pays : ainsi l'Espagne, après les avoir supprimées, les a rétablies à cause de la crise, davantage à des fins d'affichage politique que pour leur efficacité sur le marché de l'emploi.

Je partage certains constats de Sophie Joissains. Pourquoi les Roms s'installent-ils dans des quartiers populaires ? Je n'en ai pas vu beaucoup à Neuilly, sans doute faute de terrains... Rajouter de la misère à la difficulté n'est pas supportable et comporte un danger de radicalisation comme nous l'avons vu à Marseille. La situation peut vite tourner aux émeutes, comme en Hongrie dans les années 2008-2010. Nous ne pouvons rester inactifs, ni nous borner à dire : ce campement est illicite, il faut l'évacuer.

Attention cependant aux conclusions rapides : avant d'évacuer un campement illicite, il faut chercher une solution de remplacement, même s'il n'est toujours possible d'en trouver une. Il arrive qu'il n'y en ait pas, mais il arrive aussi qu'on ne prenne pas la peine d'y réfléchir : en Seine-et-Marne, j'ai vu des évacuations réalisées alors qu'il existait des solutions intermédiaires de relogement provisoire dans des bâtiments publics désaffectés ; un centre hospitalier venait d'être transféré de Lagny à Jossigny et laissait vides des locaux : la préfecture n'a même pas envisagé cette solution... Mais il faut être intransigeant lorsque l'emplacement met les personnes en danger : au bord de l'autoroute, voire même sur des échangeurs, comme à Saint-Denis.

Nos mesures seront dans tous les cas d'autant mieux acceptées qu'elles feront l'objet de mesures d'accompagnement et qu'elles répondront à la diversité des situations. La réponse sécuritaire ne suffit pas : fermer un campement, c'est déplacer le problème. De toute façon, tous les gens que j'ai rencontrés sont formels : ils ne rentreront pas en Roumanie, comme les Maliens ne reviendront pas au Mali et les Sénégalais au Sénégal. Pour ces populations, le retour est un constat d'échec.

Le problème n'est pas français ; l'Europe y est en butte depuis des siècles, et la solution est d'ordre générationnel : ne cherchons pas à le résoudre en quelques années. La scolarisation dans le secondaire et le supérieur est l'enjeu le plus important ; seuls 15 % des adultes roms ont poursuivi des études secondaires, ce qui pose un gros problème d'employabilité. La Hongrie avait réussi à obtenir un très bon taux de scolarisation des enfants roms, mais il diminue car les collectivités locales vendent les écoles publiques au clergé. Les Hongrois vont dans les écoles confessionnelles, mais il faut que l'école publique demeure pour que les Tsiganes soient scolarisés.

C'est auprès des pays d'origine qu'il faut agir. Peut-on avoir une politique coercitive ? On le voit en Hongrie : quand un pays s'écarte des valeurs de l'Union, Bruxelles réagit moins fermement que lorsqu'il touche à la Banque centrale... Dans mon rapport je suggère le suivi plus que la coercition.

Fermer le robinet budgétaire, serait-ce la solution ? J'en doute, compte tenu du niveau de consommation des crédits : 10 % seulement en Roumanie. Je préfère un système d'encouragement permanent.

L'Europe née dans les camps ? C'est vrai. Mais les Roms ont un vrai déficit d'organisation politique. Le mouvement est né en 1971 : les discriminations leur ont fait prendre conscience de la nécessité de se défendre. Leur organisation est très influencée par le mouvement sioniste. En octobre dernier a été inauguré en Allemagne le premier - et le seul -monument à la mémoire des Tsiganes exterminés. Il a été réalisé par un Israélien. A Nüremberg, le sort des Tsiganes n'a pas été évoqué...

Quant à l'aide au relogement, ne rêvons pas : nous n'arrivons même pas à loger les sans domicile fixe... Faisons preuve d'un peu plus de souplesse : un camp dans la boue n'est pas dangereux et si les agents sociaux refusent de s'y rendre à cause de la boue, achetons-leur des bottes ! Il n'est pas question d'accepter l'existence durable de bidonvilles en France, mais il faut apporter des réponses nuancées selon les situations : c'est ce que dit la circulaire.

Les villages d'insertion ? L'initiative est assez récente, mais les retours d'expérience incitent à la prudence. Substituer un logement décent à un bidonville est une bonne chose, mais cette solution est réservée aux Roms, et le règlement discriminatoire : interdiction des visites, couvre-feu, insertion réalisée par le gestionnaire du camp...

Nous aurions intérêt à tout remettre à plat : il faut élargir l'accueil à tous ceux qui n'ont pas de domicile satisfaisant, et limiter le séjour dans le temps, sinon ce n'est plus de l'insertion, c'est une réserve d'Indiens.

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