Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2012 : 1ère réunion
Agriculture et pêche — Lutte contre le virus de schmallenberg - rapport d'information et projet d'avis politique de mme bernadette bourzai

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

J'ai hésité à saisir la commission, mais en approfondissant le sujet, il ne m'a pas semblé inutile de faire connaître à la commission la maladie de Schmallenberg, du nom de la localité allemande où elle a été découverte, notamment en vue de futures lois sur les maladies végétales ou animales. Apparue récemment en Europe, cette maladie d'élevage est peu connue du grand public parce qu'elle n'affecte que les ruminants. Après une phase d'inquiétude légitime, l'attention des autorités sanitaires européennes s'est relâchée parce qu'elle ne concerne, globalement, qu'un nombre limité d'élevages en Europe.

Néanmoins, l'apparition de cette maladie suscite une interrogation sur le fonctionnement des alertes sanitaires en Europe. Il y aura dans l'Union d'autres maladies émergentes et chaque expérience doit contribuer à améliorer notre réactivité. J'ai été sollicitée par un groupement professionnel d'éleveurs de Corrèze et je me suis rendu compte que la maladie de Schmallenberg pouvait être considérée comme un cas d'école dont l'Union européenne devrait tirer des leçons.

Il s'agit d'une maladie virale, se manifestant par des fièvres, des avortements spontanés ou des malformations lors des mises à bas, dont le virus dit de Schmallenberg (VSB) a été identifié en novembre 2011 en Allemagne. Selon les connaissances actuelles, le risque zoonotique, c'est à dire d'une possible transmission à l'homme, paraît exclu.

La contamination a été rapide. Après l'Allemagne, des cas ont été décelées aux Pays-Bas et en Belgique fin 2011, puis en France en janvier 2012. Aujourd'hui, douze pays de l'Union sont touchés mais dans des proportions très différentes. Au 1er septembre 2012, 6 232 élevages infectés étaient identifiés en Europe, 58 % de bovins, 40 % d'ovins et 2 % de caprins. Globalement, la maladie touche donc un très petit nombre d'élevages en Europe et l'impact est encore plus faible rapporté au nombre d'animaux.

La France est le premier pays touché par la maladie avec la moitié des cas identifiés, des élevages bovins dans deux cas sur trois. La contamination a débuté dans les départements de l'est avant que le virus ne se propage assez largement. Fin août, seuls le Finistère et la plupart des départements du sud de la France étaient encore exempts de cas identifiés.

Les conséquences directes, qui engendreraient une perte nette de production, paraissent limitées. Selon une étude menée par les professionnels français, en moyenne, 15 % des agneaux nés et 7 % des veaux nés présentent des troubles (malformations graves ou mortalité néonatale). En revanche, le virus a des conséquences indirectes plus importantes pour les pays exportateurs de bétail. L'arrivée d'un nouveau virus entraîne une suspicion sur l'état sanitaire du cheptel de l'Etat concerné. Au total, 27 Etats importateurs, hors de l'Union européenne, ont ainsi imposé des restrictions sur les échanges d'animaux d'élevage ou de matériels génétiques, sous forme d'embargo, de demandes de tests ou d'attestations. Dans quelques cas, les restrictions peuvent même porter sur les productions - le lait et la viande - voire sur d'autres espèces indemnes de toute contamination.

Ces limites sont évidemment très pénalisantes pour les pays exportateurs, en particulier la France, premier pays de l'Union exportateur de bovins vivants ; les exportateurs corréziens de broutards sont victimes de ces tracas.

La gestion publique de la maladie repose sur la distinction entre l'analyse des risques, une démarche scientifique, et la gestion des risques, qui relève des autorités administratives.

Les législations sont encadrées par les recommandations de l'Organisation internationale pour la santé animale (OIE), à laquelle les maladies émergentes doivent être notifiées. Compte tenu du ralentissement de la progression de la maladie, l'OIE a décidé, en mai 2012, de déclasser la maladie de Schmallenberg de maladie émergente en maladie endémique. Les notifications spontanées par les Etats ont, dès lors, été abandonnées.

Au niveau européen, la Commission a saisi l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), chargée de l'évaluation des risques et quatre rapports ont été publiés. La mobilisation de la communauté scientifique européenne a bien fonctionné, ce qui a permis d'identifier rapidement le virus, sa gravité et les risques de contagion. La Commission a aussi demandé que les restrictions aux échanges internationaux soient supprimées et a cofinancé des projets de recherche sur le virus.

En France, la plateforme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale s'est mobilisée. Cette instance a été créée en 2011 à partir de l'idée que la surveillance épidémiologique est la base de toute politique de prévention et de lutte contre les maladies et qu'elle suppose une bonne coordination des acteurs impliqués. Le système français reste en effet marqué par une dispersion des compétences scientifiques qui ne coopèrent pas suffisamment. Si la coopération entre services de recherche est parfois délicate, en revanche, la coopération semble avoir bien fonctionné entre entités de nature différente. C'était le but de la plateforme, qui rassemble centres de recherche, professionnels et services administratifs. Cette amélioration dans la gouvernance des crises pourrait inspirer d'autres Etats membres.

Si l'évolution de la maladie est rassurante, quelques interrogations demeurent, ce qu'il convient d'énoncer avec précaution dans notre société de médiatisation qui trouve dans ces maladies nouvelles matière à s'alimenter. La médiatisation se nourrit de sensationnel et entre en résonance avec la mémoire collective qui garde la trace des grandes épidémies mondiales, aussi faut-il faire preuve de responsabilité et ne pas surréagir ou inquiéter outre mesure.

Une nouvelle vague de contamination n'est pas à exclure. L'hypothèse la plus probable est que les animaux infectés développent des protections, des antivirus qui limitent les possibilités d'infections nouvelles. Ainsi, au nord de l'Europe, où le virus a été diffusé dès l'automne 2011, il y aura sans doute peu de cas à venir. En revanche, la progression du virus pourrait reprendre au printemps 2013 et se développer dans des régions d'élevage encore indemnes.

Mais là n'est pas ma véritable préoccupation. Tous les observateurs constatent une coïncidence géographique troublante. « Les zones où le virus a été détecté pour la première fois sont remarquablement superposables avec celles où la fièvre catarrhale ovine a fait son apparition en 2006-2007», notent les experts. Nous pouvons donc nous interroger sur la fréquence d'introduction de nouvelles maladies à partir d'une zone qui paraît assez bien identifiée, selon toute vraisemblance, une région portuaire du nord de l'Europe.

Il ne s'agit pas d'accuser tel Etat de négligence, mais il paraît légitime de s'interroger sur les facteurs de risque. Les environs de Maastricht sont des points importants d'importation de fleurs par exemple. Quelques observateurs ont pu noter que, parfois, lorsque les containers sont ouverts, des nuées d'insectes s'en échappent. « Cela n'a jamais été investigué et la Commission européenne fait la sourde oreille comme s'il s'agissait d'un sujet tabou », note un haut fonctionnaire du ministère français de l'agriculture. La zone peut aussi héberger des foires agricoles et animales... Les pistes sont ouvertes et mériteraient d'être creusées.

La réponse scientifique a été satisfaisante, mais est-ce la bonne voie ? Est-il fondé de chercher au microscope électronique des nano détails sans se soucier du contexte ?

C'est sur le plan institutionnel qu'il faut agir : il est en effet légitime de s'intéresser aux facteurs de risque qui exposent l'Europe à de nouvelles maladies animales. Il ne faut pas appréhender le VSB en termes de coût mais en termes de risques. Or, cette analyse des risques ne peut être demandée qu'au niveau européen. Certes, les Etats sont autorisés, au même titre que la Commission, à saisir l'EFSA. Mais un Etat qui prendrait une telle initiative à l'encontre d'un pays voisin serait dans une position plutôt inconfortable. C'est donc à la Commission qu'il revient d'agir. La transparence si souvent évoquée par les autorités publiques européennes ne doit pas se limiter à la communication de résultats mais doit englober la recherche des facteurs de risque.

Avoir une vision européenne revient aussi à poser le problème au niveau mondial. L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) soulignait récemment qu'il était important d'encourager la transparence et des réponses adéquates pour faire face aux maladies émergentes. L'analyse de risque me paraît être une réponse adéquate.

La préparation du projet de loi sur la santé animale, bien qu'elle ne soit qu'une traduction tardive de la stratégie européenne pour la santé animale de 2007, en est l'opportunité. Cet avant-projet indique que la gestion des risques doit prendre en compte l'évaluation des risques et tout autre facteur pertinent et introduit même la notion de suspicion. Une analyse des risques entre dans ce cadre.

Il y a suffisamment d'interrogations pour que je vous propose cet avis politique demandant à la Commission de saisir l'EFSA afin qu'elle conduise une analyse des risques.

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