Comme chaque année depuis 2013 et l'entrée en vigueur du two-pack, la Commission européenne a présenté, le 17 novembre dernier, ses observations sur les plans budgétaires nationaux. Il s'agissait pour elle d'évaluer si ces documents respectaient les objectifs budgétaires à moyen terme définis dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Ces plans budgétaires nationaux ne sont pas des projets de loi de finances mais des documents plus synthétiques présentant les objectifs budgétaires et les moyens retenus pour les atteindre.
Trois pays de la zone euro n'ont pas été abordés dans cette communication : la Grèce et Chypre, qui sont sous assistance financière et le Portugal qui, dans un contexte politique particulier, n'a pas transmis de document à la Commission.
Quelles sont les conclusions de la Commission sur ces plans ?
La Commission européenne estime de façon générale que la zone euro dans son ensemble est sur la voie de l'assainissement des finances publiques. Le déficit public moyen devrait atteindre 1,7 % du PIB au sein de la zone euro en 2016, hors Chypre, Grèce et Portugal, contre 1,9 % en 2015. La dette publique devrait en moyenne représenter 90 % du PIB en 2016, contre 91 % en 2015. Cette diminution de l'endettement constitue une première depuis le début de la crise des dettes souveraines.
Lorsqu'elle examine plus en détail la situation des États, la Commission européenne distingue les pays visés par le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, c'est-à-dire ceux dont le déficit public est inférieur à 3 % de leur PIB, des pays concernés par le volet correctif, c'est-à-dire ceux qui sont visés par une recommandation du Conseil pour les inciter à ramener leur déficit public en deçà du seuil des 3 %.
Pour les premiers, l'objet de l'analyse de la Commission est de vérifier que le budget répond aux objectifs budgétaires à moyen terme, élaborés, pour chacun d'entre eux, dans le cadre du semestre européen. 12 États membres sont dans ce cas. La Commission européenne estime que pour cinq d'entre eux - Allemagne, Estonie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovaquie -, le plan budgétaire est conforme aux attentes. Pour quatre autres - Belgique, Finlande, Lettonie et Malte -, l'appréciation est plus nuancée : le plan est globalement en conformité, mais des mesures d'ajustement apparaissent nécessaires. Enfin, pour les trois restants - Autriche, Italie et Lituanie -, il existe un risque de non-conformité, les plans ne permettant pas aux États concernés de répondre à leurs obligations. Il convient donc de réviser ces plans.
Pour les quatre pays s'inscrivant dans le cadre du volet correctif du Pacte, il s'agit pour la Commission d'évaluer si le projet de budget respecte les contours des recommandations adressées par le Conseil. La France, l'Irlande et la Slovénie sont « globalement en conformité » avec les recommandations. Ces deux derniers pays devraient même sortir du volet correctif du Pacte en 2016. L'Espagne présente, quant à elle, un risque de non-conformité.
Venons-en maintenant aux clauses de flexibilité contenues dans le Pacte de stabilité et de croissance.
Je vous ai présenté ici même, en mars dernier, les contours de la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 sur ce sujet. Elle prévoit des clauses permettant de déroger, en partie et de façon encadrée, aux objectifs fixés dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Celles-ci visaient le changement de cycle économique, la mise en place de réformes structurelles ou la réalisation d'investissements. Deux États ont, depuis, souhaité bénéficier de ces dispositions, la Finlande et l'Italie. Seule cette dernière a été autorisée à en faire état. Dans le cas italien, c'est la clause de réforme structurelle qui a été actionnée.
La Commission européenne a présenté cette communication comme une lecture politique du Pacte. Cette position de la Commission européenne ne fait pas l'unanimité. Le Conseil a prévu de donner son avis en décembre sur l'application de cette communication. Il est pour l'heure divisé, l'Allemagne étant réservée sur l'absence de concertation préalable entre la Commission européenne et les États au moment de la parution de la communication, la France ou l'Italie étant, quant à elles, très favorables à ce nouveau dispositif. Des interrogations subsistent également quant à la façon d'évaluer les réformes structurelles ou sur les limites à apporter à l'application répétée des clauses de flexibilité. Le service juridique du Conseil a également jugé en avril dernier, que la clause « réforme structurelle » n'était pas assez précise. La Banque centrale européenne estime, de son côté, que seul un petit nombre de réformes structurelles ont des conséquences budgétaires à court terme. Elles s'avèrent, de surcroît, délicates à évaluer. L'utilisation de cette clause peut donc apparaître contreproductive. Son application doit, en tout cas, être claire, transparente, prudente et destinée à éviter tout abus.
Reste que cette question d'une lecture plus politique du Pacte de stabilité et de croissance prend une dimension particulière à l'aune de la crise migratoire et de la lutte contre le terrorisme.
Le règlement de 1997 qui met en place le Pacte de stabilité et de croissance estime que le dépassement du seuil des 3 % est considéré comme exceptionnel et temporaire, s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné. Celle-ci doit avoir des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques. Les traités prévoient également que la Commission européenne tienne compte de tous les autres facteurs pertinents pour l'appréciation du déficit public. Le Conseil européen a interprété en mars 2005 ces « facteurs pertinents ». Une attention particulière doit ainsi être portée aux efforts budgétaires visant à accroître ou à maintenir à un niveau élevé les contributions financières destinées à encourager la solidarité internationale et à réaliser des objectifs de la politique européenne. Ces deux objectifs peuvent recouper ceux visant la relocalisation des migrants ou la lutte contre le terrorisme.
Aux termes de l'examen des plans des budgets nationaux, la Commission européenne a jugé que les dépenses publiques liées à l'accueil des réfugiés répondent aux circonstances exceptionnelles définies par le Pacte de stabilité et de croissance. Leur montant ne devrait donc pas être intégré à l'évaluation des soldes budgétaires pour les années 2015 et 2016. Si l'écart constaté entre le déficit public et l'objectif budgétaire initialement prévu est inférieur ou égal à ce montant, l'État membre concerné ne sera pas visé par une éventuelle procédure. Cinq pays - l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Finlande et l'Italie - ont, d'ores et déjà, intégré cette donnée dans la présentation de leurs budgets.
Je laisse la parole à Fabienne Keller pour aborder la question de la lutte contre le terrorisme.