Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 novembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Hervé Jouanjean directeur général du budget à la commission européenne

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

J'ai représenté le Sénat à la conférence sur le cadre financier pluriannuel pour les années 2014-2020 qui s'est tenue à Bruxelles les 20 et 21 octobre dernier, à l'invitation de la Commission européenne et du Parlement européen. Je voudrais indiquer quelques enseignements que j'ai tirés de ces échanges.

D'abord, un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'améliorer l'efficacité de la dépense. Le commissaire Hahn a lui-même appelé de ses voeux des dépenses plus ciblées et tournées vers le résultat. La majorité des intervenants ont soutenu l'idée de poser des conditions plus strictes au versement des fonds structurels. Certains ont néanmoins critiqué la macro conditionnalité économique, proposition visant à suspendre le versement des fonds structurels lorsqu'un Etat ne respecte pas ses obligations en termes de dette et de déficit. En réponse, le commissaire Hahn s'est voulu rassurant. Pour lui, ce mécanisme a une vocation plus préventive que punitive. Il a aussi fait observer que ce mécanisme existait déjà pour le fonds de cohésion.

Le représentant de la France, M. Philippe Etienne, a rappelé la nécessité de simplifier les règles, notamment pour le budget recherche ; il a insisté pour une évaluation et une réforme de toutes les politiques européennes, et pas seulement de la PAC ! Il a également appelé à améliorer les synergies entre le budget européen et les budgets nationaux. Des représentants du Royaume Uni et du Danemark ont été encore plus loin dans leur plaidoyer en faveur de l'efficacité budgétaire. Ainsi, le député danois Lundquist est allé jusqu'à conclure la table ronde avec ces mots : « moins, c'est plus », c'est-à-dire que moins de budget, c'est plus d'Europe ! C'est dire la valeur ajoutée de l'Europe...

Deuxième grande idée force des intervenants : le cadre financier doit être mis au service de la croissance. Le représentant de la chambre des communes a demandé de se concentrer sur une seule question : pourquoi la croissance stagne-t-elle dans l'UE ? La plupart des intervenants, au premier rang desquels l'espagnol Salvador Garriga-Polledo, rapporteur pour le Parlement européen sur le cadre financier pluriannuel, ont estimé que le cadre financier pluriannuel pouvait être un instrument au service de cet objectif. C'est pourquoi le Parlement européen veut augmenter d'au moins 5 % les dépenses de l'Union pour 2014-2020. D'autres intervenants ont plutôt demandé un lien plus étroit entre les dépenses de cohésion et celles de compétitivité. Le commissaire Hahn a mis l'accent sur le fonds « Connecting Europe » doté de 50 milliards d'euros et sur l'augmentation de 80 milliards d'euros du budget Recherche et innovation. Philippe Etienne a demandé de ranger aussi la sécurité alimentaire parmi les dépenses d'avenir. Un député allemand a estimé, pour sa part, que les moteurs clefs de la compétitivité européenne seraient l'exploitation d'une économie pauvre en carbone et le marché unique du numérique. Surtout, de très nombreux intervenants ont défendu la politique de cohésion, en considérant qu'elle est non seulement un outil de solidarité mais aussi un investissement d'avenir.

Troisième constat que l'on peut dégager de cette table ronde : un consensus est loin d'être complètement acquis aujourd'hui. Ainsi, concernant la PAC, certains, comme le ministre italien chargé des affaires étrangères, ont jugé que la Commission allait trop loin. D'autres au contraire ont jugé qu'elle n'était pas assez audacieuse ; par exemple, un député portugais a dénoncé la lenteur du processus de convergence des paiements, puisque cette convergence ne sera complètement effective qu'en 2037 pour les pays baltes!

De même, pour ce qui concerne la politique de cohésion, une tension est apparue entre les principes de solidarité et d'efficacité. Le représentant de la Hongrie a critiqué l'abaissement du plafond des aides dont un Etat peut bénéficier au regard de son PIB, ce qui traduirait un défaut de solidarité à l'égard des Etats les plus pauvres. D'autres, comme les élus lettons ou slovènes, ont souligné la faible absorption des fonds structurels dans certains pays, et ont jugé prioritaire de récompenser les pays les plus efficaces dans la consommation des crédits.

Je voudrais souligner que le Parlement européen a affiché une position très ferme. Le rapporteur Böge a insisté sur le rôle que le Parlement européen entend jouer dans l'élaboration du cadre financier pluriannuel, y compris sur les ressources budgétaires, alors que cet aspect n'entre pas, selon les traités, dans ses compétences. Et il a exclu de ramener le montant du cadre financier sous la barre de 1 % du RNB (revenu national brut).

Pour ma part, j'ai soutenu la position française sur la PAC et la recherche, y compris l'importance des projets ITER et GMES. Conformément à la position prise par le Sénat, j'ai bien sûr soutenu la politique de cohésion, en particulier la création d'une nouvelle catégorie de régions en transition. J'ai insisté également sur la nécessité de rétablir les moyens des régions ultrapériphériques, mais le Commissaire Hahn s'est limité, sur ce sujet, à encourager la coopération entre ces régions, ce qui s'entend pour les Caraïbes, mais moins bien pour La Réunion ou Mayotte et qui justifie notre vigilance à l'avenir !

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