Intervention de Colette Mélot

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 janvier 2017 à 8h40
Culture — Paquet « droit d'auteur » : proposition de résolution européenne et avis politique de mme colette mélot et m. richard yung

Photo de Colette MélotColette Mélot :

La première proposition de directive met en place trois exceptions obligatoires au droit d'auteur et aux droits voisins, là où, auparavant, le choix des exceptions applicables relevait des États membres. Il s'agit de l'illustration pédagogique en ligne, de la fouille de texte - dont nous avons débattu lors de l'examen du projet de loi sur la République numérique - et de la conservation des oeuvres détenues par les institutions patrimoniales. Elle crée un droit voisin au profit des éditeurs de presse. Accordés à des personnes qui ne sont pas des créateurs et ne peuvent bénéficier du droit d'auteur, les droits voisins sont aujourd'hui reconnus aux artistes interprètes, aux producteurs de phonogrammes, aux producteurs de vidéogrammes et aux entreprises de communication audiovisuelle. Seraient reprises les mêmes exceptions que pour le cinéma, à savoir la parodie et la critique.

D'autres mesures assurent une répartition équitable de la valeur générée au sein des nouveaux circuits de distribution numériques : le filtrage automatisé et systématique des contenus mis en ligne, à l'image du système ContentID développé par Youtube, afin de lutter contre la pédophilie et le terrorisme par exemple ; l'obligation de conclure des contrats dès lors qu'il y a acte de communication au public par le fait d'un fournisseur de service en ligne dit « actif » ; l'obligation générale de transparence dans les contrats entre ayants droit et plateformes ; l'information appropriée et suffisante des auteurs quant à l'exploitation de leurs oeuvres et les revenus engendrés ; et le mécanisme d'ajustement de la rémunération des auteurs en cas de succès. Enfin, pour améliorer la diffusion des oeuvres, la directive prévoit la mise en place de mécanismes de négociation entre les parties.

La proposition de règlement a été intitulée « câble et satellite », en référence à la directive éponyme de 1993. Elle concerne la retransmission via le système IPTV, c'est-à-dire la télévision diffusée sur un réseau utilisant les adresses IP. Elle reprend deux principes fondateurs de cette directive, qu'elle adapte aux services de diffusion en ligne des radiodiffuseurs : le principe du pays d'origine et le modèle d'une gestion collective obligatoire. Au lieu de négocier les droits d'auteur et de s'en acquitter pays par pays, le radiodiffuseur pourra s'acquitter dans son pays d'origine des droits permettant de rendre accessible le programme dans les autres États membres. Une organisation en charge de la gestion collective des droits sera mandatée d'office pour gérer les droits de ceux qui n'auront adhéré à aucune organisation similaire.

Enfin, deux autres projets de directive et de règlement introduisent en droit européen les dispositions du traité de Marrakech du 28 juin 2013. Ce traité vise à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées. Il a été signé par l'Union européenne en avril 2014.

Deux mesures principales sont notamment prévues par le traité et reprises par les deux propositions de la Commission : les pays ratifiant le traité doivent introduire une exception à leur loi nationale sur le droit d'auteur à l'intention des personnes aveugles et déficientes visuelles. La directive reprend cette disposition. À ce sujet, la France était très en avance sur ce sujet ; le traité permet l'importation et l'exportation de versions accessibles des livres et autres oeuvres soumises au droit d'auteur, sans autorisation du titulaire de ce dernier. C'est l'objet du règlement.

Quelles conclusions faut-il en tirer ? Restons vigilants sur la protection du modèle économique, parfois fragile, de l'industrie de la création. Nous avons le système le plus protecteur de l'Union européenne. Cette protection repose sur trois axes : le respect du principe de territorialité, une juste redistribution de ce financement aux auteurs et la stricte proportion des exceptions à ce système de rémunération. Plusieurs dispositions du paquet droit d'auteur s'affranchissent de ces considérations, sans que soient pour autant mis en balance des bénéfices suffisants.

Nous pourrions rechercher davantage de souplesse dans plusieurs des dispositifs proposés. Par exemple, l'exception relative aux oeuvres indisponibles exclut toute fin commerciale, ce qui limite l'attrait quant à une numérisation de ces oeuvres et écarte tout mécanisme tel que le système français ReLIRE - condamné par la Cour de justice. Il serait aussi nécessaire de préciser plusieurs termes et notions auxquels le dispositif législatif proposé fait référence. Ainsi, pour caractériser l'acte de communication au public, la Cour se réfère à pas moins de 16 concepts différents.

Présentée comme un texte technique, la proposition de règlement COM(2016) 594 porte atteinte à la clé de voûte du financement de la création qu'est la territorialité des droits, sans pour autant mettre en balance d'avantages équivalents ou proposer de garde-fou adéquat. Vendre les droits territoire par territoire permet de financer des programmes moins rentables, mais nécessaires au nom de la diversité culturelle ou répondant au besoin d'information locale. Si on ne vendait que ce qui est rentable, on sacrifierait la culture... On pourrait rechercher une souplesse supplémentaire du modèle de gestion collective obligatoire, puisqu'elle porte atteinte sans justification à la liberté contractuelle.

Les deux textes adaptant le traité de Marrakech s'éloignent du dispositif prévu par la France, qui prévoit notamment la possibilité d'une compensation financière et pose la condition de l'absence d'un format adapté disponible sur le marché. Pour le moment, ces deux points sont expressément interdits par les textes proposés par l'Union européenne. Il serait nécessaire de rétablir la flexibilité que le traité de Marrakech lui-même n'excluait pas. C'est sur cette base que la proposition de résolution européenne que nous vous soumettons propose une analyse des principaux points prévus dans le paquet droit d'auteur.

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