En effet, du 24 au 27 novembre derniers, nous sommes allés d'abord à Koice, la seconde ville du pays, dans la partie orientale, qui partageait avec Marseille le statut de capitale européenne de la culture 2013, puis à Bratislava. En peu de temps, la Slovaquie a accompli de très nombreuses réformes, et occupe désormais une place importante au sein de l'Union européenne. Issu de la partition de la Tchécoslovaquie, le 1er janvier 1993, le pays a d'abord été qualifié de « trou noir de l'Europe » par Madeleine Albright, en raison de la politique nationaliste et autoritaire menée par Vladimir Meciar. Une succession de gouvernements de coalition, souvent hétéroclites, a ensuite favorisé l'instabilité politique, comme en témoigne, à l'automne 2011, l'échec d'un gouvernement regroupant quatre partis de droite et de centre-droit à faire ratifier l'avenant au Fonds européen de stabilité financière (FESF). La crédibilité de l'engagement européen du pays en a été fragilisée. Cependant, les élections législatives anticipées du 10 mars 2012, remportées par le parti social-démocrate SMER-SD de Robert Fico, ont stabilisé la situation politique : pour la première fois depuis l'indépendance, un gouvernement bénéficie d'une majorité absolue au Conseil national, le parlement monocaméral slovaque, et cela jusqu'aux élections de 2016.
Le Premier ministre Robert Fico dispose d'une forte légitimité à la tête de son parti et exerce un réel ascendant sur la politique de son pays. Bénéficiant d'une image crédible et fiable, à l'intérieur du pays comme auprès de ses partenaires européens, il sera candidat à la succession du président Gasparovic, en mars prochain, élection qui devrait marquer une évolution pratique, sinon institutionnelle, dans l'exercice des pouvoirs présidentiels. L'opposition reste profondément divisée, entre six partis de droite et de centre-droit aux options parfois diamétralement opposées, notamment sur les sujets de société et sur l'Europe.
Les élections régionales de novembre dernier ont cependant été marquées par la percée électorale de l'extrême-droite populiste. Les huit régions slovaques devaient chacune y élire leur président et leur assemblée. Le SMER-SD a conservé la majorité dans toutes les régions, hormis celle de Banska Bystrica, dans le centre du pays, où le candidat d'extrême-droite a remporté la présidence. Le taux de participation, inférieur à 20 % - et traditionnellement faible en Slovaquie -, a facilité cette élection dont le résultat doit aussi être relativisé : le nouveau président n'a ni programme, ni majorité à l'assemblée régionale, son parti n'y ayant obtenu aucun siège. Des inquiétudes pèsent néanmoins sur les résultats des élections européennes du mois de mai.
L'économie slovaque, de taille relativement modeste, compte parmi les plus ouvertes au monde. Grâce à des mesures structurelles - privatisations et réforme fiscale de grande ampleur -, le pays est passé rapidement d'une économie planifiée à une économie de marché dynamique. Le produit intérieur brut (PIB) slovaque, en termes de parité de pouvoir d'achat, atteint 75 % de la moyenne européenne, au 18e rang de l'Union européenne. La situation est assez satisfaisante, mais cette économie reste fragile, car largement dépendante de la conjoncture européenne et centrée sur une mono-industrie automobile, la Slovaquie étant le premier producteur d'automobiles par habitant au monde. Le pays souffre aussi de la faiblesse de son administration, en particulier fiscale, et connaît d'importantes disparités régionales, entre l'Ouest relativement prospère et l'Est plus défavorisé.
L'objectif prioritaire du gouvernement est de consolider les finances publiques pour se conformer aux engagements européens du pays - la croissance est de 0,8 % en 2013 et devrait atteindre 2,2 % en 2014, après une récession de près de 5 % au plus fort de la crise. Le déficit budgétaire devrait être ramené à 2,64 % du PIB en 2014, contre 7,7 % en 2010. Aux mesures impopulaires de hausse des impôts ont succédé des réformes visant à réduire les dépenses publiques, comme celles des retraites, de l'assurance maladie ou de l'administration. Le principal défi reste celui de l'emploi, avec un taux de chômage de 14 %, et de 34 % pour celui des jeunes.
Bien que la Slovaquie soit un État de droit, elle est le pays de l'Union européenne où la population a le moins confiance en sa justice. La totale indépendance du système judiciaire est perçue par l'opinion publique comme excessive et propice à la corruption. La marginalisation persistante des Roms est une autre faiblesse dans l'application du droit slovaque. La communauté rom constitue, après les Hongrois, la deuxième minorité la plus importante de Slovaquie, soit entre 400 000 et 500 000 personnes concentrées dans l'Est du pays, représentant entre 7,5 % et 10 % de la population totale. Ils pourraient représenter au moins 16 % de la population active en 2030. L'intégration de cette communauté sédentarisée, extrêmement marginalisée, est l'un des grands défis à relever pour la Slovaquie.