Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 mars 2014 à 15h05
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des 20 et 21 mars 2014

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen devait être essentiellement consacré aux problématiques financières et industrielles de l'Union européenne, mais, comme cela a été dit, la question de la situation en Ukraine s'est invitée brutalement et inévitablement dans le débat.

Vous me permettrez d'évoquer uniquement les deux premiers sujets. Je commencerai par soulever un point que ni vous-même, monsieur le ministre, ni le rapporteur général n'avez abordé, à savoir la mise sous surveillance renforcée de la France dès le 5 mars.

Monsieur le ministre, j'ignore si vous êtes inquiet, mais en tout cas Bruxelles et l'Europe tout entière le sont : la France, deuxième économie de la zone euro, se voit reprocher le niveau élevé de sa dette et son manque de compétitivité.

Les réformes structurelles annoncées n'ont pas été réellement engagées et il semble que les critères de Maastricht ne seront pas respectés à l'horizon 2014-2015, malgré le délai supplémentaire accordé par la Commission.

Si l'on examine la situation des autres États membres, l'Irlande et l'Espagne se retrouvent dans la même configuration ; seules la Croatie, la Slovénie et l'Italie sont dans une situation plus délicate encore.

Monsieur le ministre, j'aimerais savoir comment et dans quels domaines vous réaliserez les 50 milliards d'euros d'économies annoncés pour la période 2015-2017. La Commission européenne attend une réponse claire pour le 15 avril.

J'aimerais également savoir comment la France rétablira la compétitivité de son industrie, compte tenu du coût du travail dans notre pays - le plus élevé d'Europe - et de la rigidité du marché du travail.

Vous me répondrez sans doute que le pacte de responsabilité est là pour apaiser mes inquiétudes. (Sourires.) Je crains toutefois que vous ne puissiez me rassurer ni, plus encore, rassurer Bruxelles.

Permettez-moi de vous rappeler, sans malice ni cruauté aucune, ces récents propos du commissaire Olli Rehn : « En dépit des mesures prises pour relancer la compétitivité, on ne relève encore que de faibles indices d'un rééquilibrage. La France doit améliorer l'environnement de l'entreprise et renforcer la concurrence dans les services. Compte tenu des niveaux élevés des dépenses publiques, nous attirons l'attention de la France sur le fait qu'elle n'atteindra pas les objectifs fiscaux qu'elle avait fixés en juin. »

Pour ma part, je crains que les marchés ne finissent par douter de la volonté, de la capacité de la France à se réformer.

Je souhaite maintenant évoquer la question de la compétitivité industrielle.

La Commission européenne souligne que l'une des clés de cette compétitivité est le coût de l'énergie. Grâce à sa filière nucléaire, c'est précisément l'un des points sur lesquels la France dispose d'un réel avantage sur ses partenaires.

Je sais que ce sujet - je me tourne vers M. Gattolin - suscite l'émotion et est source de clivages, mais a-t-on le droit de faire fi de notre excellence dans ce domaine quand on sait que l'énergie nucléaire est vertueuse au regard des émissions de gaz à effet de serre ? Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que la France allait appuyer la proposition de la Commission de réduire de 40 % à un certain horizon les émissions de gaz à effet de serre. Je rappelle que, pour produire 1 kilowattheure d'électricité, la France émet seulement 75 grammes de CO2, quand l'Allemagne en émet sept fois plus, soit un peu plus de 580 grammes. Il ne faut pas l'oublier.

Je n'irai pas jusqu'à rappeler le coût de production du kilowattheure selon la source d'énergie utilisée ; pour m'en tenir à la problématique du nucléaire, je relèverai simplement que, en Allemagne, le prix du kilowattheure oscille entre 0,14 euro et 0,21 euro en fonction de la taille de l'entreprise, quand en France il est compris entre 0,07 euro et 0,12 euro. Dans l'industrie chimique, l'énergie représente 80 % des coûts...

Pour conclure, je rappellerai l'invitation à sortir de l'ambiguïté sur la problématique du nucléaire qu'a excellemment adressée au Gouvernement, le 25 février dernier, notre collègue Jean-Claude Lenoir, lors de l'examen de la proposition de résolution relative à la transition énergétique présentée par le groupe UMP. Je le fais, là encore, sans aucune malice, car il s'agit d'un sujet tout à fait transversal, qui ne devrait pas être source de clivage entre la droite et la gauche. D'ailleurs, dans nos familles politiques respectives, certains partagent les mêmes opinions en la matière. L'opposition, à laquelle j'appartiens, est tout à fait prête à vous épauler : nous ne pouvons pas faire fi de l'excellence de notre pays dans ce domaine.

Je remercie la commission des affaires européennes de m'avoir confié le soin de rédiger un rapport sur la nouvelle directive relative à la sûreté nucléaire, qui devrait parfaire celle de 2009. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si vous entendez donner toute sa place à la filière nucléaire dans l'équation fondamentale posée par la Commission en vue de la réindustrialisation de l'Europe et de la maîtrise du coût de l'énergie.

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