ministre délégué. Ne jetez pas la pierre à l'Allemagne sur ce sujet. Une rencontre a eu lieu hier entre les représentants allemand et polonais. Il faut savoir que l'Allemagne cherche à inciter les pays les plus réticents à s'aligner sur ces objectifs ambitieux. L'Allemagne a fait un choix ; il ne nous appartient pas de le mettre en cause puisque, je le répète, la question du mix énergétique relève de la souveraineté nationale. Il reviendra à l'Allemagne de faire en sorte de diminuer, comme elle s'y est engagée, ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % et d'arriver à une part de 27 % d'énergies renouvelables dans son mix. Il s'agit d'un engagement collectif, mais de solutions nationales !
Tout cela nécessite en outre une réforme complète du système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, le système ETS, c'est-à-dire du marché du carbone. Nous savons que nous n'arriverons à rien avec un prix de la tonne de CO2 aussi faible qu'il l'est actuellement. Nous allons donc mettre en place une réforme visant à en remonter le cours, de manière à inciter les industriels à investir.
Je voudrais évoquer brièvement l'accord de libre-échange.
Cet accord peut évidemment susciter des craintes légitimes quant à ses effets sur l'indépendance de notre économie, à la question de savoir qui dicte quoi à qui... Toutefois, pour avoir participé à l'élaboration du mandat de négociation avec les États-Unis donné à la Commission européenne au nom des Vingt-Huit, je peux vous dire qu'il est extrêmement strict.
Nous avons écarté, vous vous en souvenez, plusieurs pans de l'économie dont nous pensions qu'ils ne pouvaient être traités sous le seul angle économique. Il s'agit de tout ce qui a trait à l'exception culturelle : non seulement le cinéma, le théâtre ou les livres, mais aussi tout ce qui relève de l'économie numérique !
Nous avons également enlevé tout ce qui entre dans le champ du secteur de la défense et de l'armement et dans celui de ce que l'on appelle les « choix de société », en particulier dans le domaine agroalimentaire : nous ne parlerons donc pas de décontamination chimique des viandes, d'OGM, de « déchloration » des poulets, toutes choses acceptées sur le sol américain mais que nous ne voulons pas retrouver dans nos assiettes à l'issue de cette négociation.
Quatre réunions préliminaires ont déjà eu lieu entre l'Union européenne et les États-Unis. La Commission effectuera un reporting auprès des représentants, car nous souhaitons que le mandat de négociation soit scrupuleusement respecté. Il se trouve en effet que, dès la deuxième ou troisième réunion, les États-Unis ont demandé à revenir sur les trois « lignes rouges » que je vous ai citées. Nous avons fait savoir qu'il n'en était pas question.
Le 26 mars prochain aura lieu à Bruxelles une réunion à laquelle participera le président Obama. Il pourra ainsi voir dans quel état d'esprit se déroule la négociation. Il s'entretiendra avec MM. Van Rompuy et Barroso ; cela ne vous rassure peut-être pas (Sourires.), mais, en tout état de cause, il s'agit bien des présidents du Conseil européen et de la Commission... Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas de franchissement des lignes rouges.
Même si l'on est ambitieux et que l'on souhaite aboutir rapidement, vous imaginez ce qu'une telle négociation implique : l'Union européenne et les États-Unis vont négocier sur tout le reste de l'économie. Nous allons devoir établir ensemble les normes, reconnues dans l'Union européenne et aux États-Unis, à partir desquelles se feront les échanges entre ces deux continents. Cela signifie qu'il s'agira de négociations très longues, nécessitant la rédaction de milliers de pages. Elles seront d'autant plus longues que nous serons très vigilants - c'est un point auquel nous tenons beaucoup - à ce que l'accord qui sera conclu avec le représentant des États-Unis soit opposable à chacun des États fédérés. Le marché fédéral étant différent du marché subfédéral, nous ne souhaitons pas que l'ouverture à la concurrence se retrouve, in fine, bloquée.
Quoi qu'il en soit, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que c'est la représentation nationale qui dira si la France veut ou non de l'accord. En effet, ce type d'accord est soumis au vote des parlements et requiert l'unanimité des vingt-huit États membres. Dans ces conditions, je ne vois pas qui, parmi les responsables européens, s'engagerait dans des négociations aussi longues et complexes en prenant le risque de voir un pays refuser le contenu de cet accord.
Cela veut dire que le reporting va être considérable et qu'il se fera sans doute au gré de l'avancée des discussions. Je pense que Nicole Bricq pourrait être pour vous une très bonne interlocutrice...