Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2017 à 8h30
Institutions européennes — Simplification du droit européen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet pascal allizard philippe bonnecarrère michel delebarre jean-paul emorine claude kern didier marie daniel raoul et simon sutour

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Le cas des mandats de normalisation montre bien à quel point la notion de norme européenne va bien au-delà des textes adoptés par le législateur européen. Elle est une réalité à géométrie variable ce qui ne simplifie rien lorsqu'il s'agit d'imputer la responsabilité de tels ou tels dysfonctionnements. Cette notion n'englobe pas seulement les normes d'origine privée, celles du CEN, mais aussi les mesures de transposition prises à l'échelon national.

Lorsque l'on surtranspose une directive européenne en disant que les règles viennent de l'Europe, ce n'est pas très honnête politiquement. Surtout, juridiquement, les mesures nationales de transposition font bien partie du droit communautaire : ne pas respecter nos propres lois, c'est s'exposer à une condamnation devant la Cour de justice de l'Union européenne. Dans notre rapport, nous soulignons la complexité du terme de norme européenne, un véritable « OPMI », objet politique mal identifié, en particulier en matière de responsabilités.

Le questionnaire que nous avons adressé à de nombreux secteurs d'activités économiques et nos auditions ont confirmé que la surtransposition de directives était un véritable sport national ; je pense aux valeurs limites d'émissions de polluants de substances chimiques ou à la récente transposition, très problématique, d'une directive technique de 2014 sur les ascenseurs. Au-delà des directives, la France fait figure d'exception en interprétant de façon très contraignante le droit européen. Nous sommes ainsi le seul pays, avec le Danemark, à interdire le perchloréthylène, allant bien au-delà des textes européens, ce qui aboutit concrètement à la fermeture des petits pressings. Au nom du principe de précaution, on veut laver plus blanc que blanc... Les travaux de nos collègues du groupe de travail sénatorial sur les normes agricoles n'ont pu qu'en donner de nouvelles illustrations. En résumé, au cadre général européen s'ajoutent toutes les règles que nous édictons nationalement.

Ces surtranspositions ou surinterprétations ne doivent toutefois pas être systématiquement condamnées. Certaines méritent d'être débattues, telles que les règles françaises sur le contrôle des travailleurs détachés présents sur notre sol. Il est aussi important de défendre certaines règles et d'éviter qu'elles ne soient tirées vers le bas : je pense à nos anciens travaux sur le vin rosé il y a quelques années ou à la défense de la garantie décennale face au droit européen des assurances. Il faut faire preuve de pragmatisme et voir au cas par cas.

On constate, bien souvent, qu'il n'y a manifestement pas eu d'étude de l'impact de ces textes nationaux au regard de la compétitivité de la France en Europe ; les PME sont souvent les plus pénalisées. J'évoquais la directive 2014/33 sur les ascenseurs pour laquelle le droit français ajoute une contrainte de détail, mais qui peut désorganiser la chaîne logistique, surtout des PME. A-t-on dressé le bilan coût-avantages ? Nous demandons des évolutions sur ce point.

L'exception française consiste aussi à agir unilatéralement pour montrer l'exemple avant même qu'un texte européen soit pris, alors que ces règles sont parfois déjà irréalistes en France. Ce n'est sans doute pas la meilleure méthode pour peser dans le processus décisionnel communautaire.

J'exprimerai enfin un regret. Lors du Conseil de simplification du 1er juin 2015, le Gouvernement avait pris d'excellentes résolutions, dont une évaluation systématique des écarts de transposition et de leurs justifications, y compris pour le stock de textes déjà pris. Nous savons que ce travail très précieux a été accompli et qu'il fait l'objet d'un rapport. Nous n'avons - hélas ! - pas pu nous le faire communiquer. Nous tenons à remercier le président Bizet d'avoir écrit au ministre pour que nous disposions prochainement de ce document sans doute riche d'enseignements.

Quant au processus normatif et au choix entre règlements et directives, la subsidiarité est de toute évidence le grand principe autour duquel la simplification doit se faire, et même la refondation de l'Union européenne. Cela n'implique pas nécessairement de privilégier les directives au détriment des règlements. Le recours aux directives complique parfois la situation en étant un facteur d'incertitude et d'aléa, surtout dans une Union à 28. À 27, le raisonnement sera le même. Les règlements sont parfois préférables : il vaut mieux une législation complète et cohérente plutôt qu'un secteur à moitié réglementé. Pour le choix du bon véhicule législatif à l'échelon européen, là encore, il faut essayer de faire preuve de pragmatisme.

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