Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2017 à 8h30
Institutions européennes — Simplification du droit européen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet pascal allizard philippe bonnecarrère michel delebarre jean-paul emorine claude kern didier marie daniel raoul et simon sutour

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Veuillez excuser M. Emorine, qui ne peut pas être avec nous ce matin.

La simplification du droit européen applicable au marché unique et la qualité des normes contribuent à favoriser un environnement compétitif pour l'économie européenne.

Nous avons abordé ce sujet en replaçant ce secteur, qui est à la fois un fondement et l'une des plus grandes réussites de l'Union européenne, dans le cadre de l'initiative « mieux légiférer » de la Commission européenne, en rappelant la résolution du Sénat du 20 novembre 2015, adoptée sur le rapport de MM. Bizet et Sutour. Sans vouloir empiéter sur les travaux de MM. Allizard et Raoul qui portent plus précisément sur la normalisation européenne, nous avons cherché à montrer comment de meilleures normes européennes relatives au marché unique peuvent contribuer à optimiser son fonctionnement. Nous avons aussi abordé, du point de vue de la réglementation intelligente, la stratégie pour le marché unique présentée par la Commission le 28 octobre 2015.

Cette stratégie a pour but d'actualiser et de simplifier les règles de circulation des produits et des services et de lever les obstacles qui continuent d'entraver leur libre circulation, ainsi que d'assurer une plus grande cohérence dans l'application de la législation, tout en simplifiant sa mise en oeuvre.

L'objectif de simplification de la réglementation doit être lié avec l'initiative « mieux légiférer », ce qui est relativement logique dans la mesure où le secteur du marché intérieur concentrerait environ un quart des normes européennes, même si beaucoup ont une portée plus réglementaire que législative. Je rappelle que, de son côté, le gouvernement français a engagé, en mars 2013, un « choc de simplification ».

Naturellement, il ne s'agit pas d'entrer dans le détail d'une réglementation extrêmement abondante et souvent technique, mais plutôt de proposer une méthode. De manière générale, l'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » du 13 avril 2016 fixe des objectifs communs d'amélioration et de simplification de la législation européenne pour éviter la réglementation excessive et faciliter sa transposition en droit national. Selon les informations obtenues au cours de nos auditions, la plupart des cas de surtransposition seraient d'origine nationale, plusieurs ministères introduisant des normes qui alourdissent la mise en oeuvre de la norme européenne initiale. Un gouvernement peut surtransposer pour des questions d'intérêt national ou de choix politique. Le Secrétariat général du Gouvernement, notamment chargé de la qualité des textes, effectue un repérage des dispositions qui s'ajoutent aux mesures de transposition et les signale au cabinet du Premier ministre pour arbitrage.

Concernant la gouvernance, le rôle du Conseil Compétitivité a été récemment revalorisé, ce qui est positif. C'est en effet en son sein que sont définies un nombre restreint de priorités qui poursuivent des objectifs opérationnels, par exemple sur les PME et les start-ups ou les services.

En revanche, il reste une marge de progression à l'échelon national. Ainsi, le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, rattaché au SGG, ne semble guère investi sur les questions européennes. C'est dommage ; il conviendrait qu'à l'avenir, les mesures de simplification régulièrement annoncées à l'échelon national soient véritablement coordonnées avec les initiatives de la Commission.

De même, le Conseil national de l'industrie, chargé notamment d'émettre des avis et de formuler des propositions et recommandations au Gouvernement pour améliorer la compétitivité de l'industrie, qui donc se prononce sur des cas de surtransposition des directives et de surréglementation, conduit ses activités à une échelle peut-être trop nationale. Ses sections thématiques Europe et Réglementation et simplification n'entretiennent pas de relations véritables entre elles ni avec les institutions européennes.

Enfin, compte tenu de son volume et de son importance pour l'économie, la réglementation européenne relative au marché unique devrait être soumise aux procédures et outils mis en place par la Commission pour améliorer la qualité du droit : d'une part, une évaluation par la plateforme REFIT, instituée au titre de l'initiative « mieux légiférer », et, d'autre part, un examen de la qualité des études d'impact préalables et des évaluations ex post relatives à cette réglementation par le comité d'examen de la réglementation.

J'en viens au secteur des services, sur lequel je me suis concentré à la fois parce que la stratégie pour le marché unique de la Commission européenne lui consacre d'importants développements et parce que, contrairement au marché des biens, il reste excessivement morcelé et encore marqué par la prégnance des traditions et spécificités nationales qui rendent l'harmonisation très délicate.

Pourtant, les services représentent près des deux tiers de l'économie européenne. Le bon fonctionnement du marché des services peut donc apporter des gains significatifs de croissance et d'emplois et contribuer à dynamiser la compétitivité européenne.

La directive « services » de 2006 - pour schématiser, celle du plombier polonais - constitue le texte de référence pour l'intégration du marché intérieur des services. Je rappelle que cette directive avait suscité des polémiques liées au risque du projet initial de la Commission de suivre le principe du pays d'origine, finalement écarté au profit de l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires et de la libre circulation des services.

Cependant, la transposition de cette directive, sur laquelle le président Jean Bizet a travaillé voilà quelques années, qui devait être achevée fin 2009, a pris du retard dans la plupart des États membres - la France a notifié la fin de l'exercice à la Commission en mars 2011. En outre, son application ne serait guère satisfaisante et resterait inégale selon les États membres : de nombreuses entraves à l'exercice d'activités transnationales perdurent. Alors que la Commission avait eu des velléités de réviser ce texte, en particulier pour élargir son champ d'application à des secteurs actuellement exclus ou pour réintroduire le principe du pays d'origine, la révision de la directive « services » n'est plus à l'ordre du jour. Il paraît en effet préférable de rechercher sa meilleure application.

La plus grande intégration du marché unique des services doit être favorisée par l'amélioration et la simplification de son cadre réglementaire. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens. En premier lieu, les institutions européennes ont réaffirmé cet objectif politique, tel le Conseil européen, le 28 juin 2016. La Commission a inscrit dans son programme de travail pour 2017 le secteur des services parmi les priorités du processus de normalisation européenne. Le comité européen de normalisation s'est également vu confier l'élaboration d'une stratégie de normalisation dans le secteur des services pour faciliter leur compatibilité ; les normes relatives aux services ne représentent en effet que 2 % des normes européennes.

Une attention particulière est portée aux PME, comme l'a souligné le Conseil Compétitivité, le 29 février 2016. L'Union a notamment introduit le test PME, qui est une modalité de consultation innovante pour évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'une réglementation et y apporter des modifications afin de la simplifier et de la rendre plus facilement applicable. Bien que ce test PME existe depuis 2008, il connaît un regain d'intérêt, y compris à l'échelon national, où il est intégré au « choc de simplification ». Il a fait l'objet d'une réunion du groupe de travail « mieux légiférer » du Conseil, le 15 mars 2016. Ce test reste inégalement appliqué. Il conviendrait de le mettre en oeuvre de façon systématique et harmonisée.

Enfin, la Commission avait mis en avant, il y a plusieurs mois déjà, le nouveau projet de passeport de services, aujourd'hui renommé carte européenne des services. Selon la Commission, ce dispositif constituerait une attestation prouvant que les prestataires satisfont aux prescriptions applicables dans l'État membre dans lequel ils envisagent de fournir leurs services. Inspirée de la carte professionnelle européenne instituée pour la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les États membres, elle est longtemps restée un projet aux contours extrêmement flous.

La Commission a précisé quelque peu ce projet, le 10 janvier dernier, dans ses propositions pour améliorer l'effectivité du marché intérieur dans le domaine des services. Elle préconise notamment de faciliter la prestation de services dans un autre pays de l'Union en permettant aux entrepreneurs d'introduire leurs demandes par Internet et dans leur langue auprès d'un organisme national. Il reviendra à ce dernier de prendre contact avec le pays visé, qui délivrera une carte électronique à moindre coût administratif. Pour éviter d'en arriver aux procédures d'infraction, la Commission souhaite aussi introduire un test de proportionnalité pour s'assurer que les critères d'installation, de qualité de services ou de diplômes exigés par les États membres sont réellement justifiés.

Il paraît sage, compte tenu à la fois des objectifs généraux de simplification fixés au niveau européen et des dispositifs existants dans la directive « services », de limiter la carte européenne de services à la seule facilitation des formalités entre administrations nationales, sans surcharge pour les acteurs économiques. Surtout, nous devons prendre garde à ce que ce projet ne conduise pas, de façon subreptice, à réintroduire le principe du pays d'origine.

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