Intervention de Claude Kern

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2017 à 8h30
Institutions européennes — Simplification du droit européen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet pascal allizard philippe bonnecarrère michel delebarre jean-paul emorine claude kern didier marie daniel raoul et simon sutour

Photo de Claude KernClaude Kern :

Je vous prie d'excuser notre collègue Michel Delebarre, qui est actuellement retenu à Bruxelles. Je le remercie pour sa confiance, puisqu'il m'a demandé de m'exprimer aujourd'hui en notre nom commun, sur la simplification du droit européen dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. Nous avons abordé ce vaste champ dans un esprit de critique constructive associant regrets et suggestions.

Les empiètements ou tentatives d'empiètement de la Commission européenne sur les compétences des États membres sont manifestes dans le domaine de l'énergie. S'affranchir des limites explicitement fixées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne semble une tentation difficilement résistible aux yeux de la Commission, avec plusieurs illustrations frappantes, dont je ne reprendrai que celle relative aux accords intergouvernementaux gaziers.

Sur ce sujet, notre commission a adopté un avis motivé contre les pouvoirs exorbitants du droit de l'Union que la Commission voulait se voir attribuer dans la négociation d'accords intergouvernementaux sur la fourniture de gaz par des États tiers. La Commission européenne voulait même être associée aux discussions... Et un processus identique aurait dû s'appliquer même aux engagements non contraignants, tels que les protocoles d'accord ou de déclaration commune. On croit rêver ! Heureusement, ces dispositions ont soit disparu, soit été largement atténuées. Il n'en reste pas moins que le processus législatif de l'Union serait plus simple et plus rapide s'il ne fallait commencer par éliminer des dispositions contraires à la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, tel qu'elle figure dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La Commission européenne complique parfois l'examen de ces propositions, en négligeant l'esprit de la construction européenne. Je vise notamment la propension à ne pas se contenter d'objectifs communs dont la Commission devrait vérifier qu'ils sont bien poursuivis par chacun des États membres.

Un exemple à la fois manifeste et récent est fourni par la proposition de règlement sur la préparation au risque dans le secteur de l'électricité. Présentée dans le cadre du paquet « Énergie propre pour tous », cette proposition de règlement est motivée aux yeux de la Commission européenne par le fait que la directive du 18 janvier 2006 « se borne à fixer des objectifs généraux en matière de sécurité d'approvisionnement et laisse aux États membres le soin de décider comment les atteindre. Ainsi, la réglementation autorise les États membres à prendre des « mesures de sauvegarde » en cas de crise, mais ne précise pas comment ils devraient s'y préparer et gérer ». En d'autres termes, un nouveau texte est proposé précisément parce que les dispositions applicables paraissent conformes au principe de la construction européenne, à savoir des objectifs harmonisés, mais pas ou peu de dispositifs uniformisés.

La seule exception peut concerner des obligations dont le respect à l'identique est indispensable pour éviter toute distorsion de concurrence. On la rencontre plutôt dans le domaine de l'environnement, ce qui ne justifie d'ailleurs pas l'adoption de textes absurdes. Cesser de perdre du temps à expertiser une nouvelle fois ce que l'on connaît déjà parfaitement, pour pérenniser une dérogation inévitable, serait une authentique simplification. Vous vous rappelez sans doute la présentation, faite ici même par notre collègue René Danesi, de la reconduction de l'exemption qui autorise pendant cinq ans l'utilisation de plomb pour la fabrication des lustres en cristal. Les caractéristiques chimiques des éléments ne changent pas tous les cinq ans, non plus que celles du cristal, dont la principale pour ce qui nous occupe est de piéger l'oxyde de plomb dans le verre. Pourtant, le droit de l'Union impose de procéder tous les cinq ans à une expertise scientifique aux résultats répétitifs, puis à une consultation du public dépourvue de tout suspense. En conclusion, je ferai mienne l'opinion de M. Danesi, qui évoquait « un voyage en Absurdie ».

J'espère que ces trois orientations apporteront leur pierre à l'édification d'une Union européenne plus intelligible par chacun et surtout plus proche des citoyens.

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