Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2017 à 8h30
Institutions européennes — Simplification du droit européen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet pascal allizard philippe bonnecarrère michel delebarre jean-paul emorine claude kern didier marie daniel raoul et simon sutour

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

En ce qui concerne le recentrage des priorités dans le domaine de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen a souhaité, dès fin 2014, rénover la stratégie en la matière et la Commission européenne a proposé, en avril 2015, de redistribuer les priorités autour de sept actions-clés, notamment pour tarir les ressources financières du terrorisme, renforcer le cadre juridique relatif aux armes à feu, améliorer la lutte contre la cybercriminalité et développer les capacités d'Europol. Cette stratégie appelait à la mise en place d'opérations communes de renseignement, coordonnées au niveau de l'Union, et au développement de la coopération et de l'échange d'informations, ainsi qu'à l'adoption rapide du PNR.

Après les attentats terroristes sanglants commis en France, en Belgique et en Allemagne en 2015 et 2016, l'Union européenne doit, à l'évidence, se recentrer sur quelques missions fondamentales, un « coeur de métier » représentatif de la valeur ajoutée susceptible d'être apportée aux États membres. En effet, le choc de la crise migratoire a perturbé les agendas et suscité des dissensions internes qui ne sont toujours pas surmontées ; le climat d'euroscepticisme et la fronde de certains pays d'Europe centrale et orientale s'ajoutent à ces difficultés. Le président Juncker est parfaitement conscient de cette nécessité de recentrage.

Je souhaite maintenant évoquer deux exemples : le parquet européen et le mandat d'arrêt européen.

L'article 86 du traité de Lisbonne permet au Conseil d'instituer un parquet européen, à partir d'Eurojust, pour combattre les infractions les plus graves. C'est dans ce cadre que la Commission a présenté en 2013 une proposition de règlement portant création d'un parquet européen ; elle envisageait la mise en place de procureurs délégués, faisant partie à la fois du parquet européen et des ministères publics nationaux.

Un débat a alors porté sur la structure du parquet européen, sur l'extension de sa compétence et sur la notion de compétence partagée du parquet européen avec celle des autorités judiciaires des États membres. Dans ce domaine, l'esprit de souveraineté est évidemment très présent.

Le Sénat a adopté deux résolutions européennes et un avis motivé, qui, grâce à l'appui de plusieurs parlements nationaux, vaut « carton jaune ». Cet avis exprime une préférence pour un parquet de forme collégiale, avec éventuellement une rotation entre les pays, s'appuyant sur des délégués nationaux.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? La situation s'est plutôt dégradée et le noyau de pays favorables au parquet européen s'est réduit. Les réticences plus ou moins fortes de pays tels que le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne et la Hongrie devraient déboucher sur une solution de coopération renforcée.

La compétence du parquet européen en matière de fraude à la TVA fait également l'objet de discussions. Le ministère français de l'économie n'y était pas favorable, mais l'ampleur de la fraude est considérable.

Second exemple - plus positif, celui-là - : le mandat d'arrêt européen. Entré en vigueur le 1er janvier 2004, il fonctionne. Il s'agit d'une procédure exclusivement judiciaire. La décision de remettre ou non une personne sur la base d'un mandat d'arrêt européen ne relève que des autorités judiciaires, contrairement à la procédure d'extradition qui fait intervenir l'État, donc l'autorité politique.

Pour 32 catégories d'infractions graves, c'est-à-dire un champ d'action très large, le mandat d'arrêt européen supprime le principe de double incrimination, selon lequel le comportement au titre duquel la remise est demandée doit constituer une infraction pénale, tant dans l'État requérant que dans l'État où la personne recherchée est arrêtée.

Les États membres ne peuvent pas refuser de remettre leurs propres ressortissants, à moins de se charger eux-mêmes des poursuites ou de l'exécution de la peine d'emprisonnement. Toutefois, le mandat d'arrêt européen peut être refusé quand il s'oppose à certains grands principes du droit, comme le non bis in idem par exemple.

Les délais prévus sont brefs. L'État dans lequel la personne est arrêtée doit renvoyer cette personne dans l'État qui a émis le mandat d'arrêt européen dans un délai maximal de 90 jours à compter de son arrestation. Si la personne intéressée consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de 10 jours.

Le mandat d'arrêt européen est opérationnel dans les 28 États membres et les évaluations montrent qu'il fonctionne bien. Il est devenu un outil classique pour nos juridictions. De 2005 à 2014, les mandats délivrés ont ainsi été multipliés par deux, passant de 7 000 à 14 000 environ, et les personnes remises sont passées de 1 500 à 5 500. Il s'agit donc d'une procédure qui est à l'honneur de la construction européenne.

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