Intervention de Daniel Raoul

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 février 2017 à 8h30
Économie finances et fiscalité — Paquet « connectivité » : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. pascal allizard et daniel raoul

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le Président, mes chers collègues, ce nouveau paquet télécoms est un vaste sujet et nous allons essayer de vous le présenter de façon synthétique, sans entrer dans des détails trop techniques. Je vous parlerai des principaux enjeux, en particulier ceux liés à la 5G, avant que Pascal Allizard ne revienne sur les points qui nous posent problème et sur l'initiative à destination des collectivités locales « Wifi pour tous ».

Le premier enjeu, c'est celui du très haut débit pour tous. La Commission européenne estime, à juste titre, que l'Europe doit se doter des réseaux les plus performants pour rester dans la course à l'innovation numérique et pour répondre aux attentes de l'ensemble des citoyens européens, qui vivent de plus en plus connectés. Et ce phénomène va s'accentuer. Demain, nous aurons besoin d'un débit internet bien plus important qu'aujourd'hui. C'est pourquoi la Commission veut moderniser nos infrastructures et nous entraîner vers une société du gigabit.

Pour cela, elle fixe l'objectif général d'une connexion permettant une vitesse de téléchargement de 100 mégabits par seconde et pouvant être convertie en gigabits. Certains centres socio-économiques stratégiques devront disposer d'une connexion en gigabits et les zones urbaines, ainsi que les principaux axes de transports devront disposer d'une connexion en 5G.

Le deuxième enjeu, c'est le calendrier. L'objectif est fixé à 2025, soit un délai très court. Le précédent paquet télécoms avait été initié en 2007 et adopté en 2009 ; il fixait des objectifs pour 2020. Nous n'en sommes qu'au début de l'instruction des propositions et il faudra aller vite. Très vite !

Troisième enjeu, le montant : il est estimé à plus de 500 milliards d'euros d'investissements. Les deux tiers proviendraient des opérateurs privés, mais de l'argent public sera nécessaire. Or, l'actuel cadre financier pluriannuel se termine en 2020. Les choix qui seront faits aujourd'hui devront donc être confirmés dans le prochain cadre financier. Il faudra aussi, certainement, recourir au plan Juncker, car, nous le savons tous ici, dans certaines régions, les opérateurs privés n'investiront pas seuls et les subventions ne suffiront pas.

Le quatrième enjeu, c'est de savoir comment réguler les nouveaux acteurs en ligne. Ils proposent des services en ligne équivalents à ceux des opérateurs, mais ne participent pas aux investissements, ne paient pas d'impôts dans les pays où ils gagnent de l'argent et sont à peine encadrés juridiquement. Le projet de code propose certaines obligations judicieuses, mais qui, de notre avis, ne vont pas assez loin.

Enfin, dernier enjeu, et pas des moindres, c'est celui de l'aménagement du territoire et de la connectivité pour tous. Dans les constats qu'elle fait, la Commission européenne explique que le taux global de connexion au haut débit est satisfaisant : 71 % des foyers européens disposaient d'une connexion à un internet fixe rapide à la mi-2015 et jusqu'à 86 % bénéficiaient de la 4G en téléphonie mobile. Il faut voir ces chiffres comme des moyennes européennes, qui agrègent des situations, en particulier géographiques, fort différentes. La Commission relève toutefois que, dans les zones rurales, il n'y avait que 28 % des foyers connectés au haut débit fixe et 36 % à la 4G. Puisque la connexion se mesure à la vitesse des données transmises par seconde, on peut bien parler ici d'une Europe à deux vitesses !

Et ce qui est intéressant, c'est que la Commission propose de combler cet écart, en fixant un objectif nouveau au futur code des télécoms : la généralisation de l'accès à la connectivité à très haute capacité pour l'ensemble de l'Union. Des solutions devront donc être trouvées pour tous les territoires. Faire autrement n'aurait d'ailleurs pas de sens. Prenons l'exemple des voitures connectées et sans pilote : comment imaginer qu'elles traversent une zone sans couverture à haut débit ? L'avenir de toutes ces innovations passe donc bien par la couverture de l'ensemble du territoire...

Ces orientations confortent les choix faits en France de généraliser la fibre optique pour le fixe. C'est la technologie d'avenir, qui pourra permettre demain des débits plus élevés. C'est ce qui justifie aussi que la Commission européenne soutienne cette technologie et ne se cantonne plus au principe de neutralité technologique, comme cela était le cas jusqu'à présent.

Cela signifie aussi, de ce point de vue, que notre pays, qui a déjà fait certains investissements, pourrait disposer d'un avantage concurrentiel sur ses voisins européens. En effet, d'autres pays n'ont pas fait le choix de la fibre. C'est notamment le cas de l'Allemagne, qui a choisi le coax, de l'Italie, de la Pologne et aussi du Royaume-Uni. Pour eux, les besoins en investissements seront bien plus importants.

Concernant les réseaux pour le mobile, il n'y avait que 55 % de la population française qui bénéficiait de la 4G à la fin de 2016. Mais il ressort des auditions que nous atteindrons 90 % à la fin de 2017. On a pris un peu de retard, mais on va y arriver !

Cela m'amène au plan d'action proposé par la Commission européenne pour la 5G, c'est-à-dire la cinquième génération de réseaux de téléphonie mobile.

Tout comme la fibre optique pour le fixe, la 5G permettra un flux de données de l'ordre du gigabit, au-delà de 100 mégabits. Surtout, elle se révélera déterminante pour l'essor des objets connectés, des véhicules autonomes ou encore des solutions dématérialisées, comme l'informatique en nuage, les fameux clouds. C'est la raison pour laquelle des pays comme les États-Unis ou la Corée du Sud ont adopté un plan pour le déploiement de la 5G dans les années qui viennent.

Comme vous le savez, dans la course à l'innovation actuelle, celui qui dispose de la meilleure technologie va pouvoir développer une multitude d'applications et de services qui feront croître son économie. Il pourra aussi imposer ses normes au niveau mondial. C'est pourquoi nous pensons que la Commission a raison de prévoir un plan d'action pour la 5G. Il y a urgence : il faut mobiliser et agir.

Le problème est que le spectre des fréquences relève de la souveraineté des États, qui attribuent des licences pour les exploiter. On ne peut pas se permettre une attribution trop dispersée pour la 5G, comme cela a été le cas pour la 3G et la 4G. C'est pourquoi nous soutenons une harmonisation des calendriers, et nous demandons que la France et l'Allemagne soient les premiers à montrer l'exemple en ce domaine.

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