Intervention de Richard Yung

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 février 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Régulation bancaire textes e 6480 et e 6787 - proposition de résolution de m. richard yung

Photo de Richard YungRichard Yung, rapporteur :

Les fonds propres des banques et leur contrôle prudentiel sont un thème d'actualité depuis que la crise financière a mis en lumière une série d'insuffisances. Nous avons tous étés surpris par l'ampleur de cette crise et la rapidité de sa propagation.

En décembre 2010, le comité de Bâle, qui réunit les banques centrales et certains décideurs européens ou américains, a proposé de refondre le contrôle prudentiel des banques. Tel est l'objet des normes « Bâle III ». En juillet 2011, la Commission européenne a présenté une proposition de directive et une proposition de règlement dénommés « Capital requirement directive IV » ou « CRD IV ». Leur objectif est de transposer les normes « Bâle III » et d'ajouter une harmonisation des règles prudentielles applicables aux banques européennes.

L'ambition d'une régulation pérenne et efficace doit être défendue. Il y a danger en ce domaine, car le débat se déroule dans un contexte difficile où les pressions sont nombreuses. Cela pourrait inciter à temporiser, même si la présidence danoise s'efforce d'accélérer le calendrier.

Ensuite, il faut surveiller les conséquences non souhaitées pour le financement de l'économie. Les nouvelles règles ne font pas plaisir aux banques, qui doivent respecter des exigences sensiblement accrues. D'où le pilonnage auquel procèdent les groupes de pression financiers et bancaires. C'est vrai en Europe, ça l'est encore plus aux États-Unis où l'importante législation votée par le Congrès est en partie stoppée. Nous risquons d'être soumis à un chantage, on nous menacera de licenciements par milliers pour faire baisser les exigences.

Les obligations prudentielles sont aujourd'hui régies par une directive autorisant des divergences nationales significatives : l'Europe des banques n'existe pas. Il faut donc harmoniser. Tel est le choix fait par la Commission européenne, avec son projet de règlement, par nature directement applicable sans transposition.

Le règlement « CRD IV » s'applique à l'ensemble des 8 300 institutions bancaires en Europe, donc au-delà des banques internationales, seules visées par « Bâle III ». Cette évolution exigera de nombreuses adaptations dans bien des pays. Elle placera le régulateur européen en avance sur son homologue américain.

On ne s'est pas limité à élever les contraintes de solvabilité, on a aussi voulu réduire le risque de nouvelle crise systémique, se propageant comme le feu en Corse l'été. Concrètement, la proposition de règlement « CRD IV », c'est d'abord le renforcement des fonds propres. Selon certains, cette disposition sera inutile si le risque est suffisamment contrôlé, et inefficace face un risque majeur. Elle apporte néanmoins une certaine garantie. Concrètement, le ratio minimal des fonds propres réglementaires sur les risques supportés par l'institution financière reste à 8 %, mais la proposition « CRD IV » impose des exigences qualitatives nouvelles quant à ce qui constitue des fonds propres et distingue des fonds propres « durs », dont la part devra être de 4,5 %, contre 2,5 % aujourd'hui, et qui devront être complétés par un « coussin de conservation » de 2,5 %. En cas de choc, les banques disposeront ainsi de fonds propres « durs » de 7 % - j'ai tendance pour ma part à juger ce niveau encore un peu bas...

En outre, un ratio de levier sera progressivement introduit. L'expérimentation initiale plafonnera à 3 % le quotient des fonds propres par rapport au total du bilan. L'intérêt de ce ratio est qu'il ne tient pas compte de la pondération des risques qu'effectuent les banques pour elles-mêmes. Reprendre l'idée de pondérer les risques reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore : qui décidera s'il faut comptabiliser un hôtel à Caracas pour 100 %, 70 %, 50 % ou 20 % de sa valeur ? La discussion serait sans fin et nul ne s'y retrouverait au niveau du système bancaire européen. Une des grandes armes brandies par les institutions financières consiste à discuter ces pondérations.

Enfin, la liquidité des établissements bancaires serait encadrée par deux ratios, celui à court terme permettra d'apprécier la capacité de l'établissement à surmonter un choc de liquidités sur 30 jours ; celui sur un an concernera l'adéquation des maturités des financements longs.

Ces dispositifs imposeront aux banques européennes d'immobiliser 1 000 milliards d'euros pour assurer leur liquidité à court terme, 1 700 milliards pour les liquidités à un an et seulement 460 milliards au titre des ratios de fonds propres - mais on parle de 8 300 établissements dans une zone dont le PNB atteint 16 000 milliards.

À ce règlement s'ajoute la directive qui traite de la supervision, des sanctions, du recours aux agences de notation et du matelas de précaution. La démarche « CRD IV » mérite d'être soutenue.

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