Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 février 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Transports - energie - mécanisme pour l'interconnexion en europe « connecting europe » textes e 6760 e 6740 e 6750 e 6751 et e 6788 - proposition de résolution européenne de mme bernadette bourzai et m. roland ries

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, mes chers collègues, mon collègue Roland Ries et moi-même avons été désignés co-rapporteurs sur l'ensemble des textes relatifs au Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Notre travail est bien sûr un travail commun, mais dans un souci de partage des rôles, je présenterai l'essentiel de nos conclusions aujourd'hui. Roland Ries assumera cette charge à son tour devant la commission de l'économie si, comme nous l'espérons, notre proposition de résolution est adoptée par vous.

Je commencerai par une présentation générale du dispositif.

Le 29 juin 2011, la Commission européenne a présenté ses propositions pour le cadre financier pluriannuel 2014-2020. A côté de la politique de cohésion classique (336 milliards d'euros prévus sur la période), la Commission européenne propose la création d'un « mécanisme pour l'interconnexion en Europe » (MIE).

Derrière cette appellation un peu technocratique, il s'agit en réalité de la création d'un Fonds Infrastructure. Ce fonds serait doté de 50 milliards d'euros en euros constants -56,7 milliards en euros courants- destinés au financement d'infrastructures ayant un intérêt transeuropéen marqué dans trois domaines : le transport, l'énergie et les télécommunications. L'objectif est d'achever des liaisons manquantes et de résorber les goulets d'étranglement, afin d'unifier ces trois réseaux européens.

Toutefois, le mécanisme pour l'interconnexion ne se réduit pas, loin de là, à un simple fonds de financement.

En effet, après l'annonce politique du 29 juin 2011, la Commission européenne a présenté le 19 octobre 2011 le détail de sa proposition. Elle a ainsi adopté simultanément cinq textes étroitement liés qui forment ensemble le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe.

Ce paquet législatif se compose :

- de la proposition de règlement établissant le MIE proprement dit (COM (2011) 665 final) ;

- de trois propositions de règlement fixant respectivement les orientations pour les réseaux transeuropéens en matière de transport (RTE-T), d'énergie (RTE-E) et de télécommunications. Ces documents définissent les infrastructures européennes prioritaires dans ces trois secteurs (COM (2011) 650 final, COM (2011) 658 final et COM (2011) 657 final) ;

- d'une proposition de règlement créant une phase-pilote sur 2012-2013 au cours de laquelle les fameux « project bonds » seraient testés pour financer des infrastructures transeuropéennes.

Ce MIE est novateur à plusieurs titres et, il faut le souligner, le président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, en a fait une priorité politique. C'est en effet le dispositif le plus innovant du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

Quelles sont ces innovations ?

Tout d'abord, l'effort financier est considérable. Sur la période 2007-2013, à titre de comparaison, les crédits communautaires directement fléchés vers des projets équivalents tournent autour de 8 milliards d'euros courants. Le rapport est de un à sept (un peu moins en réalité si l'on prend en compte les crédits des fonds structurels et de cohésion qui ont pu bénéficier aussi à ces projets). Et surtout, seul le secteur des transports en a bénéficié. Les 8 milliards ont été gérés par l'agence exécutive RTE-T.

Ensuite, l'approche de la Commission européenne est très différente.

Jusqu'à présent, les crédits de la politique de cohésion sont pour l'essentiel laissés à la disposition des régions ou des Etats qui restent libres de financer telle ou telle action dans le respect de certains critères prédéfinis. Par ailleurs, s'agissant des 8 milliards d'euros que je viens d'évoquer sur la période 2007-2013, ils ont été alloués à quelques dizaines de projets transfrontaliers, en particulier une quarantaine de projets prioritaires déclarés d'intérêt européen dans le domaine des transports.

La Commission européenne propose d'abandonner cette approche encore très décentralisée, dispersée et sans plan d'ensemble, au profit d'une approche stratégique, intégrée et partiellement centralisée. Je force le trait, mais à dessein.

En effet, la démarche de la Commission est double. Elle trace une sorte de schéma européen des réseaux de transport, d'énergie et de télécommunications. Il ne s'agit pas simplement d'interconnecter des sous-systèmes nationaux, mais de bâtir des réseaux européens auxquels viennent se connecter des sous-systèmes régionaux plus ou moins denses. Dans son esprit, la partie européenne des réseaux doit faire l'objet d'un traitement particulier au niveau de l'Union et ne pas être abandonnée à la seule bonne volonté des Etats membres. D'où une approche plus directive, à la fois dans son aspect financier et dans son aspect gouvernance.

Enfin, les « project bonds » sont l'autre grande nouveauté du MIE sur laquelle la Commission a communiqué. Ils ne doivent pas être confondus avec les « eurobonds » qui consistent en une mutualisation de la dette souveraine des Etats.

Les « project bonds » sont d'une autre nature. C'est un instrument financier ayant pour objectif de rendre plus attrayants des emprunts obligataires privés pour le financement de projets. Cela fonctionne de la manière suivante : un opérateur de projet fait appel au marché de capitaux pour financer son projet en émettant des obligations.

Pour rendre cette émission obligataire plus attrayante aux yeux des investisseurs institutionnels, la dette de l'opérateur est alors décomposée en une tranche prioritaire ou senior - c'est-à-dire dont le remboursement est prioritaire - et une tranche subordonnée ou dite « mezzanine ». C'est cette tranche subordonnée qui fait l'objet d'une garantie sur fonds publics. De cette manière, la tranche senior bénéficie d'un profil de risque plus favorable noté AA- au lieu de BBB par les agences de notation. Cette meilleure notation est censée attirer certains investisseurs comme les compagnies d'assurance ou des fonds de pension à la recherche d'investissements à long terme peu risqués.

L'idée défendue par la Commission européenne est que dans la période actuelle, les banques sont très frileuses et qu'il faut donc diversifier les sources de financement pour ce type de projets structurants en allant directement sur le marché. Cela s'est fait dans le passé et certains pays comme le Canada y recourent couramment. Autre avantage : l'effet de levier. Avec des montants relativement faibles par rapport aux subventions classiques, on débloque des investissements privés massifs. C'est en quelque sorte le petit coup de pouce qui fait la différence sur des projets viables commercialement, mais présentant des incertitudes, surtout dans les premières années d'exploitation.

Voilà pour la présentation générale du MIE.

Quelques mots à présent sur chacun des volets du MIE. Nous les présenterons dans l'ordre suivant : les transports, l'énergie et les télécommunications.

Je passe la parole à Roland Ries pour le volet « Transport ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion