Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 février 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Transports - energie - mécanisme pour l'interconnexion en europe « connecting europe » textes e 6760 e 6740 e 6750 e 6751 et e 6788 - proposition de résolution européenne de mme bernadette bourzai et m. roland ries

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Rapidement, les deux autres volets « Energie » et « Télécommunications » recevraient chacun 10,5 milliards d'euros courants.

Le volet « Energie » est lui aussi bien structuré, comme le volet « Transport », même si la définition des projets d'intérêt commun est moins précise. La Commission européenne souhaite en particulier développer les interconnexions électriques et gazières. Elle identifie huit corridors prioritaires (à ne pas confondre avec les corridors de réseau central en matière de transport). Parmi ces corridors, il faut citer le réseau énergétique des mers septentrionales qui serait le réseau reliant les champs d'éoliennes « offshore » en mer du Nord, dans la Manche et en mer Baltique. On peut aussi citer l'interconnexion électrique de l'Espagne au reste de l'Europe pour acheminer l'électricité issue des éoliennes et du solaire. Le MIE financerait aussi des actions horizontales comme les réseaux intelligents (« smart grids ») ou des réseaux de transport du dioxyde de carbone en vue de son captage et stockage.

Les objectifs sont d'améliorer la sécurité d'approvisionnement, accompagner le développement des énergies renouvelables et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

A l'inverse du volet « Transport », les projets d'intérêt commun ne sont pas prédéfinis, mais le seront dans un second temps après discussion et accord des Etats membres dans le cadre des priorités que je viens d'évoquer.

Côté gouvernance, la Commission européenne demande aux Etats membres de se mettre en ordre de marche pour que les projets d'intérêt commun bénéficient d'un traitement prioritaire et rationalisé. Dès lors qu'un projet serait déclaré d'intérêt commun, la phase de concertation et d'autorisation devrait impérativement tenir en trois ans. Les Etats membres s'engagent aussi à toiletter toutes leurs procédures d'autorisation et de débat public afin qu'elles soient les plus efficaces possibles. Une autorité nationale unique devra notamment être désignée pour instruire ces projets.

Allant plus loin encore, la Commission européenne se réserverait la possibilité en cas de retard persistant de relancer d'elle-même un appel à propositions.

En revanche, s'agissant du volet « Télécommunications », le texte de la Commission européenne est beaucoup moins précis. Il n'en ressort pas la même impression de vision stratégique. La priorité est donnée au développement du haut et très haut débit dans les zones rurales ou peu densément peuplées. Quelques grands projets sont évoqués comme le projet « Europeana » ou le développement de services administratifs en ligne interopérables. On pense notamment aux marchés publics.

Cette imprécision et le caractère diffus des projets finançables ont pour effet que la gouvernance de ce volet est très légère. La Commission européenne ne prescrit pas aux Etats membres d'adopter des procédures plus efficaces et planifiées.

Quelle appréciation peut-on porter sur cet ensemble de textes très denses ?

Tout d'abord, la démarche de la Commission européenne nous semble positive. Une nouvelle étape est nécessaire. Il ne suffit plus de rafistoler et de relier des réseaux nationaux, mais d'avoir une vision d'ensemble des réseaux au sein de l'Union. Pour atteindre cet objectif, les règles habituelles de la politique de cohésion ne sont pas adaptées. Une approche plus centralisée doit être soutenue pour concentrer les moyens sur les réseaux de dimension européenne. L'Union peut apporter une plus-value et est pleinement légitime pour renforcer ses actions sur ces infrastructures très spécifiques.

De la même manière, les priorités que la Commission européenne dessine sont globalement pertinentes. Les personnes que nous avons auditionnées n'ont pas critiqué les choix opérés, sauf sur des points de détail. L'interopérabilité, les corridors, la priorité au ferroviaire ou l'accompagnement du développement des énergies renouvelables vont dans la bonne direction et placent l'action de l'Union au bon niveau. On regrettera seulement l'imprécision des projets en matière de télécommunications qui ne permet pas de juger réellement de leur dimension transeuropéenne.

S'agissant de l'enveloppe financière globale (56 milliards en euros courants), les choses sont moins simples. Pour tout dire, beaucoup d'Etats membres, et notamment le gouvernement français, jugent ce montant démesuré par rapport aux crédits actuels et aux besoins de financement. La France estime que dans le domaine de l'énergie et des télécommunications, le marché peut financer la quasi-intégralité des investissements. Derrière le marché, il y a les opérateurs et au bout de la chaîne le consommateur final. Pour prendre l'exemple de l'électricité, c'est en augmentant le tarif que les investissements seraient financés.

Ce débat budgétaire doit évidemment être replacé dans le contexte des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020. La France, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, a déjà signifié son opposition aux propositions de la Commission européenne jugées non raisonnables. Le MIE risque donc d'être une des principales victimes de cette grande négociation.

Sans nous prononcer précisément sur le juste montant du MIE, je crois qu'il faut soutenir la démarche de la Commission, tout en appelant en effet à ne pas financer sur fonds publics des projets viables commercialement. Cela va de soi. Ces investissements dans les réseaux transeuropéens sont l'exemple type de dépenses d'avenir qui ne peuvent être évaluées sous le seul angle du taux de retour pour chaque Etat membre. Ce sont des équipements pour les prochaines décennies. Et au moment où l'on cherche des relais de croissance, il ne faut pas sacrifier ces investissements pérennes. Bien au contraire.

Sur le sujet de la gouvernance de ces projets, nous appelons en revanche à plus de prudence. Il ne s'agit pas de prôner le statu quo et l'immobilisme. Mais seulement de protéger la Commission européenne contre elle-même et de sa tentation de s'immiscer dans la mise en oeuvre de projets. Le remède pourrait être pire que le mal. Nous constatons tous sur le terrain qu'il est de plus en plus difficile de faire accepter par les populations riveraines des infrastructures lourdes. Il n'est pas certain que l'Union soit la mieux placée pour imposer des solutions. En revanche, elle peut avoir un rôle de médiateur et d'aiguillon. Elle peut aussi débloquer un dossier en finançant les surcoûts liés aux mesures de compensation (par exemple l'enfouissement d'un ouvrage), si l'intérêt européen commande absolument la réalisation d'un ouvrage. Le levier financier est souvent le plus efficace.

Concernant les « project bonds », c'est un outil supplémentaire qui peut s'avérer intéressant. Mais il nous a semblé en rencontrant la Banque européenne d'investissement que tout restait à démontrer. Même si le risque financier est bien contrôlé, il est encore difficile de savoir quel type de projets pourrait être financé par ce biais. La phase-pilote prévue pour 2012-2013 sera à surveiller de près. Les « project bonds » ne seront pas la solution miracle aux difficultés de financement de l'Union, mais seulement un instrument de plus. La Commission européenne précise d'ailleurs que les subventions demeureront le principal mode de financement, à côté d'instruments financiers déjà expérimentés comme les garanties sur prêt.

Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité vous soumettre une proposition de résolution. Son texte vous a été transmis il y a deux jours.

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