Créé en 1957 par le traité de Rome, le Fonds social européen est une des plus anciennes institutions de l'Europe communautaire et, à ce titre, on ne peut l'aborder qu'avec respect et modestie, surtout quand on évoque de possibles réformes ou même seulement la nécessité de renforcer son efficacité. En effet, il a été question un moment d'une importante réforme qui est aujourd'hui abandonnée, mais je me prononce, dans ce rapport, sur chacun des problèmes qu'elle soulevait.
Le FSE peut être présenté comme le principal levier financier de l'Union européenne pour la promotion de l'emploi et de la formation et, comme le rappellent mes collègues Yann Gaillard et Simon Sutour dans leur excellent rapport sur la cohésion après 2013, avec le FEDER et le fonds de cohésion, le FSE est l'un des trois fonds structurels de l'UE dont la mission consiste à mettre en oeuvre la politique de cohésion, c'est-à-dire à réduire les écarts de développement et à renforcer la cohésion économique et sociale entre pays et régions de l'Union européenne.
Pour soutenir la politique de cohésion en matière d'emploi et de formation, le FSE reçoit 8 % du budget total de l'UE et il investit 10 milliards d'euros par an dans l'ensemble des États membres (75 milliards pour la période 2007-2013). La France, pour sa part, aura reçu presque 5 milliards pendant cette même période.
L'action du FSE repose sur 4 axes ou piliers :
- l'augmentation de la capacité d'adaptation des travailleurs, des entreprises et des chefs d'entreprise aux changements économiques ;
- l'amélioration de l'accès à l'emploi et l'insertion durable sur le marché du travail ;
- le renforcement de l'insertion sociale par le travail des personnes défavorisées ou discriminées ;
- le renforcement du capital humain et l'adaptation de l'éducation et de la formation aux besoins du marché du travail.
Il faut toujours se rappeler, parmi les caractéristiques majeures du FSE, que l'attribution des crédits est régie par le principe du cofinancement, ce qui signifie que le FSE ne finance jamais seul un projet et que le FSE finance en moyenne 45,76 % des budgets des projets agréés.
En France, ces projets émanent aussi bien du secteur public que du secteur privé ; ils sont, pour une petite partie, nationaux, et pour la majeure partie, locaux. À côté des crédits FSE, on trouve donc des crédits publics (État, collectivités territoriales) et des crédits privés (associations, syndicats, chambres de commerce et d'industrie, entreprises).
J'attire votre attention sur le fait que la mise en oeuvre du FSE est, en France, une politique nationale et qu'il faut s'en réjouir, car la cellule de pilotage du FSE, placée auprès du délégué général à l'emploi, pratique une supervision efficace et notre État centralisateur, sur ce point, a du bon. Le FSE est géré selon des programmes cycliques de sept ans. Le programme opérationnel français est donc également établi pour une durée de sept ans. Il établit les différents champs d'activité qui seront financés, champs qui peuvent être géographiques ou thématiques. En France, comme je le disais, c'est le délégué général à l'emploi qui est en charge, par délégation du ministre de l'emploi, de la gestion des crédits du FSE. Il conserve une partie des crédits pour les projets nationaux, et la grande masse des crédits est dévolue aux projets des régions.
Bien qu'au départ, le FSE ait été conçu pour rendre plus facile la mobilité géographique des travailleurs, son rôle a évolué et il sert aujourd'hui à mettre en oeuvre une politique de proximité au bénéfice des travailleurs dont l'emploi change ou disparaît, ou dont l'employabilité n'est pas satisfaisante.
En fonction des quatre axes déjà cités, il s'agit de gérer au mieux, pendant sept ans, les 4,495 milliards d'euros mis à disposition par le FSE pour la France, et de les utiliser comme marge de manoeuvre supplémentaire pour favoriser l'emploi.
On fera remarquer que pour avoir une notion exacte des crédits consacrés à l'emploi sous l'impulsion du FSE, il convient d'ajouter, selon le principe du cofinancement, aux 5 milliards de crédits FSE, une somme à peu près équivalente dont quatre cinquièmes proviennent des budgets publics et un cinquième de fonds privés.
Les auditions auxquelles nous avons procédé ont mis en lumière que l'axe 1 (augmentation de la capacité d'adaptation aux changements du marché du travail) était le plus difficile à mettre en oeuvre, car les régions éprouvaient une certaine difficulté à mobiliser les PME. Il en est ressorti également que les projets FSE étaient rarement innovants, qu'ils venaient s'ajouter à l'existant et ne jouaient pas un rôle moteur.
Cependant, les bénéficiaires du FSE en France sont nombreux : en 2009, on compte près de 7 000 dossiers FSE et 536 783 participants (dont 282 328 femmes, soit 52,6 % du total). Ils se répartissent de la manière suivante :
- 20 % des participants sont des actifs occupés dont 3 % sont indépendants ;
- 59 % sont des demandeurs d'emploi dont 24 % sont des chômeurs de longue durée ;
- 20 % sont des inactifs.
Enfin, je signale que 60 % des participants ont une sortie positive vers un emploi ou une validation de leur formation. Pour vous donner une idée moins abstraite de l'utilisation des crédits du FSE, voici quelques exemples de projets financés avec les crédits du FSE. En Pays de Loire, le Conseil régional a missionné le CAFOC (Centre académique de formation continue) de Nantes pour réaliser une prestation portant sur le développement de l'individualisation des parcours de formation et le renforcement qualitatif et quantitatif de l'alternance dans le parcours des apprentis. En Auvergne, le FSE soutient « Handiformation », schéma régional destiné à faciliter l'accès à la formation et à l'emploi des personnes handicapées. En Nord-Pas-de-Calais, une opération spécifique s'est adressée à un public de détenus et de sortants de prison ; il s'agit d'un projet (R'Libre) visant à favoriser l'insertion sociale et professionnelle des personnes sous main de justice.
En Ile-de-France, le projet « Faire de l'égalité entre les hommes et les femmes une réalité dans l'entreprise » est dirigé par l'Union régionale CFDT Ile-de-France, et il vise à confier aux équipes syndicales la mission de négocier l'égalité professionnelle.
Les deux dossiers FSE types restent pourtant la formation à la coiffure ou le programme d'insertion professionnelle.
Après cette présentation générale du FSE, je voudrais vous parler de l'avenir du FSE. A l'occasion des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (2014-2020), un débat sur la politique de cohésion et sur l'avenir s'est engagé avec l'idée d'une révision générale de l'audit en supprimant certaines autorités aujourd'hui obligatoires. Le débat s'est poursuivi avec les prises de position des commissaires intéressés préconisant une vraie réforme qui aurait pu aller jusqu'à sortir le FSE de la politique de cohésion et le transformer en fer de lance d'une politique européenne de l'emploi.
Mais aujourd'hui, ce débat semble clos et les positions sont concordantes, qu'il s'agisse de la Commission, du Parlement européen ou des États membres. Une simplification de la gestion des fonds FSE est nécessaire et un projet de réforme du règlement devrait voir le jour en septembre 2011.
Naturellement, au Parlement européen, les députés de la commission de l'emploi et des affaires sociales sont favorables à une augmentation des crédits du FSE, mais les circonstances ne s'y prêtent pas et on s'oriente vers un statu quo. Aujourd'hui, chacun s'accorde pour souhaiter le maintien du FSE tel qu'il existe et pour écarter toute idée d'une réforme drastique : on s'oriente plutôt vers une simplification de la mise en oeuvre et du contrôle.
On sait qu'une première modification du règlement financier a déjà été faite (forfaitisation des remboursements pour les dossiers inférieurs à 50 000 euros). Il faut poursuivre dans cette direction. Une simplification du contrôle est souhaitée par tous. Enfin, le coût administratif de la gestion est trop lourd.
On sait qu'en France, le coût moyen du montage d'un dossier oscille entre 1 500 euros et 2 000 euros, ce qui agit comme une puissante dissuasion auprès de nombreux acteurs. En effet, certains projets ne dépassent pas la barre des 2 000 euros, et la moitié des projets soutenus par le FSE en France ont des budgets inférieurs à 50 000 euros. En France, 1 000 personnes gèrent le FSE réparties entre 350 organismes intermédiaires ; cette organisation entraîne un coût excessif.
Sur les pistes de réforme et sur les problèmes soulevés lors des auditions, je me prononce dans le rapport et voici maintenant les conclusions auxquelles je parviens.
J'écarte l'option d'une renationalisation parce que je considère que le FSE conduit à mettre l'accent sur certains aspects parfois oubliés de la politique nationale de l'emploi, et surtout que l'actuel mécanisme de cofinancement conduit à provoquer la création de partenariats entre le public et le privé, comme entre le national et le local.
J'estime également qu'il est plus sage, faute de moyens suffisants, de circonscrire l'action du FSE à l'action déjà ambitieuse qui est la sienne avant d'envisager de le faire intervenir sur l'ensemble de la politique de l'emploi.
Sur l'idée de réserver les crédits du FSE aux pays les plus pauvres, je me range à l'avis que les effets de la crise actuelle montrent clairement que le chômage, et particulièrement celui des jeunes, est un fléau qui touche tous les États membres et, pour cette raison, je vous propose de maintenir l'actuelle clé de répartition des crédits FSE.
Quant à spécialiser le FSE dans la lutte contre la pauvreté, je considère que la lutte contre la pauvreté est une politique sociale nationale et que le FSE, par sa mission, y participe. Pour autant, on ne saurait lui imposer d'en faire sa priorité, car il n'a pas été créé pour compléter les minima sociaux mais pour conduire à l'emploi ceux qui ont été écartés du marché du travail ou risquent de l'être. En outre, restaurer l'employabilité permet aussi d'écarter l'exclusion et la pauvreté.
Sur la possibilité d'exonérer de l'obligation de cofinancement certains États membres, à l'exception du cas grec qui demande à être examiné plus attentivement selon la conjoncture, je ne suis pas favorable à l'exemption de l'obligation de cofinancement qui est un principe fondateur des fonds structurels.
La réforme à laquelle je suis favorable, c'est celle qui introduirait un partage proportionné de la responsabilité entre Bruxelles et les États et mettrait en place un contrat de confiance reposant plus largement sur un contrôle national. Aujourd'hui, il existe six contrôles et c'est au moins cinq de trop. Je salue la première réforme introduite par le règlement (remboursements forfaitaires pour les dossiers inférieurs à 50 000 euros), et appelle de mes voeux une simplification encore plus drastique qui permettrait l'établissement d'un guichet local unique et un renforcement du suivi des résultats qui, aujourd'hui, laisse à désirer.
On a parlé de la fusion du FSE avec le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM). Je ferai remarquer que la mission accomplie par le FEM fait partie des missions déjà menées par le FSE. Mais si le FEM était fusionné au sein du FSE, il faudrait que les crédits du FEM (500 millions annuels) rejoignent ceux du FSE, ce qui n'est pas certain, et je préfère, pour des raisons tactiques évidentes, ne pas proposer la fusion des deux fonds.
Concernant la régionalisation du FSE sur le mode du FEDER, pour avoir rencontré l'ensemble des acteurs qui se sont tous prononcés en faveur de l'augmentation de leur part respective, je considère qu'il convient de conserver une gestion nationale à la fois déconcentrée et décentralisée des crédits du FSE dans le respect d'un principe de subsidiarité jouant entre l'échelon national et l'échelon local.
C'est pourquoi nous nous orientons seulement vers une simplification de la mise en oeuvre du FSE et un allègement des contrôles, modifications qui apparaîtront dans le projet de nouveau règlement du FSE qui nous sera proposé en septembre prochain.