Je me suis attaché, dans ma présentation de l'actualité économique et financière à Madrid, à bien distinguer la crise que connaît l'Espagne de celles qu'ont rencontrées le Portugal et l'Irlande.
Quelques semaines après mes déplacements dans ces deux pays, la situation politique a évolué de manière significative au sein de chacun d'entre eux, venant confirmer, d'ailleurs, les préoccupations qui s'étaient exprimées au sein de notre commission.
A Dublin, les élections législatives anticipées du 25 février ont porté au pouvoir une coalition Fine Gael - Labour, dont l'un des objectifs consiste en la renégociation du plan d'aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international accordé en novembre dernier. Le nouveau gouvernement de M. Enda Kenny milite notamment pour une baisse du taux d'intérêt de la partie européenne de l'aide - soit 45 milliards d'euros - actuellement fixé à 5,8 %. Encouragée par la diminution du taux de cent points de base accordée à la Grèce, l'Irlande insiste sur l'insoutenabilité du plan d'aide actuel d'autant que les derniers stress tests qu'ont subis les banques locales pourraient laisser apparaître de nouveaux besoins en matière de recapitalisation. De nouvelles injections supposeraient de recourir au Fonds de réserve de 25 milliards d'euros contenu dans le plan d'aide et donc d'augmenter la charge d'emprunt du gouvernement.
L'Allemagne et la France sont ouvertes à une telle baisse des taux si celle-ci se traduit en contrepartie par une augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés, fixé, je vous le rappelle, à 12,5 %. Si le nouveau gouvernement a réaffirmé sa volonté de ne pas toucher à ce que je qualifiais en décembre de tabou national, la publication des résultats des stress tests des banques le 31 mars, soit après-demain, pourrait peut-être le conduire à réviser sa position. Il conviendra, à ce titre, de suivre la position irlandaise sur le projet d'harmonisation à l'échelle européenne de l'assiette du taux d'imposition sur les sociétés. L'Irlande serait enfin encline à associer plus étroitement la Commission européenne à la supervision de la consolidation budgétaire menée par le gouvernement
Au Portugal, la démission du gouvernement Socrates est venue renforcer les doutes sur la capacité du pays à faire face aux échéances financières importantes d'avril et juin prochains. Lisbonne doit en effet rembourser, à ces dates, 4,5 et 4,9 milliards d'euros et donc lever des montants équivalents sur les marchés. Le changement de gouvernement ne sera effectif qu'à l'issue d'élections législatives anticipées, sans doute organisées en juin.
Cette crise intervient à la suite de la révision, par le gouvernement, de sa prévision de croissance pour 2011. Alors qu'il tablait initialement sur une augmentation du PIB de 0,2 %, il a annoncé, il y a dix jours, une contraction de 0,9 %. Afin de garantir l'objectif de réduction du déficit public à 4,6 % du PIB, le Premier ministre a souhaité proposer de nouvelles mesures d'austérité, soit le quatrième paquet en moins d'un an. Le Parlement portugais, où le gouvernement est minoritaire, a rejeté ce nouveau plan de rigueur.
Le principal parti d'opposition, le PSD de centre droit, a estimé qu'il ne voyait aucune objection à faire appel à l'aide de l'Union européenne et du FMI s'il arrivait aux responsabilités. Le président de l'eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker a, à ce titre, indiqué un montant de 75 milliards d'euros, aux deux tiers supportés par l'Union européenne. Le Premier ministre démissionnaire continue, quant à lui, de refuser une aide européenne. L'augmentation des taux - 8,2 % à 5 ans, 7,76 % à 10 ans - relativisent néanmoins cette ambition, ceux-ci étant considérés comme insoutenables pour l'État portugais par la plupart des observateurs. La Banque centrale européenne a, par ailleurs, arrêté d'acheter de la dette portugaise, au risque de contribuer à une montée des taux.
La crise portugaise intervient au moment où le Conseil européen vient de renforcer les capacités du Fonds européen de stabilité financière et de définir précisément les contours du mécanisme européen de stabilité qui prendra le relais en 2013 et qui sera doté de 700 milliards d'euros, soit une capacité d'intervention effective de 500 milliards d'euros.
Il me semble, néanmoins, important de dépasser désormais le stade du remède. Si nous voulons rétablir durablement la confiance, il faudra sans doute aller plus loin en matière de régulation bancaire et de révision des stress tests. La crédibilité de l'action européenne et son efficacité sur les marchés est à ce prix.
Il convient de prendre en compte la leçon grecque et tenir un langage de vérité sur la soutenabilité des aides accordées aux États. Rappelons que la dette grecque devrait atteindre 157 % du PIB en 2013. Il faudrait des décennies d'austérité pour en venir à bout. La restructuration - et donc la participation du secteur privé - est jugée par beaucoup inéluctable.