Intervention de Jean-Paul Emorine

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 février 2015 à 15h05
Economie finances et fiscalité — Plan d'investissement pour l'europe : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean-paul emorine et didier marie

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine, vice-président :

Outre ses modalités de financement, que vient de nous exposer Didier Marie, le plan d'investissement comporte deux autres volets.

Le deuxième volet porte sur les projets éligibles au FEIS.

La Commission et la BEI avaient, en amont, mis en place une task force destinée à collecter des projets sur l'ensemble du territoire de l'Union et au sein de laquelle la France était représentée par le commissaire général adjoint à l'investissement. L'objectif était de démontrer l'existence de besoins en investissements auxquels les liquidités, aujourd'hui abondantes, pourraient être affectées. La task force a ainsi identifié environ 2 000 projets représentant 1 300 milliards d'euros. Beaucoup d'entre eux ne seront cependant pas éligibles au FEIS.

Mais la proposition de règlement ignore les travaux de la task force. En revanche, elle cite les cinq objectifs généraux que les projets éligibles au FEIS doivent soutenir :

- le développement d'infrastructures, en particulier dans le domaine des transports, de l'énergie et du numérique ;

- l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement, les technologies de l'information et de la communication et l'innovation ;

- les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique ;

- les infrastructures dans le domaine de l'environnement, des ressources naturelles et du développement urbain ;

- le domaine social.

À titre d'illustration pour notre pays, les modalités de financement retenues empêcheraient certains projets, en particulier dans les infrastructures, qui requièrent de longues années avant de pouvoir être menés à bien, d'être éligibles au FEIS. C'est le cas, par exemple, de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ou de la liaison fluviale Rhin-Rhône.

En revanche, trois types de projets pourraient être concernés :

1°) certains types d'infrastructures, dont le niveau de risque est difficile à apprécier, comme le Charles-de-Gaulle Express, ou plus élevé, comme les éoliennes offshore, pour lesquelles une garantie partielle pourrait permettre de boucler le financement. La rénovation/modernisation des infrastructures constitue toutefois la plus grosse part des besoins d'investissement en la matière, la mise aux normes par exemple ;

2°) le financement des entreprises : les capacités financières sont actuellement insuffisantes et le plan Juncker constitue une opportunité à saisir pour les accroître, par exemple pour moderniser l'appareil industriel ou pour faciliter le passage de la recherche-développement vers l'industrialisation ;

3°) dans les collectivités territoriales, où le potentiel est le plus important, par exemple sous la forme de partenariat public-privé. Peuvent être cités des projets de rénovation thermique des bâtiments, de modernisation de l'éclairage public ou encore de crèches. De ce point de vue, il est important que les collectivités territoriales puissent bénéficier du plan d'investissement, le financement par le FEIS de projets qu'elles soutiennent contribuant de façon significative à la réalisation de ses objectifs. Alors que le très haut débit est éligible au plan d'investissement, les personnes que nous avons auditionnées ont souligné le peu d'intérêt de ce plan pour développer ce secteur en France, compte tenu à la fois de l'avance de notre pays en la matière et de la disponibilité de liquidités indépendamment du plan.

Les projets éligibles seront sélectionnés par le comité d'investissement, mais des interrogations demeurent sur les critères de sélection. Les projets doivent présenter un profil de risque plus élevé que ceux jusqu'à présent financés par la BEI. La proposition de règlement ne reprend cependant pas les critères utilisés par la task force, à savoir une dimension européenne, une réelle viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique, le plan devant être mis en oeuvre sur trois ans. En outre, dès lors qu'il est prévu que le FEIS finance des projets dans des secteurs dont le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et qui sont donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, il est important de connaître les critères qui leur permettront d'être retenus. Enfin, on peut se demander quelle sera la valeur ajoutée du FEIS dans le financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire, alors que le secteur financier est déjà spontanément intéressé par ce secteur. Par ailleurs, si le souci d'éviter des quotas nationaux ou sectoriels est légitime, les critères de sélection doivent néanmoins se traduire par une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne. Il convient donc de les préciser sur ce point.

Pour donner une suite concrète aux propositions comme celles du rapport de MM. Pisani-Ferry et Enderlein, que nous avons auditionnés en commission, il est important que le FEIS puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale. Il existe des projets non seulement franco-allemands, mais aussi franco-espagnols ou franco-italiens.

Par ailleurs, la proposition de règlement prévoit la création d'une réserve européenne de projets d'investissement dont l'objectif est de permettre aux investisseurs de disposer d'informations sur les projets potentiels. La Commission et la BEI considèrent en effet que le manque d'informations pénalise souvent les investissements.

Enfin, le troisième volet du plan d'investissement est de nature réglementaire. Il s'agit de lever les obstacles à l'investissement et de renforcer encore le marché unique de manière à démultiplier les effets du plan et à rendre l'Union européenne plus attractive.

Ce volet est présenté comme particulièrement important et crucial pour atteindre les objectifs du plan - MM. Pisani-Ferry et Enderlein ont d'ailleurs insisté sur ce point -, mais, paradoxalement, il est aussi le moins détaillé.

La communication de la Commission du 26 novembre dernier évoque trois pistes en termes très généraux : d'abord, l'amélioration de la réglementation européenne et nationale, la réduction des charges administratives ou encore une amélioration de l'efficacité de la dépense publique ; ensuite, de nouvelles sources de financement à long terme, y compris des mesures visant à créer une union des marchés de capitaux ; enfin, la suppression des obstacles à l'investissement dans le marché unique. Dans ses conclusions, le Conseil européen du 18 décembre reprend ces objectifs et évoque plus spécifiquement l'Union de l'énergie, pour laquelle la Commission est invitée à présenter une proposition globale « bien avant le Conseil européen de mars 2015 », et le marché unique numérique, pour lequel la Commission est également invitée à présenter une communication ambitieuse « bien avant le Conseil européen de juin 2015 ».

La Commission devrait présenter dans les prochains mois diverses initiatives couvrant ce troisième pilier, ainsi qu'une communication sur l'implication des banques nationales de développement.

Ce troisième volet est certes ambitieux, mais s'apparente surtout, tout au moins pour l'instant, à une déclaration d'intention. C'est pourquoi il convient d'obtenir davantage d'informations, en particulier sur la manière dont il pourrait effectivement contribuer à la levée des obstacles réglementaires - objectif que nous partageons naturellement pourvu que soient respectées les normes sociales et environnementales.

Enfin, nous devrons nous montrer très vigilants sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et plus particulièrement sur le rôle des collectivités territoriales.

Tant la Commission que le Conseil ont la volonté d'aller vite sur le plan d'investissement afin que des projets puissent être financés et engagés dès cette année. Les négociations ont commencé le 19 janvier au sein d'un groupe ad hoc du Conseil, où les questions restent nombreuses à ce stade. Il est prévu que le Conseil ECOFIN adopte une orientation générale le 10 mars en vue d'un accord politique en mai puis d'un accord en première lecture au Parlement européen, sur le rapport des commissions des affaires économiques et monétaires et des budgets, d'ici la fin du premier semestre.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Didier Marie et moi-même vous invitons à adopter l'avis politique et la proposition de résolution européenne qui vous ont été préalablement distribués.

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