Cette semaine la Commission va approuver une proposition de communication que je fais sur les marchés publics qui représentent 17 % du PIB européen. Elle en modernise les règles et comprend des mesures de simplification pour les PME. Président d'un Conseil général pendant 17 ans, je connais les difficultés des petites communes. La stratégie européenne n'est pas d'exclure mais d'instituer des seuils au-dessous desquels la législation sur les marchés publics ne s'applique pas. Travailler sur ces seuils, c'est une solution pour les tout petits marchés des toutes petites communes. Je vous ferai parvenir cette communication qui vise à utiliser les marchés publics pour soutenir des politiques transversales : l'environnement, l'inclusion sociale, l'innovation. L'expérience du terrain est utile à un commissaire européen. Lorsque je présidais le Conseil général de Savoie, à l'occasion des Jeux olympiques, j'avais lancé beaucoup d'appel d'offres, pour des chantiers routiers notamment. J'avertissais les entreprises que je favoriserai celles qui choisiraient une option environnementale, par exemple en utilisant des vieux pneus pour les talus ou en utilisant des gravats de démolition pour le soubassement des routes. Nous comptons en France huit fois moins d'entreprises de recyclage de gravats qu'en Angleterre et nous continuons donc à creuser des trous pour enfouir les gravats puis à creuser d'autres trous pour récolter les granulats des gravières. Par la recommandation, je voudrais favoriser ce genre d'option, afin que le choix des collectivités ne soit pas attaquable.
Sur les concessions de service public, il n'y a, en effet, aucune réglementation européenne. Je connais bien ce sujet que j'ai traité lorsque j'étais ministre de l'environnement. C'est à la loi du 2 février 1995 que j'ai défendue que vous devez la limitation des concessions à 20 ans, la suppression du droit d'entrée et l'interdiction pour la même entreprise de préparer l'appel d'offres et d'y répondre. Mon intention n'est pas de mettre en difficulté les petits concessionnaires ni les petites collectivités. C'est en jouant sur les seuils que nous établirons un cadre règlementaire pour les grandes concessions. Nous ouvrons le débat sur les concessions, il durera un à deux ans. En attendant, je suis preneur de vos critiques avant même que je rédige les textes.
Richard Yung, il y a un danger de « mémoire courte ». J'entends beaucoup de banquiers proclamer, comme si rien ne s'était passé, « Business as usual », « Reprenons nos vieilles habitudes ! » Eh bien non, nous allons changer ces habitudes et imposer des règles de transparence et de supervision. Si on avait appliqué ces règles aux banques irlandaises, on n'en serait pas là. On voyait, dans certains de leurs conseils d'administration, des chefs d'entreprise du BTP. On y prêtait à 100 % n'importe quoi à n'importe qui. Les conflits d'intérêts étaient manifestes. Considérez les propositions de cet Agenda de régulation financière, la supervision externe des banques par l'Autorité européenne des banques (EBA), instituée depuis le 1er janvier, leur supervision interne par l'Autorité des marchés, les futures règles de gouvernance, les obligations de résolution et les obligations de capitalisation liées à Bâle ; tout cela fait beaucoup et la situation ne sera pas la même. Je ne garantis pas qu'il n'y aura plus de crise ni d'éclatement de bulle mais, dans un tel cas, nous disposerons d'outils d'anticipation et de réaction rapide. Par exemple, la nouvelle Autorité des marchés (ESMA) sise à Paris, a le pouvoir d'interdire certains produits s'ils sont toxiques, en quelques heures ou quelques jours.
Les États-Unis ont opté pour la séparation des deux secteurs d'activité bancaires. Pas nous. La crise n'est pas venue de nos banques universelles mais de l'absence de liquidités et de supervision, ainsi que du comportement et des rémunérations insensés de certains banquiers. Je préfère donc m'assurer que toutes les banques, quel que soit leur métier, sont régulées, supervisées et gouvernées correctement. Dans le paquet « Gouvernance des banques et résolution bancaire », est prévu pour les banques transnationales un comité de superviseurs qui regroupe ceux de tous les pays où ces banques ont des filiales. Il y aura, en plus, des comités de résolution regroupant des personnalités désignées par chacun de ces pays. Si le superviseur détecte un risque, il pourra intervenir assez tôt, le comité de résolution pourra interdire la distribution de dividendes, de certains produits, stopper certaines activités bancaires et changer le management de la banque. Et s'il faut la restructurer, ce sera avec l'argent disponible du Fonds de résolution, non avec celui du contribuable.
La protection d'un brevet européen à traduire dans 23 langues coûte trop cher. Actuellement les entreprises ne protègent les leurs que dans quatre à cinq pays. Les autres ne sont pas couverts, si bien que les produits contrefaits peuvent entrer dans le Marché unique par la Lituanie, la Pologne ou la Roumanie. Ce sont des centaines de milliers d'emplois perdus, des dangers pour la sécurité, ou pour la santé publique dans le cas de médicaments contrefaits. J'ai donc proposé un brevet européen ayant une valeur juridique de protection automatique dans toute l'Union dans une des trois langues officielles de la convention de Munich : l'anglais, le français, l'allemand. Par exemple, une entreprise portugaise dépose un brevet ; elle choisit la protection en français ; le brevet est automatiquement traduit dans cette langue et a une valeur juridique immédiate. En même temps les claims, les « revendications », - c'est-à-dire la partie centrale du brevet - sont traduits dans les deux autres langues historiques. Avec la présidence belge, nous avons ajouté une traduction complète et manuelle en anglais puis une cinquième traduction en une autre langue qui, dans cet exemple, peut être le portugais. Ces deux dernières traductions n'ont pas de valeur juridique mais seulement une valeur commerciale et d'information. C'est cette proposition là que l'Espagne et l'Italie ont refusée.
A l'origine, neuf pays étaient favorables à notre idée, ils sont quatorze aujourd'hui, qui envisagent de mettre en place une coopération renforcée, autorisée par le traité de Lisbonne. En mars prochain le Conseil des ministres, saisi, donnera son avis et j'espère que cette proposition politiquement honorable et économiquement indispensable débouchera sur un résultat rapide.
François Marc, je fais des propositions, avec détermination et sans improvisation. C'est ensuite au Parlement et au Conseil des ministres de décider. Mais sur quatre sujets importants, depuis quatre mois, j'ai pu constater que le processus fonctionne ! Supervision, hedge funds, agences de notation et rémunération : nous avons obtenu un accord unanime du Conseil des ministres, presque unanime du Parlement européen. Et les Anglais, puisque vous les mentionnez, je le signale, ont voté les quatre textes. Certes, des compromis ont dû être trouvés, mais ils marquent un progrès. Sur les fonds alternatifs, les fonds de private equity, nous sommes parvenus à un accord. Sur les produits dérivés, les discussions sont toujours en cours, nous verrons... Enfin, deux de mes propositions ont été adoptées sur la régulation, et j'en proposerai une troisième cette année.
Quelques mots des stress tests. Il s'agit de soumettre les établissements à un test de résistance par rapport à un événement qui ne s'est pas produit et ne se produira sans doute pas - comme si l'on cherchait à évaluer la résistance du palais du Luxembourg aux tremblements de terre... autres que politiques, s'entend !
La première vague de stress tests était secrète et portait sur quelques banques et quelques thèmes. La deuxième, centrée sur les dettes souveraines, a été appliquée à 85 établissements et ses résultats ont été publiés. La troisième sera encore une fois opérée sur 85 banques et je signale que les Américains font leurs tests sur 15 établissements. L'autorité européenne des banques a proposé d'évaluer parallèlement le niveau de liquidité. Nous sommes actuellement en discussion avec la BCE, l'autorité européenne et la Commission européenne.