Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2015 à 8h30
Institutions européennes — Audition de s. exc. M. Peter Ricketts ambassadeur du royaume-uni en france

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui. Le moment semble bien choisi quelques semaines après les élections législatives au Royaume-Uni qui a conforté la majorité sortante et dans la perspective du référendum sur l'appartenance de votre pays à l'Union européenne.

Notre collègue Fabienne Keller a procédé à un examen approfondi des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Elle nous a présenté son rapport quelques jours avant les élections. Je retiens notamment de ce travail que le Royaume-Uni est d'abord attaché au marché unique, mais ne veut pas que l'on fasse de l'Europe un projet politique.

Au lendemain des élections, nous sommes donc confrontés à cette interrogation : l'approche britannique peut-elle conduire à une sortie de l'Union ? S'agit-il surtout d'obtenir avant tout une renégociation mais avec quel objectif : une réforme de l'Union européenne ou à défaut un statut spécial pour ceux qui le souhaitent ?

J'ai moi-même pu observer le déroulement de ces élections au titre de l'OSCE. Je viens d'en faire un compte rendu devant la commission. Au-delà de l'observation du processus électoral, qui s'est bien déroulé, les contacts que j'ai pu avoir m'ont convaincu qu'il était possible d'avoir un dialogue constructif avec nos amis britanniques sur le fonctionnement de l'Union européenne. Chacun doit pouvoir y faire valoir ses convictions. Nous pouvons examiner de façon pragmatique les modalités de fonctionnement de l'Union, notamment à partir de la revue de compétences que vous avez réalisée. Si des aspects doivent être corrigés, faisons-le sans hésiter. Mais nous devrons rester clairs sur le sens du projet qui unit les Européens à travers les traités auxquels ils ont souscrits.

S. Exc. M. Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni en France. - Très heureux d'avoir l'honneur de m'exprimer devant vous, je vous remercie de m'avoir invité à le faire. Je vous propose de faire une brève introduction puis de passer à un débat.

Comme vous le savez, la situation économique britannique s'est nettement améliorée : croissance à 3,5 % ; chômage tombé à 5,5 % ; inflation pas loin de 0 ; salaires réels en hausse ; déficit budgétaire à 4,8 %. L'économie est maintenant beaucoup plus solide.

Concernant l'Union européenne, je signale l'article de notre ministre des affaires étrangères, M. Hammond, dans Le Figaro d'hier. Cet article reprend les thèmes développés par M. Cameron à Paris. L'arrière-fond est le désenchantement assez profond de l'ensemble de l'opinion publique européenne à l'égard de l'Europe de Bruxelles. Ce désarroi explique la poussée des partis populistes. La proposition du gouvernement britannique consiste à préconiser une réforme de l'Europe pour qu'elle soit plus efficace puis à soumettre le résultat des négociations de la réforme à un référendum. Je répète qu'il est clair que le Premier ministre souhaite le maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne et, pour lui, les réformes nécessaires sont dans l'intérêt de tous les États membres. Le Premier ministre a l'intention de voir tous les États membres avant le Conseil européen des 25 et 26 juin. Il propose des réformes qui ne sont pas des demandes « personnelles » : rendre l'Europe plus compétitive, poursuivre nos efforts pour compléter le marché unique dans le numérique, l'énergie, les services et les capitaux, stimuler les négociations du TTIP, procéder à une simplification administrative. Comme le dit le Premier ministre, le Royaume-Uni appelle de ses voeux « la flexibilité d'un réseau et non la rigidité d'un bloc ». Il souhaite également que l'eurozone puisse se renforcer par une plus grande intégration de ses membres mais concurremment, il souligne la nécessité de protéger les intérêts des pays qui n'en font pas partie et n'en feront jamais partie. Il faut trouver le moyen d'articuler ces deux ensembles, comme pour l'Union bancaire. On peut appeler cela « l'Europe à deux vitesses » ou « les cercles concentriques »... mais il faut de toute façon une structure qui puisse permettre cette différenciation sans dommages et dans un esprit de justice. Nous appelons cela « fairness ».

Sur la question de l'immigration, il est bien clair que nous ne remettons pas en cause le principe de la libre circulation des personnes qui est un principe fondamental qui a des avantages pour tous et, donc, pour nous les Britanniques aussi. Cependant, il faut lutter contre les abus en matière de prestations sociales. Ces prestations ne doivent pas être une incitation à l'émigration. Le principe de la libre circulation n'a jamais été conçu pour permettre aux gens de choisir le système de prestations sociales le plus généreux dans l'Union. C'est une question sensible et importante.

Nous voulons renforcer le pouvoir des parlements nationaux et nous espérons aussi un peu de soutien sur cette question.

Enfin, sur la question de « l'Union toujours plus étroite » qui est peut-être plus sensible pour les Britanniques, cette idée ne nous convient pas. Nous chercherons à faire comprendre que cette idée ne nous concerne pas dans la mesure où nous sommes entrés dans un marché commun tandis que cette expression sonne à nos oreilles comme le tempo d'une marche accélérée vers un avenir toujours plus fédéral, toujours plus intégré dont nous ne voulons pas.

Mme Merkel a posé la méthode des négociations en disant, lors de la visite de David Cameron à Berlin : « Mettons-nous d'abord d'accord sur le contenu de la réforme, puis nous verrons pour le processus qui y conduira. Wer will der kann », ce qui nous a semblé une bonne approche et de bon augure.

Nous envisageons le référendum pour 2017 et la loi référendaire a été votée à une très large majorité mais le calendrier exact dépendra de la durée des négociations.

Le Sénat français est disposé à travailler avec la Chambre des Lords pour améliorer le fonctionnement de l'Union. Les propositions de M. Cameron méritent d'être examinées et j'espère que la France sera un acteur de ces négociations à venir. Pour le référendum, il nous semble que 2017 est la date la plus tardive, car il ne faut pas créer une période d'incertitude trop longue. J'ouvre maintenant le débat.

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