Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 mars 2016 à 8h35
Économie finances et fiscalité — Mise en oeuvre de la stratégie numérique de l'union européenne : communication de m. andré gattolin et mme colette mélot

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Absolument. Du temps que j'étais chercheur, je refusais les droits d'auteur lorsque l'on m'en proposait, considérant que j'étais payé pour publier. C'était aussi une façon d'inciter les éditeurs à faire de même et à ouvrir les données au numérique.

Je rebondis sur les interrogations d'Alain Vasselle. Est-il opportun d'aller plus vite que l'Union européenne ? Je crois que oui, dans certains cas, comme celui des plates-formes. Quand on travaille, en matière législative, dans un cadre multilatéral, on dresse toujours un état de l'art. Autrement dit, on fait le point sur les législations nationales existantes. À l'époque où le pouvoir d'influence de la France était fort, on pouvait se contenter de n'intervenir sur la décision qu'en aval, une fois le texte présenté. Mais tel n'est plus le cas, il faut travailler en amont, intervenir dans les consultations publiques et à toutes les étapes du processus d'élaboration des textes.

Ce qui importe, s'agissant des plates-formes, c'est d'obtenir plus de transparence sur les algorithmes qui, étant régulièrement modifiés par l'interaction des internautes, transforment les résultats de requête, dont l'ordre se retrouve bouleversé. Certains restaurateurs ont ainsi constaté qu'ils se trouvaient rejetés en bas de liste non du fait des consommateurs mais de concurrents malveillants qui s'évertuaient à envoyer des avis négatifs sur leurs services. Y voir un peu plus clair sur la manière dont les algorithmes fonctionnent serait une bonne chose. Attendre la directive ? Bien souvent, à force d'attendre, on se retrouve les mains liées, face au fait accompli. Lors de l'audition d'Axelle Lemaire devant la commission des finances, nous avons appris que son cabinet surveillait de près l'évolution des textes européens sur le sujet, pour essayer de s'adapter au plus juste. Mais il semble que sur les plates-formes, l'Europe reste réticente à aller vers plus de transparence : il n'est pas mauvais, dans ce cas, de chercher à influer.

La cybersécurité est en effet un enjeu important. La directive NIS, adoptée fin décembre, répond aux souhaits de l'ANSSI, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information - une agence qui fonctionne fort bien et dont la mission de se limite pas à l'administration puisqu'elle joue de plus en plus un rôle de conseil auprès des entreprises. Il est vrai, cependant, que les PME-PMI sont encore peu aidées. Dans le cadre du deuxième pilier de la stratégie numérique, un texte devrait voir le jour en juin ou juillet prochain, visant à mettre en place un partenariat public-privé pour la recherche en matière de cybersécurité. Je ne suis pas un partisan inconditionnel des partenariats public-privé, mais en ce domaine, je les ai toujours préconisés car les capacités de l'État sont limitées tandis que beaucoup d'entreprises privées très qualifiées en ce domaine travaillent pour des grandes entreprises, elles-mêmes stratégiques pour notre économie.

En matière de cybercriminalité, la France dissocie clairement entre attaque et défense : c'est la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) qui est en charge des attaques, et l'ANSSI qui est chargée de la protection. Bien des pays considèrent ce modèle avec intérêt.

L'enjeu est loin d'être négligeable, ainsi que cela a été rappelé lors du dernier sommet de Davos ; si l'on ne fait rien, on va au-devant de grandes difficultés. En effet, si les gouvernements et les entreprises ne prennent pas de mesures adéquates, les cyber-attaques pourraient entraîner une perte pouvant aller jusqu'à 3 000 milliards de dollars d'ici à 2020. Et les grandes entreprises ne sont pas seules concernées. Une PME de vingt personnes peut être amenée à traiter des dizaines de millions de données personnelles. Si ces données sont détournées, l'impact peut en être énorme et sur nos libertés et sur le dynamisme de notre économie. Nous avons beaucoup insisté là-dessus ces dernières années, et cela a porté ses fruits puisqu'un texte devrait voir le jour d'ici à l'été.

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