Notre commission aborde aujourd'hui pour la première fois un ensemble de textes à l'ampleur exceptionnelle, puisqu'il totalise quelque 5 000 pages. Ce paquet d'hiver, intitulé « Énergie propre pour tous les Européens », comporte trois volets principaux, dont un seul fait l'objet des textes aujourd'hui soumis à votre approbation. Il s'agit de l'évolution du bouquet énergétique vers une part accrue de sources renouvelables d'énergie, sujet auquel nous avons ajouté les mécanismes de capacité. Comme vous le savez, la détermination du bouquet énergétique est une compétence propre des États membres.
Dans ses propositions, communications et rapports, la Commission européenne distingue totalement la place des énergies renouvelables intermittentes et les mécanismes de capacité. Pourtant, l'essor de ces mécanismes a pour cause la part croissante occupée par l'électricité d'origine intermittente. C'est pourquoi nous avons rapproché ces deux thèmes, tout en les distinguant, puisque je traiterai du premier, avant que Michel Delebarre n'aborde le second.
Les énergies renouvelables peuvent être classées en trois catégories. D'abord, les sources intermittentes d'électricité, dont le débit échappe à la volonté des hommes. Il s'agit des filières photovoltaïque, éolienne, voire marémotrice. Leur médiatisation finit par occulter les graves inconvénients techniques et économiques directement induits par l'intermittence. Ces défauts dureront tant qu'il sera impossible de stocker massivement l'énergie produite en sus des besoins, pour la réutiliser plus tard. J'ai bon espoir que nous réaliserons ce rêve. Pour l'heure, le stockage n'est que très partiel. Regroupant biocarburants et biogaz, la deuxième catégorie d'énergies renouvelables peut être utilisée en substitution directe des produits pétroliers raffinés, mais avec un bilan carbone bien meilleur et une moindre pollution chimique de l'air par des produits toxiques. La troisième catégorie réunit essentiellement les barrages hydrauliques.
Les énergies renouvelables non intermittentes ont pour propriété commune d'être peu polluantes et de s'insérer aisément dans la production d'électricité au même titre que des centrales traditionnelles. Ces deux catégories présentent des caractéristiques extrêmement proches sur le plan environnemental et pour satisfaire les besoins des consommateurs.
Parmi les sources non renouvelables d'électricité, la filière électronucléaire présente des caractéristiques environnementales comparables à celles des énergies renouvelables non intermittentes. Dommage qu'elle soit caricaturée, vu l'expertise et la notoriété de la France en la matière ! Elle est d'ailleurs indissociable des énergies renouvelables, puisqu'elle assure une production de base qui rend possible leur développement. En définitive, les ressources thermiques fossiles - basées principalement sur le gaz naturel, la houille et le lignite - sont les seules à produire de l'électricité avec des émissions de gaz carbonique, voire de substances polluantes dangereuses.
Conclusion évidente : toute politique énergétique accordant une large place aux préoccupations environnementales doit tendre à réduire la place de l'électricité d'origine thermique fossile. En revanche, aucune considération environnementale ne justifie de stigmatiser la filière électronucléaire au nom de la lutte contre le réchauffement du climat. Finalement, la seule interrogation qui subsiste concerne la place de l'électricité intermittente. Tant que le stockage ne dépasse pas quelques heures de consommation, le soleil et le vent représentent surtout l'avenir, pas le présent. Il est légitime de leur consacrer des moyens au titre de la recherche et développement, tout comme il est légitime de conduire des efforts semblables pour améliorer le stockage de l'énergie électrique. En revanche, il est impossible de compter sur ces filières pour satisfaire la demande lors les pointes de consommation constatées pendant les soirées d'hiver. Les graphiques qui vous ont été distribués parlent d'eux-mêmes.
Or, le paquet « Énergie propre pour tous » ignore totalement la véritable frontière entre les énergies renouvelables intermittentes et les autres énergies renouvelables, alors que la distinction revêtira une importance majeure tant que le stockage restera un espoir d'avenir. Symétriquement, la Commission européenne néglige l'analogie - sur le plan climatique - entre les énergies renouvelables non intermittentes et la filière électronucléaire. On sait qu'au Parlement européen certaines tendances « vertes » sont très bien relayées...
La résolution et l'avis politique tendent à tracer les frontières là où elles sont pertinentes au regard de la politique climatique, à savoir entre les énergies renouvelables intermittentes et les autres formes d'énergies renouvelables, d'une part, et la filière électronucléaire et les énergies fossiles thermiques, d'autre part.
Comme l'électricité d'origine intermittente bénéficie d'une priorité d'accès au réseau, les centrales indispensables à la couverture de la pointe hivernale sont confrontées à une concurrence accrue pendant les mois creux d'été. Les conséquences de cette situation dépendent bien sûr de la part dévolue aux énergies intermittentes : en Allemagne, elles ont fortement déstabilisé les filières conventionnelles ; en France, leur ampleur permet aux activités de recherche et développement de se dérouler à une échelle significative. Mais la contribution au bouquet électrique reste suffisamment limitée globalement dans l'Union européenne pour que la pérennité de l'alimentation électrique soit garantie par les mécanismes de capacité, sujet passionnant dont Michel Delebarre va maintenant vous entretenir.