Intervention de Patrick Mifsud

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 février 2017 à 8h35
Institutions européennes — Audition de M. Patrick Mifsud ambassadeur de malte

Patrick Mifsud, ambassadeur de Malte :

C'est un grand plaisir et un privilège d'être devant vous pour vous présenter les priorités de la présidence maltaise du Conseil de l'Union européenne, dans une période particulière.

J'ai eu la chance d'être en poste à l'ambassade de Malte à Paris en 2004, où nous avons célébré l'adhésion de Malte à l'Union Européenne. C'est un grand plaisir de célébrer de nouveau ici, 13 ans après, notre présidence du Conseil.

C'est une première historique pour Malte depuis son adhésion en 2004, et même depuis la première étape de son processus d'adhésion en 1990. Malte a franchi toutes les étapes avec succès. Elle est entrée dans l'espace Schengen en 2007, dans la zone euro le 1er janvier 2008, et le traité de Lisbonne a été ratifié à l'unanimité par son Parlement le 29 janvier 2008. Les Maltais affirment aujourd'hui avec fierté leur identité européenne. Nous avons tâché de bien nous préparer à cette présidence aux niveaux national et international. À l'échelle nationale, nous affichons une réussite économique et sociale importante, avec la deuxième meilleure croissance du PIB au sein de l'Europe, une réduction de deux tiers du chômage des jeunes, la plus forte croissance de l'emploi, et notamment une augmentation de l'emploi féminin, le deuxième plus faible écart de salaire entre les hommes et les femmes, et tout cela en réduisant les impôts sur le revenu et en gardant des niveaux de dette et de déficit soutenables.

Lundi dernier, la Commission européenne a présenté ses prévisions économiques hivernales : notre taux de chômage sera inférieur à 5 % - ce qui, selon de nombreux économistes, revient au plein emploi. Le déficit atteindrait 0,7 % du PIB en 2016, 0,6 % en 2017, avec une dette publique inférieure à 60 % du PIB - l'année prochaine, elle devrait descendre en-dessous de 55 %. Nous avons voulu être forts dans notre pays pour être aussi forts en Europe.

Durant ces six mois, nous, plus petit pays de l'Union européenne, serons à la tête du Conseil. Nous nous sommes préparés pour assurer au mieux toutes nos tâches, tant dans les enceintes bruxelloises qu'à Malte - où nous bénéficions aussi de l'assistance de l'École nationale d'administration (ENA) - mais aussi dans toutes nos ambassades, relais nationaux de notre présidence. C'est donc avec un engagement et une motivation particuliers que nous entamons cette présidence. Malte est plus que jamais déterminée à montrer le rôle unificateur et proactif de l'Union européenne, en renforçant la croissance et la confiance des citoyens, en consolidant les projets européens, en oeuvrant au renforcement de la solidarité, et en adoptant une approche dynamique pour la croissance européenne à court et long terme.

Dans le contexte des défis majeurs du Brexit, de la pression migratoire et sécuritaire, Malte porte six priorités : la question migratoire, le marché unique, la sécurité, l'inclusion sociale, le voisinage européen et la politique maritime.

Nous avons discuté de la question migratoire, placée en tête de l'agenda politique, lors du sommet informel des chefs d'État et de gouvernement le 3 février à La Valette. Nous oeuvrons pour une distribution plus équitable de la charge migratoire, qui passerait par l'amélioration du système européen commun d'asile, la création d'une agence européenne de l'asile et la révision du règlement de Dublin. Dans une période de crise sécuritaire, nous devons renforcer la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne. La déclaration de Malte du 3 février souligne la nécessité de renforcer les capacités des autorités locales libyennes pour lutter contre les activités de transit et le trafic. Nous prônons une approche holistique de la question migratoire, qui passe par un investissement durable dans le voisinage afin de traiter les origines de la migration.

Deuxième priorité, l'approfondissement du marché unique. L'objectif est d'oeuvrer à la suppression de toute forme de discrimination, notamment via la suppression des frais de roaming (frais d'itinérance), la lutte contre le blocage géographique des consommateurs et le développement du wifi gratuit partout dans l'Union. La présidence maltaise a convenu d'un accord sur les nouveaux plafonds de frais d'itinérance, de 90 % inférieurs aux plafonds actuels, approuvé par les ambassadeurs des États membres le 8 février dernier. Il est en cours d'approbation formelle par le Parlement européen et le Conseil. Cette diminution garantit la suppression, à partir du 15 juin, des frais de roaming pour le consommateur. Pour supprimer toute discrimination, un autre accord provisoire a été signé le 7 février avec des représentants du Parlement européen, pour supprimer les obstacles à la portabilité transfrontière de services, de contenus et de lignes dans le marché intérieur. Nous souhaitons développer la croissance et l'emploi en renforçant les moyens de financement des petites et moyennes entreprises, et en prolongeant en temps et en ressources financières le fonds européen d'investissement et le mandat de prêt externe de la Banque européenne d'investissement. Nous voulons développer la durabilité de la croissance européenne en réduisant et en améliorant la consommation d'énergie dans les bâtiments industriels et résidentiels, et renforcer la sécurisation des approvisionnements d'énergie.

La sécurité revêt une importance particulière en raison des récents événements tragiques. Cette question doit être résolue par une réponse européenne commune, favorisant la coopération pour lutter contre le terrorisme. Cela passe par une diplomatie efficace en collaboration avec le Service européen d'action extérieure (SEAE), et par la lutte contre le financement du terrorisme, grâce à l'accord sur la quatrième directive contre le blanchiment des capitaux. L'échange d'informations doit être développé par l'interopérabilité des différentes bases et la révision du code Schengen. Nous soutenons les discussions actuellement en cours à la suite des propositions de la Commission en novembre dernier sur le système européen d'autorisation et d'information concernant les voyages (ETIAS), afin de réaliser des contrôles anticipés et, le cas échéant, de refuser l'entrée aux voyageurs normalement exemptés de l'obligation de visa. Nous voulons aussi garantir une coopération judiciaire plus coordonnée et améliorer la gouvernance d'Eurojust.

Comme la vulnérabilité est importante, l'inclusion sociale est la quatrième priorité maltaise, pour favoriser le dialogue avec les partenaires de la société civile, pour une politique sociale plus juste et inclusive. Notre pays a le deuxième écart de salaires le moins important entre les hommes et les femmes. Nous voulons améliorer la participation des femmes au marché de l'emploi et l'équilibre entre les hommes et les femmes, lutter contre la violence sexiste via le partage de bonnes pratiques, et réaliser un travail sur les questions lesbiennes, gay, bisexuelles, transsexuelles et queer (LGBTQ), dans la continuité de la feuille de route de la Commission.

Cinquième priorité, nous voulons concentrer nos efforts sur la stabilisation du voisinage européen au Sud et à l'Est. Nous porterons une attention toute particulière au voisinage méridional. Plusieurs défis majeurs se dressent devant nous : la stabilisation de la Libye et sa transition pacifique ont été débattues le 3 février dernier et soulignées dans la déclaration de Malte. Nous soutiendrons la nécessaire reprise du processus de paix israélo-palestinien, dans la continuité des engagements de la communauté internationale, réitérés lors de la conférence de Paris le 15 janvier dernier, à laquelle a participé notre ministre des affaires étrangères. La position de Malte est identique à celle la France : la seule solution possible est une solution à deux États - malgré les déclarations hier de Donald Trump.

Nous soutenons le maintien d'un dialogue politique et commercial avec la Tunisie, et le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Ligue des États arabes, ainsi qu'avec le Conseil de coopération du Golfe. Nous soutenons l'approfondissement des efforts internationaux pour résoudre le conflit syrien. Sur le voisinage oriental, nous soutenons le dialogue sur la situation en Ukraine et l'accord avec la Russie.

Nation insulaire, notre dernière priorité est d'établir une politique maritime plus cohérente, compréhensive, efficace et durable. Nous voulons étendre la stratégie européenne « croissance bleue » au développement d'activités de recherche innovante pour la croissance et la compétitivité, pour une gouvernance internationale des océans plus cohérente, compréhensive et efficace. Nous mettrons en oeuvre l'initiative pour le bassin de la Méditerranée occidentale pour obtenir des conditions de concurrence équitable dans la région et garantir une approche durable.

La liste de nos objectifs est longue ; ils paraissent considérables, car notre détermination à les réaliser est largement à la hauteur. Nous ne manquerons pas de saisir notre chance pour prendre les rênes de l'Europe et impulser une dynamique à sa tête.

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