Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juin 2014 à 15h05
Économie finances et fiscalité — Proposition de directive relative au secret des affaires : proposition de résolution européenne de mme sophie joissains

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président :

Il me paraît possible de partager les propos de notre collègue André Gattolin qui ne sont cependant pas nécessairement incompatibles avec la proposition de résolution qui nous est soumise par Sophie Joissains.

Je soumets cette proposition de résolution au vote de la commission.

À l'issue de ce débat, la commission a adopté, par sept voix pour, une voix contre et trois abstentions, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites (COM(2013) 813 final),

Estime que, compte tenu des enjeux économiques liés aux secrets d'affaires, qui, contrairement aux droits de propriété intellectuelle, n'ouvrent pas de droits exclusifs à leur détenteur, il est indispensable d'assurer leur protection afin de préserver la confidentialité qui s'y attache et d'éviter une concurrence déloyale qui résulterait de leur obtention, utilisation et divulgation illicites ;

Partage en conséquence l'objectif poursuivi par la proposition de directive d'une harmonisation de la définition des secrets d'affaires dans l'Union européenne, en raison de la grande diversité des situations juridiques observée dans les États membres ;

Considère néanmoins que cette harmonisation doit être minimale et, qu'en conséquence, les États membres doivent avoir la possibilité d'appliquer les dispositions nationales en vigueur, éventuellement plus protectrices des secrets d'affaires que la proposition de directive, comme cela existe dans le cadre de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ;

Juge que la proposition de directive ne doit pas aboutir à l'institution d'un dispositif autonome de responsabilité au motif de protection des secrets d'affaires, mais doit au contraire laisser aux États membres la possibilité d'appliquer leur régime de responsabilité de droit commun ;

Approuve la reprise dans la proposition de directive des termes de l'article 39 de l'accord ADPIC, qui engage l'Union européenne, pour définir les secrets d'affaires ;

Soutient les dispositions auxquelles les négociations au Conseil ont abouti qui précisent, d'une part, les clauses d'exclusion et d'exonération de manière à les rapprocher du droit commun de la responsabilité civile et, d'autre part, la définition des comportements illicites ;

Fait valoir la nécessité de préserver l'équilibre auquel les négociations au Conseil sont parvenues sur la rédaction de l'article 8 de la proposition de directive relatif à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires ayant pour objet l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicites de secrets d'affaires, qui permet d'assurer une telle protection tout en respectant les principes fondamentaux de la procédure civile ;

Estime que, pour assurer le respect du principe de la publicité des débats, la proposition de directive ne saurait instaurer une obligation de confidentialité à laquelle l'ensemble des acteurs d'une procédure concernant la protection de secrets d'affaires, c'est-à-dire les parties et leurs représentants, les témoins, les experts et les personnels judiciaires, seraient astreints, d'autant plus que cette obligation de confidentialité n'existe dans aucune autre procédure devant une juridiction civile ;

Considère que les mesures contenues dans la proposition de directive pour préserver la confidentialité des secrets d'affaires telles que la restriction de l'accès aux pièces et à l'audience et de la publicité du jugement doivent être respectueuses des principes du contradictoire, des droits de la défense et du droit au recours ;

Appelle à ne pas sous-estimer les cas d'espionnage industriel et leurs conséquences et juge dès lors que les États membres doivent conserver la faculté d'instituer un délit pénal spécifique de manière à compléter au niveau national la procédure civile harmonisée par la proposition de directive ;

Insiste sur les conditions d'application de la proposition de directive lorsqu'elle aura été transposée en droit français et souligne la nécessité d'une plus grande spécialisation des magistrats en matière de contentieux de la propriété intellectuelle compte tenu de la technicité de la matière, ainsi que d'une stabilité dans leurs fonctions plus importante qu'aujourd'hui ;

La réunion est levée à 16 h 10.

* 1 Selon les chiffres de la Commission, 56 % des entreprises interrogées ont indiqué que les détournements ou tentatives de détournement de secrets d'affaires ont eu pour conséquence une perte de chiffre d'affaires, pour 44 % d'entre elles, des frais d'enquête internes, et pour 35 % des dépenses de protection.

* 2 Selon ces mêmes chiffres, sur 140 entreprises qui ont fait état de détournements ou de tentatives de détournement, seules 57, soit 40,7 %, ont eu recours à des tribunaux. Parmi les raisons ayant motivé le non engagement de poursuites, figurent les difficultés à recueillir des preuves (pour 43 %), l'impact sur la réputation (30 %) et les frais de justice (30 %).

* 3 Peine d'emprisonnement de deux ans et amende de 30 000 euros.

* 4 Notre compatriote Marielle Gallo avait été désignée rapporteure de cette proposition de directive en janvier dernier au nom de la commission des affaires juridiques, mais, sachant qu'elle ne siégerait plus dans le Parlement européen issu des élections du 25 mai 2014, elle n'a pas entamé son examen du texte.

* 5 Il existe néanmoins une obligation de confidentialité devant l'Autorité de la concurrence pénalement sanctionnée à l'article L. 463-6 du code de commerce (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende).

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