Parmi ces nombreuses questions, certaines dépassent mes compétences institutionnelles. Depuis 2016, il est effectivement possible de faire bénéficier les opérations de réhabilitation de la décote. Cela concerne essentiellement d'anciennes casernes de gendarmerie ou des bâtiments frontaliers des douanes. Une dizaine de ventes ont été effectuées, par exemple à Thonon-les-Bains.
Comment calcule-t-on la décote ? Plus la zone est tendue, plus la décote est importante. Plus le programme est social, plus elle est élevée. Et chaque opération est analysée individuellement. De plus, nous défalquons du prix les coûts préalables à la construction : désamiantage, dépollution pyrotechnique des sols sur les anciens terrains militaires... Enfin, lorsque 500 logements sont construits sur une commune, comme à Roquebrune-Cap-Martin, il lui faut ouvrir de nouveaux services publics. Leur coût est compensé dans la même proportion que celle que tiendront les logements sociaux dans l'ensemble. Ainsi, on arrive parfois à 100 %, sur des projets à forte composante sociale - souvent intégralement en PLAI - sur des terrains très pollués. À Lille, le bâtiment était à la fois classé et pollué, et le projet était à 100 % pour des PLAI - il s'agit d'accueillir des femmes sortant d'hospitalisation et ne pouvant regagner leur foyer où elles étaient victimes de violences. À Lyon, il s'agissait d'un foyer pour travailleurs migrants. Bref, la décote s'adapte au contexte local et au programme présenté. Et celui-ci n'est pas établi par l'État, qui peut seulement indiquer si la commune est en retard au regard de son taux de logements sociaux mais par la collectivité territoriale qui va déterminer ses besoins. Elle peut par exemple vouloir y construire un établissement à hébergement pour personnes âgées (EHPAD).
La Cnauf n'est saisie qu'en cas de blocage. Auparavant, les négociations pouvaient stagner pendant des années : sur certains terrains, le blocage durait depuis dix-sept ans. Constituée de parlementaires et de professionnels, elle arrête le bon programme et le bon prix, et soumet l'ensemble au Premier ministre, qui a toujours suivi ses avis.
Il y a eu 69 ventes devant notaire en 2016, et 36 protocoles signés entre l'État et des collectivités territoriales. Tous ces protocoles sont autant d'engagements fermes à acheter, sur la base d'un programme et d'un prix ayant suscité un accord. Mais il arrive qu'une collectivité n'ait pas voulu passer devant le notaire en 2016 si elle n'avait pas les crédits nécessaires, si les délais de recours n'étaient pas encore purgés ou si la concertation avec le voisinage n'était pas achevée. Pour autant, ces 36 opérations ne seront pas comptabilisées à nouveau en 2017. Quant à l'effort financier de l'État, il s'élève à 30 millions d'euros pour les 69 ventes réalisées, et 20 millions d'euros pour les protocoles signés. Le total pour 2016 est donc bien de 50 millions d'euros.
Les établissements publics ont moins vendu en 2016 qu'en 2015, en effet, mais les 22 cessions effectuées ont permis la construction de 3 500 logements, dont 1 200 logements sociaux, ce qui est plus qu'en 2015. J'irai à Lille dans quinze jours pour la vente, par la SNCF, d'un terrain de 13 hectares en plein centre-ville, sur lequel la commune va réaliser un ensemble comportant 3 200 logements. Les négociations étaient engagées depuis 2004 ! Soyons clairs : il est beaucoup plus difficile de mobiliser les établissements publics que l'État.
Cette aide de l'État est-elle légitime ? Sans la décote, certaines opérations ne se feraient pas. J'aimerais que Bercy calcule les recettes générées par ces projets. Rien qu'en TVA, les constructions de logements HLM sur ces seules opérations auront rapporté en 2016, avec un taux de 5 %, plus de 50 millions d'euros. Et les constructions du parc privé auront rapporté 180 millions d'euros. Les recettes dépassent donc largement le coût de la décote, sans compter les taxes que percevront les collectivités territoriales. De plus, les 12 000 logements programmés créeront 24 000 emplois dans la filière du bâtiment - autant de sollicitation en moins sur l'assurance-chômage !
L'État ne vend ses terrains qu'à des opérateurs publics. Ceux-ci peuvent ensuite les céder à qui ils veulent, pourvu que le programme soit respecté. La gestion des logements est faite, pour les HLM, par les organismes ad hoc, dont la SNI ; pour la partie privée, ce sont les promoteurs retenus qui assurent la gestion.
Nous sommes en lien direct avec la direction de l'immobilier de l'État (DIE), à laquelle nous demandons d'identifier les terrains inutiles à l'État. Cela ne va pas de soi, et tous les ministères ne sont pas enthousiastes ! Le pouvoir politique impulse, et le pouvoir administratif répulse... Sur le terrain, nous demandons aux préfets et aux élus de nous alerter s'ils connaissent des biens vacants.
Je n'ai pas parlé de la Foncière solidaire, qui ne relève pas de la Cnauf. Elle a pour fonction de dynamiser la gestion du foncier de l'État, de manière plus professionnelle que France Domaine. Créée par la loi relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain adoptée il y a quelques jours, c'est une société anonyme au capital de 750 millions d'euros, détenue pour moitié par la CDC et pour moitié par l'État. Son objectif est de construire en cinq ans 50 000 logements supplémentaires. Elle doit réaliser 51 % de son volume global en logements sociaux, ce qui l'assimile, aux yeux de Bruxelles, à un service d'intérêt économique général. Dotée d'une mission d'intérêt général, elle bénéficie de dérogations en matière d'urbanisme et de fiscalité, les mêmes que pour les organismes HLM, et pour certains aspects, que pour les EPF. Le droit de préemption pourra être délégué par un maire ou l'État. En matière fiscale, la principale dérogation sera une exonération des droits de mutation pour l'achat des terrains, mais pas pour la revente, comme c'est déjà le cas pour les établissements publics fonciers.
La Foncière solidaire bénéficiera d'un droit de priorité pour acheter du foncier d'État, avec une décote fixée à 60 %. Elle vendra des droits à construire à des opérateurs privés et à des opérateurs de logements sociaux. Un bilan sera fait terrain par terrain. À l'issue de ce bilan, l'État percevra une plus-value lorsque la décote aura été trop importante.
La Foncière solidaire pourra fonctionner sur l'ensemble du territoire national, y compris en outre-mer. Mais elle n'interviendra que lorsque les collectivités territoriales le souhaiteront, pas lorsque ces dernières considéreront que le travail est déjà fait par un EPF d'État ou local. D'ailleurs, les établissements publics fonciers ont été créés pour porter du foncier privé, et non pour capter le foncier de l'État.
Il n'y aura ni absorption ni filialisation des EPF. La Foncière solidaire ne percevra ni taxe spéciale d'équipement ni de subvention de l'État ; elle devra fonctionner avec son capital social. Certains EPF s'interrogent sur une entrée dans son capital, de peur que l'État, dans le cadre d'une régulation budgétaire, ne leur demande de restituer les recettes non utilisées de la taxe spéciale d'équipement.
La Foncière solidaire apportera des services peu ou pas fournis par les EPF. Elle ne vendra pas de foncier aux organismes HLM ; elle le mettra à disposition, sous forme d'un bail emphytéotique.
L'État n'intervient pas sur les friches industrielles, qui sont des propriétés privées. Il ne peut pas y avoir de vente avec une décote.
Les emprises militaires constituent la majorité des logements créés, car il s'agit d'anciennes casernes. Le ministère de la défense n'est pas toujours bénévolent. La vente d'un foncier suppose la signature du ministère concerné. Or il arrive parfois que le ministre hésite à signer ou que la signature prenne des années... En outre, des terrains militaires ont été retirés de la liste en raison du plan Sentinelle ou de l'accueil des migrants ; il est logique que la liste des emprises s'adapte en fonction des priorités des différents ministères.
La superposition des différents systèmes de vente en outre-mer nuit parfois à la compréhension pour les services de l'État ou les élus, rapporteur. La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a introduit la possibilité d'utiliser le dispositif institué au mois de janvier 2013, y compris dans la zone des cinquante pas géométriques.
Je veux bien examiner le dossier de la reconstruction d'une caserne en Haute-Marne. Mais, à mon sens, la véritable question est moins celle du prix du terrain que celle de la volonté du ministère de tutelle de dégager l'argent.
Il peut y avoir des ventes sans décote. Quand il n'y a pas d'amiante ou de sujétion particulière, l'État vend ses biens au prix du marché sans les brader. En général, une décote à 1 %, c'est sur une maison unique, par exemple celle d'un garde champêtre. En moyenne, la décote est supérieure à 50 %.