Le second point à notre ordre du jour est la communication qu'André Gattolin et moi-même allons vous présenter sur la stratégie numérique.
Vous vous en souvenez certainement, en février dernier, nous vous avions soumis pour adoption un avis motivé au titre du contrôle de subsidiarité concernant deux textes relevant de la stratégie numérique de la Commission européenne : l'un sur la fourniture de contenus numériques, l'autre sur l'achat en ligne de biens matériels. Depuis, l'avis motivé est devenu une résolution du Sénat, et le président du Sénat a correspondu sur cette question avec la Commission européenne.
Ces deux textes ont pour objectif d'harmoniser le droit des contrats dans l'Union européenne afin de favoriser le commerce transfrontalier en ligne, qui se heurte à la fragmentation juridique telle qu'elle existe, soit vingt-huit législations nationales. Dans notre avis motivé, nous nous opposions à ce que l'harmonisation maximale prônée par la Commission n'aboutisse à une diminution du niveau de protection que la France offre à ses consommateurs, niveau qui, je le rappelle, figure parmi les plus élevés de l'Union.
Il faut l'avouer, nous n'avons guère été suivis. Si huit chambres parlementaires ont souhaité saisir la Commission européenne, elles l'ont fait par le biais du dialogue politique et non du contrôle de subsidiarité.
Dans la réponse qu'elle a adressée au président du Sénat le 15 juin dernier, la Commission estime que son approche n'est pas contraire au principe de subsidiarité dans la mesure où elle est seule capable d'atteindre l'objectif fixé de lever les obstacles au commerce électronique. C'est l'argument traditionnel censé justifier toute action de la Commission. Toutefois, il est une nuance qui a son importance : la Commission estime que, si l'harmonisation qu'elle envisage est complète, elle est aussi ciblée sur « les aspects du commerce électronique qui se sont avérés être les principaux obstacles pour les consommateurs et les entreprises ».
Il en résulte que l'harmonisation complète ne s'appliquerait pas à l'ensemble des aspects contractuels, mais seulement à certaines clauses. C'est important, car, en l'espèce, le Gouvernement est en phase avec notre position. C'est pourquoi, lors des réunions des groupes de travail du Conseil sur ces textes, il a demandé que, en ce qui concerne les aspects qui sont moins favorables aux consommateurs, les règles de droit interne soient maintenues. Sans entrer trop dans le détail, on peut évoquer notamment la garantie légale des vices cachés de la chose vendue, les clauses abusives ou encore le régime de conformité.
La France n'est pas seule. Le gouvernement allemand a, pour sa part, demandé que le niveau d'harmonisation soit déterminé à la fin des discussions sur l'élaboration des textes. Il a été soutenu par la Pologne et par la France. Ces trois pays représentent tout de même un nombre important de consommateurs européens, un peu plus de 187 millions pour être précis.
Vous voyez bien que cette question d'une harmonisation « par le bas » inquiète au-delà de nos frontières. J'ai donc tendance à penser que nous avions raison de soulever le problème. Au-delà de la question de la subsidiarité, il importe que les avancées du marché unique numérique pour le commerce ne se fassent pas au détriment des consommateurs.
D'après les informations que j'ai recueillies, c'est d'ailleurs un sujet qui a fait consensus au Conseil Justice et affaires intérieures du 9 juin dernier, où les achats en ligne ont été évoqués. De nombreuses délégations étaient d'accord pour soutenir l'approche d'une harmonisation complète et ciblée, adossée à une protection des consommateurs de haut niveau.
Pour conclure, je rappellerai que ces textes demeurent très importants pour le fonctionnement du marché unique européen dans l'ère numérique. Ils font l'objet d'un travail fouillé et très technique. L'approche retenue a consisté à travailler en premier lieu sur le texte visant la fourniture de contenus numériques, car la question des ventes de biens en ligne a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de la fameuse procédure REFIT sur le droit de la consommation. Les premiers résultats commencent à sortir et le travail technique sur le second texte va donc pouvoir démarrer.
Pour souligner l'ampleur de la tâche, je précise que ces textes vont devoir être en cohérence avec le règlement sur la protection des données personnelles qui vient d'entrer en vigueur et avec le droit qui régit les contrats de vente hors ligne.
À ce stade, je ne vois pas de raison de prendre une position affirmée, mais vous pouvez compter sur ma vigilance concernant la négociation de ces textes dans les semaines et les mois qui viennent. La protection des consommateurs est notre objectif. Les choses ont avancé, et nous avons bien fait de nous pencher sur le sujet.