Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 octobre 2010 : 1ère réunion
Modification du statut de saint-barthélemy e 5608 communication de M. Jean Bizet et Audition de M. Michel Magras sénateur de saint-barthélemy

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Conformément à la nouvelle procédure issue du traité de Lisbonne et en réponse à la demande présentée par la République française sur le fondement de l'article 355 paragraphe 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il est proposé au Conseil européen d'adopter, à l'unanimité et après consultation de la Commission, une décision tendant à transformer, à compter du 1er janvier 2012, le statut communautaire de Saint-Barthélemy, actuellement région ultrapériphérique de l'Union européenne au sens de l'article 349 de ce traité, en pays et territoire d'outre-mer (PTOM) associé, régi par la IVe partie du même traité.

Cette transformation de Saint-Barth en PTOM s'inscrit dans le cadre d'une évolution de l'île vers une autonomie et une différenciation juridique croissantes. Les raisons objectives - géographiques, historiques, culturelles, économiques - de cette évolution ne manquent pas. D'ailleurs l'assimilation théorique de Saint-Barthélemy au droit commun (celui de la Guadeloupe, département auquel a appartenu Saint-Barthélemy en qualité de commune de 1946 à 2007) s'est accompagnée de larges dérogations de facto qui furent progressivement reconnues en droit interne et communautaire.

En raison de son statut d'avant 2007 en droit interne, Saint-Barthélemy a été placée au sein de la catégorie des Régions Ultra-Périphériques (RUP) par le traité de Lisbonne qui la reconnaît comme telle à son article 349. Or, depuis 2007, Saint-Barthélemy, qui fait partie intégrante de la République française, constitue au plan administratif une collectivité d'outre-mer (COM) régie par l'article 74 de la Constitution. Aux termes de la Constitution, les compétences suivantes de l'État ne peuvent être transférées aux COM : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, les règles relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers sur le sol national, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral. La collectivité de Saint-Barthélemy dispose, pour sa part, de compétences restreintes d'attribution (impôts, droits et taxes ; urbanisme et logement ; transports routiers et maritimes à l'exception du régime du travail ; voirie ; environnement ; accès au travail des étrangers ; énergie ; tourisme ; organisation interne de la collectivité), qu'elle exerce dans le respect de la Constitution, des engagements internationaux de la France, des lois et règlements français ainsi que des principes généraux du droit.

Les spécificités de Saint-Barthélemy - son statut institutionnel au sein de la République française, son éloignement physique de la métropole et sa situation en zone économique américaine, son économie insulaire et de petite taille uniquement orientée vers le tourisme et confrontée à des difficultés d'approvisionnement qui rendent délicate et coûteuse l'application des normes communautaires de droit commun - font du statut de PTOM un cadre plus adapté à la relation de ce territoire avec l'Union européenne : si sa transformation en PTOM n'aura aucune incidence sur la répartition statutaire des compétences entre l'État et la COM de Saint-Barthélemy, cette dernière y trouvera la souplesse nécessaire en matière de coopération juridique avec l'Union européenne. Saint-Barthélemy devenu PTOM continuera d'être régi par les dispositions des traités européens, mais dans la limite du régime d'association spécifique qui sera conclu entre Saint-Barthélemy et l'Union européenne.

Un enjeu essentiel de la transformation en PTOM de Saint-Barthélemy concerne son régime douanier. Bien avant de devenir une COM, Saint-Barthélemy, alors en qualité de commune, bénéficiait d'un statut de port franc et d'une fiscalité dérogatoire. A ce titre, un droit de quai ad valorem avait été légalement institué en 1974 en substitution de l'ensemble des taxes douanières sur toutes les marchandises importées (par voie aérienne ou maritime) sur le territoire de Saint-Barthélemy. Cette taxe est perçue et contrôlée par les agents de la collectivité, avec une collaboration ponctuelle et ciblée des agents de la douane. Mais, avec l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes communautaires - issu du règlement (CE) n° 450/2008 du 23 avril 2008 -, ce droit de quai pourrait être assimilé à un droit de douane. Le droit de quai constituant la recette principale de la collectivité, sa remise en cause équivaudrait à supprimer l'élément principal de l'autonomie budgétaire de la collectivité, fondement de son statut de COM. Or, en accédant au statut de PTOM, la COM de Saint-Barthélemy deviendrait ipso facto compétente en matière de fiscalité douanière, l'article 200 du traité de Lisbonne autorisant les PTOM. à percevoir des droits de caractère fiscal « qui ont pour but d'alimenter leur budget ».

Il est à noter que l'évolution de Saint-Barthélemy vers le statut de PTOM. ne porterait pas atteinte aux intérêts généraux de l'Union :

- un tel changement s'opérerait dans un cadre constitutionnel national qui assurerait donc le maintien dans l'île d'une grande partie du droit de l'Union européenne et les habitants de Saint-Barthélemy demeureront des citoyens de l'Union ;

- dans le domaine de la libre circulation des personnes et du droit d'établissement, le régime d'association impose à un P.T.O.M, désireux de restreindre la liberté locale d'établissement des ressortissants européens, d'appliquer le même régime aux nationaux de son État de rattachement qu'aux autres ressortissants de l'Union européenne. La collectivité de Saint-Barthélemy, ne disposant pas de la compétence constitutionnelle pour limiter de quelque manière que ce soit la liberté de circulation des personnes et d'établissement sur son sol des Français non originaires de l'île, ne pourra donc prendre aucune mesure restrictive en ce domaine envers les ressortissants de l'Union européenne ;

- la France souhaitant que l'euro continue d'être utilisé à Saint-Barthélemy, la continuité monétaire sera assurée. Comme elle l'a confirmé à la Commission européenne, particulièrement vigilante sur ce sujet, la France souscrira aux engagements nécessaires à l'application à Saint-Barthélemy des règles relatives à la lutte contre la contrefaçon monétaire, à la lutte contre la circulation illicite des capitaux et le blanchiment, et à la coopération administrative et à la transparence fiscale.

La transformation en PTOM de Saint-Barthélemy répond donc aux besoins spécifiques de cette collectivité, sans menacer les intérêts généraux de l'Union européenne.

Ce texte sera inscrit pour adoption lors du Conseil affaires générales du 25 octobre prochain. J'ai demandé à notre collègue Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, de nous expliquer de manière concrète les avantages, aux yeux des résidents de Saint-Barthélemy, de cette modification de statut.

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