Intervention de Éric Bocquet

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er mars 2012 : 1ère réunion
Economie finances et fiscalité — Agences de notation e 6833 et e 6834 - communication de m. eric bocquet

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

J'ai été désigné à l'automne dernier par notre commission pour étudier les propositions de la Commission européenne concernant la notation de crédit. Nous avons été saisis au titre de l'article 88-4 de la Constitution de deux textes, l'un concernant le recours excessif aux notations par les gestionnaires d'OPCVM et de Fonds d'investissements alternatifs, il s'agit du texte E 6833, et l'autre proposant de modifier le règlement de 2009 encadrant les activités des agences de notations, il s'agit du texte E 6834, plus communément appelé CRA 3.

Le Sénat a créé entretemps une mission d'information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notations, dont notre collègue, Aymeri de Montesquiou, a été nommé rapporteur et dont je serai membre. Je me propose de remettre à la mission nos conclusions sur ces deux textes.

Comme vous le savez, le rôle des agences de notation est l'objet depuis quelques mois de tous les fantasmes. Nous avons tous été sollicités par nos concitoyens inquiets des conséquences d'une perte du triple A pour notre économie et donc notre quotidien. Concitoyens qui ne connaissaient pas, pour une large partie d'entre eux, l'existence de ces agences il y a encore quelques mois. Alors même que leur activité remonte, pour certaines d'entre elles, au dix-neuvième siècle. Nous avons ainsi assisté à une véritable fétichisation du triple A, sans mesurer que des États ou des entreprises vivent bien avec des notes plus basses.

Tout a été dit ou presque sur le fonctionnement de ces agences : leur fonctionnement obscur, leur origine américaine, les marges qu'elles peuvent réaliser ou encore le caractère oligopolistique du marché de la notation, dominé, comme vous le savez, par les trois grandes agences que sont les américaines Standard & Poor's et Moody's et la franco-américaine Fitch. Les erreurs de diagnostic à l'occasion de la crise asiatique et de celle des subprimes ou l'effet supposé procyclique de leurs jugements ont été régulièrement soulignés.

A l'issue des neufs auditions menées ces deux dernières semaines, ma vision sera sans doute plus nuancée. Je reconnais bien volontiers la pertinence de certaines critiques. La crise des subprimes et celle de la zone euro ont accordé aux agences une importance démesurée au regard de leur poids réel. Je suis néanmoins plus sceptique sur la réponse qu'entend y apporter l'Union européenne.

Revenons dans un premier temps sur l'état actuel de la réglementation communautaire mais aussi extracommunautaire.

La crise des subprimes a permis de relever nombre de dysfonctionnements au sein de ces agences. Je pense notamment aux conflits d'intérêts. Le modèle économique de ces agences, celui de l'émetteur-payeur, a pu induire une forme de complaisance des analystes à l'égard de ces produits financiers complexes. La responsabilité de la crise n'incombe pas totalement, loin de là, aux seules agences. L'occasion a néanmoins été donnée de réguler le marché de la notation.

La supervision de ce marché était en effet minimale. A la suite de la faillite de la société Enron, l'Organisation internationale des commissions des valeurs (OICV), chargée de la régulation des marchés financiers au niveau mondial avait néanmoins établi en 2003 et 2004 un certain nombre de principes censés garantir l'objectivité et la qualité du processus de notation. Ces textes visaient principalement la prévention des conflits d'intérêts. Ils insistent sur la mise en place de procédure interne en la matière et sur la séparation entre activités commerciales et analyse (le chinese wall). Le régulateur américain, la Securities exchange commission (SEC), qui voit son rôle de régulation et de supervision renforcé par la loi Dodd-Frank de juillet 2010, a donné à ce code de bonne conduite une valeur contraignante. Les trois grandes agences ont ainsi entrepris une réforme de leur fonctionnement découlant de ces principes.

Aux États-Unis, les agences sont obligatoirement enregistrées auprès de la SEC qui leur octroie depuis 1975 le statut NRSRO (Nationally recognized statistical rating organizations). Cette procédure d'enregistrement a été renforcée en 2006, limitant à 10 le nombre d'agences dont les notes peuvent être utilisées par les banquiers et les investisseurs.

Au niveau de l'Union européenne, le règlement n°1069/2009 du 16 septembre 2009 intègre cette procédure d'enregistrement au sein du droit communautaire. Toute agence souhaitant travailler au sein de l'Union européenne doit au préalable se faire enregistrer. Cette procédure d'enregistrement s'est terminée le 31 octobre dernier. Le texte vise également, à contenir les risques de conflits d'intérêts, en exigeant notamment une plus grande indépendance des parties prenantes au processus de notation. Il préconise à cet égard la rotation des analystes. Les agences doivent, dans le même temps, mettre en place un système de contrôle interne. Elles sont tenues, en outre, d'informer l'émetteur de l'évolution de sa note douze heures avant la publication de celle-ci. Les méthodes utilisées, les modèles et les hypothèses doivent également être publiés.

Le règlement n°513/2011 du 11 mai 2011 a ensuite confié à l'Autorité européenne des marchés financiers l'octroi de l'agrément mais aussi des pouvoirs de supervision et d'enquête.

Le déclenchement de la crise grecque et la dégradation concomitante de la note d'Athènes a conduit la Commission à engager une nouvelle consultation en vue d'amender le règlement de 2009 et renforcer ainsi la législation existante.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion