Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er mars 2012 : 1ère réunion
Institutions européennes — Fonds européen pour la démocratie - communication et proposition de résolution européenne de mme bernadette bourzai

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Cette proposition de résolution européenne fait suite à notre récente rencontre avec M. Jean-Claude Mignon, le nouveau président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. J'ai pris la mesure de la qualité du travail de cette assemblée en participant, pour la première fois, aux travaux de sa partie de session de janvier.

Le Parlement européen a présenté en juillet dernier une proposition de recommandation au Conseil sur la création d'un Fonds européen pour la démocratie, en réponse à une initiative du ministre polonais des affaires étrangères, appuyée par le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Institué par une convention internationale signée par l'Union européenne, ses États membres et d'autres États européens, ce fonds accorderait des financements à des partis politiques, des organisations non gouvernementales et d'autres institutions soutenant les processus démocratiques, la protection des droits de l'Homme et des minorités défavorisées, le journalisme indépendant et le développement des organisations de la société civile au sein d'États extérieurs à l'Union européenne. Je rappelle que le Conseil de l'Europe réunit 48 pays. Le financement serait assuré par les contributions des parties. Un comité des représentants des parties et un conseil composé d'anciens responsables européens et de personnalités qualifiées seraient en charge de la gouvernance. Sa dotation globale pourrait s'élever à 100 millions d'euros par an.

De nombreux programmes communautaires existent déjà, comme l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme (IEDDH), l'Instrument de coopération au développement pour les acteurs non-étatiques et les autorités locales, de l'instrument de stabilité, de la Facilité pour la société civile, de la fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures ou du Fonds pour la démocratie des Nations unies. Nous ne manquons pas d'institutions dans le domaine !

Dans son projet de recommandation, le Parlement européen reconnaît que l'IEDDH n'a pas totalement réussi dans sa mission de soutien aux changements démocratiques au sein des pays tiers et appelle de ses voeux un instrument plus souple et moins bureaucratique.

Il est paradoxal de remédier aux insuffisances d'un premier instrument en le doublant d'un second doté de moyens équivalents pour les mêmes objectifs. Pourquoi ne pas commencer par améliorer le premier ?

Ce Fonds européen pour la démocratie répond aux mêmes objectifs que le Conseil de l'Europe. L'Union européenne s'était engagée en 2007 à renforcer sa coopération avec cette organisation, en signant un mémorandum d'accord. Par sa compétence territoriale et sa longue histoire, le Conseil de l'Europe dispose de la légitimité et de l'expertise en matière de soutien à la démocratie, aux défenseurs des droits de l'Homme et de l'État de droit. Il n'hésite pas à prendre des positions fortes : en témoigne la résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les institutions démocratiques en Ukraine, le 26 janvier dernier, au terme d'un débat dans lequel je suis intervenue. L'attrait des pays tiers pour cette organisation demeure extrêmement fort. Les demandes d'octroi du statut de partenaire pour la démocratie formulées par le Maroc, les Territoires palestiniens, la Tunisie, la Jordanie ou le Kirghizstan auprès de l'Assemblée parlementaire en témoignent.

La création du Fonds européen pour la démocratie renforcerait le sentiment de concurrence entre les deux organisations.

La création, par l'Union européenne, d'une Agence européenne des droits fondamentaux était déjà maladroite. Son budget annuel est supérieur à celui de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : 20 millions d'euros contre 15 millions d'euros ! L'ouverture en juin 2010 par l'Union européenne d'un Institut européen pour l'égalité des sexes à Vilnius avait étonné, tant le Conseil de l'Europe a développé depuis de nombreuses années des programmes pertinents et reconnus en la matière. La création d'une assemblée parlementaire multilatérale EuroNest, dans le cadre du partenariat oriental de l'Union européenne, doublonne avec l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le projet du Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de créer un poste de Représentant spécial de l'Union européenne sur les droits de l'Homme concurrencerait le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.

Ce projet a un coût. Alors que l'Union européenne se dote d'un cadre destiné à renforcer la discipline budgétaire des États membres, l'ouverture de cette nouvelle ligne de crédits est paradoxale.

Notre ancien collègue Denis Badré avait dénoncé, au nom des commissions des affaires européennes et des finances du Sénat en octobre 2009, « l'agenciarisation » de l'Union européenne. Ce fonds illustre à nouveau ce phénomène. Nos deux commissions appelaient à un encadrement plus strict de ces structures.

Il est regrettable que la rigueur que l'Union européenne prône aux Etats membres ne s'applique pas à ce nouvel outil communautaire, dont le coût est bien supérieur aux économies demandées au Conseil de l'Europe. D'où la proposition que je vous soumets.

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