Intervention de Gérard César

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 avril 2013 : 1ère réunion
Agriculture et pêche — Rapport de m. gérard césar sur la proposition de résolution relative à la fiscalité sur le rhum produit en outre-mer

Photo de Gérard CésarGérard César :

À la suite des travaux de la délégation du Sénat à l'outre-mer, nos collègues Jacques Gillot, Serge Larcher et moi-même avons déposé le 28 mars dernier une proposition de résolution européenne tendant à renouveler le régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d'outre-mer (DOM).

Effectivement, les rhums traditionnels des DOM bénéficient d'un régime fiscal propre, qui facilite leur accès au marché national. Cette aide fiscale a été notifiée dans le cadre des aides d'État et a fait l'objet d'autorisation de la part du Conseil et de la Commission européenne. Or cette autorisation arrive à échéance le 31 décembre 2013.

Le caractère très intégré de la filière canne-sucre-rhum dans ces territoires fait que la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de cette filière, qui est importante puisque la surface cannière occupe 34 % de la surface agricole utile des DOM. En effet, en application du règlement du Conseil qui a défini en 2008 les boissons spiritueuses dans l'Union européenne, le rhum traditionnel doit être produit uniquement à partir de matières premières locales : ainsi, les producteurs de rhum des DOM doivent se fournir sur place en canne ou en mélasse. Ils ne peuvent donc pas profiter du coût plus bas de la canne ou de la mélasse sur d'autres marchés, parfois subventionnés : ainsi, une distillerie des DOM peut payer sa canne jusqu'à six fois plus cher que ne le font ses homologues brésiliennes. La production est d'autant plus coûteuse dans les DOM qu'elle doit respecter des normes sociales, environnementales et sanitaires. Enfin, l'accès au marché du rhum provenant des DOM est freiné par le prix plus élevé de ses bouteilles : elles sont frappées d'une fiscalité plus élevée, car celle-ci est proportionnelle au volume d'alcool pur, or le volume d'alcool pur dans une bouteille de rhum des DOM est parfois le double de celui que l'on trouve dans les plus petites bouteilles de rhum moins alcoolisé provenant des pays tiers. Cela s'explique notamment par le fait que le rhum est commercialisé dans les DOM par bouteilles d'un litre, alors qu'il l'est dans des bouteilles de 75 cl par de nombreux concurrents des pays tiers.

C'est pourquoi le rhum des DOM ne profite pas autant que les pays tiers et ACP de la croissance mondiale du marché du rhum. C'est pour maintenir l'accès du rhum des DOM au marché national qu'a été mis en place un régime fiscal dérogatoire : le rhum traditionnel produit dans les DOM bénéficie d'un droit d'accise inférieur aux autres alcools.

Cette aide repose sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques, notamment en matière de politique fiscale et d'aides d'État, tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires.

Ce régime fiscal dérogatoire est encadré par une décision du Conseil du 9 octobre 2007, complétée par une nouvelle décision du Conseil du 19 décembre 2011, et par une décision de la Commission européenne du 27 juin 2007, au titre des aides d'État.

Ces décisions prévoient notamment que le taux d'accise ne peut être inférieur de plus de moitié à celui pratiqué sur les autres alcools, qu'il s'applique uniquement au rhum traditionnel selon sa définition communautaire et qu'il s'applique dans la limite d'un contingent.

Le montant de l'aide initialement notifié à la commission, en 2007, s'élevait à 66,4 millions d'euros. En 2011, le différentiel de taxation entre le rhum des DOM et celui des pays tiers s'élevait à 42 % et le montant de l'aide à 78,6 millions d'euros.

Cette fiscalité applicable au rhum des DOM a été modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, complétée par la première loi de finances rectificative pour 2012.

Les montants des droits d'accise ont été relevés, ce qui a accru le différentiel au bénéfice du rhum des DOM. Parallèlement, la vignette de sécurité sociale, précédemment assise sur le volume, a été augmentée et assise sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise. Elle a également fait l'objet d'un plafonnement à 40 % du droit d'accise, ce plafonnement ne s'appliquant en fait qu'aux rhums traditionnels des DOM.

Ainsi, le différentiel total de fiscalité (droit d'accise et vignette de sécurité sociale) dont bénéficie le rhum des DOM a été porté à 111,4 millions d'euros en 2012.

De ce fait, le montant de l'aide sur le droit d'accise dépasse le cadre de l'autorisation européenne consentie au titre des aides d'État, rendant nécessaire une nouvelle notification. De plus, une nouvelle aide d'État a été créée par le plafonnement de la vignette de sécurité sociale, sans notification préalable : ces mesures ne respectent donc pas les règles de concurrence européennes.

La notification a finalement été envoyée le 7 août 2012 à la Commission européenne. Mais celle-ci remet en cause le montant de l'augmentation de l'aide depuis 2011, qu'elle juge excessif.

Le Gouvernement français a donc transmis une proposition alternative à la Commission européenne le 18 février 2013. Il entend déplafonner la vignette de sécurité sociale, ce qui la rendrait identique pour tous les alcools. Il propose de porter le différentiel du taux d'accise au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 %. Enfin, il envisage un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette, du fait du haut degré alcoolique de leur production.

Avec un tel dispositif, le montant de l'aide serait ramené à 103 millions d'euros, donc à mi-chemin entre les niveaux de 2011 et de 2012. La Délégation à l'outre-mer estime que ce dispositif équilibré permettrait de résoudre le différend avec la Commission pour la période courant depuis le 1er janvier 2012. Il pourrait donc préfigurer le régime fiscal applicable au rhum des DOM après le 1er janvier 2014. Ceci permettrait de consolider durablement la filière canne-sucre-rhum qui joue un rôle majeur pour la vitalité économique, l'emploi, le maillage des territoires et même la préservation de l'environnement dans les DOM.

Il est important que nous apportions notre soutien à cette approche. Je vous propose en conséquence d'adopter sans modification la proposition de résolution européenne qui a été soumise à votre commission.

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