En l'absence de Serge Larcher, président de la Délégation, et de Maurice Antiste, co-auteur, retenus à la Martinique, il me revient de vous présenter cette proposition de résolution. La pêche est un secteur essentiel pour le développement des DOM, dont les réalités ne sont pas prises en compte par l'Union européenne.
Grâce aux outre-mer, la France dispose de la deuxième surface maritime mondiale. La pêche ultramarine représente 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs au niveau national, et la Martinique est le premier département de France en matière de pêche artisanale. Localement, le secteur joue un rôle économique et social vital. En Guadeloupe, son poids en termes de chiffres d'affaires est proche de celui des filières de la canne à sucre ou de la banane. Largement artisanale, la pêche ultramarine entretient un véritable lien social du fait de son caractère essentiellement vivrier.
Le secteur est certes soumis à des contraintes importantes : outre l'éloignement de l'Europe continentale, le développement du secteur est freiné par le coût du carburant, les difficultés de financement des entreprises, l'insuffisance des infrastructures portuaires et des structures de transformation, la vétusté des embarcations ou encore, aux Antilles, la pollution des côtes par la chlordécone. Il dispose cependant d'atouts, au premier rang desquels des ressources halieutiques abondantes et souvent sous-exploitées. La pêche dispose d'un potentiel de développement important, tout comme l'aquaculture, à condition de se structurer.
Troisième constat : l'Union européenne ne tient pas compte des réalités de la pêche ultramarine. La dernière réforme de la PCP ne correspond en rien aux réalités ultramarines, alors que la Commission européenne a elle-même souligné que « les RUP possèdent des ressources halieutiques riches et relativement préservées ». Les règles de gestion de la ressource, qui sont au coeur de la PCP, sont euro-centrées, pensées par et pour l'Europe continentale. Pourquoi appliquer aux DOM l'interdiction des aides à la construction de navires, alors que leur flotte est artisanale et vétuste ?
Dans le même temps, l'Union européenne subventionne le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents. Ainsi, l'accord de partenariat de pêche conclu avec Madagascar prévoit une aide de 550 000 euros par an pour le développement de la pêche malgache ! Pourquoi refuser une telle aide aux DOM ? La pêche des DOM souffre de la pêche illégale pratiquée par des pêcheurs des pays voisins. En Guyane, les zones de pêche sont soumises à une pression constante des pêcheurs brésiliens et surinamais, avec de graves conséquences économiques, écologiques et de sécurité. Enfin, dans le cadre de ses politiques commerciale et de développement, l'Union européenne conclut des accords de libre-échange avec certains pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP) qui menacent là encore la pêche des DOM.
La délégation a donc estimé que la réforme de la PCP, dont les principaux volets ne trouvent pas aujourd'hui à s'appliquer dans les DOM, constituait une occasion à saisir pour prendre en compte les réalités ultramarines. La proposition de résolution appelle à faire figurer, dans les projets de textes présentés par la Commission européenne, des dispositions spécifiques aux RUP, en s'appuyant sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Il est indispensable de rétablir la possibilité d'octroyer des aides à la construction de navires dans les RUP. Les flottes ultramarines sont vétustes ; ralentir leur modernisation empêche la mise en service de bateaux plus écologiques et plus sécurisés. Les critères de l'aide au remplacement des moteurs sont inadaptés aux réalités ultramarines : dans les eaux tropicales, l'obsolescence est plus rapide. Il faut rétablir le financement public des dispositifs de concentration de poissons (DCP) ancrés collectifs. Ces dispositifs, qui recréent artificiellement la chaîne alimentaire au fond de l'eau, sont essentiels pour le développement des pêches antillaise et réunionnaise. Il faut enfin créer un comité consultatif régional spécifique aux RUP, afin de permettre aux DOM de faire entendre leur voix au sein de l'Union européenne.
La proposition de résolution appelle également à mieux coordonner la politique commerciale de l'Union européenne avec les autres politiques sectorielles, à commencer par la PCP et la politique de cohésion. Il faut notamment évaluer systématiquement et préalablement les effets sur les RUP des accords commerciaux négociés par l'Union européenne.
Ce texte a fait l'objet d'une approbation unanime au sein de la délégation. La pêche représente un enjeu et un potentiel important pour l'outre-mer : nous souhaitons que la réforme de la PCP en tienne compte.