Je rappelle tout d'abord que le mandat de la Commission sortante a pris fin le 31 octobre 2014. La nouvelle Commission a pris ses fonctions le 1er novembre 2014 pour un mandat de cinq ans.
Elle reste composée de 28 membres, y compris son président et le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. En mai 2013, le Conseil européen a en effet rétabli la composition initiale d'un membre par État membre. Cette décision a répondu aux engagements du Conseil européen de décembre 2008 prenant acte du rejet du traité de Lisbonne par le référendum irlandais.
La procédure de renouvellement de la Commission européenne comprend plusieurs étapes.
Tout d'abord, le président de la Commission est« élu » par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Celui-ci statue à la majorité qualifiée. Il doit proposer au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées » (art. 17 du TUE). Le candidat est élu par le Parlement à la majorité des membres qui le composent.
Le choix du Conseil a été fait le 27 juin 2014. Il s'est en définitive porté sur le candidat, M. Jean-Claude Juncker, qui avait été désigné par le parti politique qui est arrivé en tête des élections européennes de mai 2014.
L'élection du président de la Commission européenne par le Parlement européen constitue l'une des innovations importantes du traité de Lisbonne. Le 15 juillet 2014, le Parlement a élu Jean-Claude Juncker président de la prochaine Commission européenne avec 422 voix pour. Au total, 422 députés ont voté en faveur de M. Juncker, 250 contre, et 47 se sont abstenus.
Ensuite, le Conseil devait adopter, d'un commun accord avec le président de la Commission élu, la liste des autres personnalités qu'il proposait de nommer membres de la Commission jusqu'au 31 octobre 2019.
Le 30 août 2014, le Conseil européen, en accord avec le nouveau président de la Commission européenne, a élu Mme Federica Mogherini Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Sur la base des propositions des États membres, le Conseil de l'Union, toujours en accord avec le nouveau président, a adopté, le 5 septembre 2014, la liste des membres de la Commission.
Cette liste a ensuite été soumise au Parlement européen. Bien que, selon les traités, le Parlement européen donne (ou refuse) son approbation à la Commission « en tant que collège », en pratique, le Parlement européen auditionne individuellement les commissaires pressentis et peut obtenir des modifications de la liste.
Un cycle d'auditions s'est déroulé du 29 septembre au 7 octobre 2014. Il a été précédé de l'envoi de questionnaires aux commissaires pressentis. Au total, seule Mme Alenka Bratusek, la commissaire slovène, a été récusée. À la suite de son audition, le commissaire hongrois, M. Tibor Navracsics, a vu son portefeuille modifié avec le retrait du thème de la citoyenneté.
Après l'audition des commissaires par les commissions compétentes, le Parlement a approuvé la nouvelle Commission le 22 octobre. 423 députés ont voté pour l'approbation, 209 contre, et 67 se sont abstenus. Sur la base de cette approbation, la Commission a été investie formellement par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée lors de sa session des 23 et 24 octobre.
Les délais de mise en place de la nouvelle Commission sont assez longs : cinq mois depuis les élections européennes. Or, force est de constater que, durant ce délai, les parlements nationaux n'ont en aucune manière été associés à la procédure. En particulier, les deux assemblées n'ont pas été consultées avant que le candidat français ne soit proposé.
Cette situation ne me paraît pas satisfaisante pour au moins trois motifs.
L'importance pour le bon fonctionnement de l'Union du contrôle exercé par les parlements nationaux est reconnue par les traités européens.
Ils doivent en particulier veiller au respect du principe de subsidiarité susceptible d'être mis en cause par la législation européenne. Parallèlement, les parlements nationaux ont développé un dialogue politique direct avec la Commission européenne. Notre commission joue elle-même un rôle actif dans ce dialogue politique.
Sur ces bases, la coopération entre parlements nationaux s'est considérablement développée. Le protocole sur le rôle des parlements nationaux a en particulier officialisé le rôle de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la COSAC, créée en 1989, en matière d'échange d'informations et de bonnes pratiques entre les parlements.
En outre, la vie politique européenne et les vies politiques nationales sont désormais étroitement imbriquées.
De ce fait, l'action de la Commission européenne a des incidences importantes sur les vies politiques nationales. Son monopole de l'initiative législative confère une position de force à la Commission européenne pour inspirer les législations européennes, en particulier les directives qui doivent ensuite être transposées dans le droit national, bien souvent à travers une loi votée par le parlement.
Le traité de Lisbonne a par ailleurs reconnu à la Commission des compétences pour adopter des actes délégués et des actes d'exécution.
Parallèlement à son rôle dans la législation européenne, la Commission européenne joue un grand rôle dans la surveillance budgétaire et la coordination des politiques économiques.
Enfin, les dernières élections européennes ont été marquées par une forte poussée des partis eurosceptiques ou europhobes.
Avant même ces élections, ce climat de défiance avait été mesuré dans les enquêtes d'opinion. Selon l'enquête Eurobaromètre de l'automne 2013, deux tiers des Européens pensaient que leur voix ne comptait pas dans l'Union européenne (59 % en France). Dans plusieurs États membres, le pessimisme l'emportait sur le futur de l'Union européenne. En France, 56 % des personnes interrogées faisaient part de leur pessimisme.
Cette défiance de beaucoup de nos concitoyens à l'égard de la construction européenne rend plus que jamais nécessaire de renforcer les procédures pour asseoir la légitimité démocratique des institutions européennes. À l'évidence, les parlements nationaux peuvent jouer un rôle essentiel dans ce sens en contribuant à rapprocher les institutions européennes des citoyens. Le rapport établi au nom de notre commission par notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond sur l'avenir de la construction européenne l'avait parfaitement souligné.
Sans alourdir une procédure déjà compliquée, la proposition de résolution européenne qui vous est soumise préconise deux voies pour associer les parlements nationaux :
- d'une part, les parlements nationaux pourraient se voir reconnaître la faculté de s'exprimer collectivement lors du renouvellement de la Commission européenne ; cette expression collective pourrait s'appuyer en particulier sur la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et sur la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Les parlements nationaux pourraient ainsi avoir un échange et faire connaître ensuite leurs priorités tout à la fois sur le profil des futurs commissaires et sur les orientations que la nouvelle Commission sera appelée à mettre en oeuvre ;
- d'autre part et dans le même esprit, à l'échelon national, il conviendrait de prévoir une consultation des organes compétents des deux assemblées, à savoir les commissions des affaires européennes, avant de proposer le candidat français.
Je rappelle que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les commissions permanentes se prononcent sur certaines nominations et, le cas échéant, peuvent s'y opposer. En vertu de la loi du 23 juillet 2010, les commissions des lois sont par exemple appelées à se prononcer sur la nomination du Défenseur des droits, et de certains membres du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel. Les commissions en charge de la culture émettent un avis sur la nomination du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Compte tenu du rôle important que le commissaire français est appelé à jouer au sein du collège des commissaires, il paraît nécessaire que, dans le même esprit, une procédure de consultation des organes compétents des deux assemblées soit prévue avant sa nomination. Cette procédure permettrait au Parlement, notamment dans le cadre d'une audition du candidat, d'évaluer son parcours et son adéquation au poste de commissaire, et d'avoir un échange sur les priorités qu'il entend mettre en oeuvre dans ses nouvelles fonctions.
Voilà les motifs de cette proposition de résolution européenne que je vous propose d'adopter sans modification.