Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 juin 2015 à 8h35
Économie finances et fiscalité — Banque centrale européenne : rapport d'information de m. éric bocquet mme fabienne keller et m. richard yung

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Mes chers collègues, l'ordre du jour appelle une communication de nos collègues Éric Bocquet, Fabienne Keller et Richard Yung sur la Banque centrale européenne (BCE).

Fabienne Keller m'ayant fait part d'un empêchement qui ne lui permet pas d'être présente aujourd'hui, je donnerai dans un instant lecture de l'intervention qu'elle envisageait.

Nous nous sommes rendus au siège de la Banque centrale européenne à Francfort au début du mois de mai. Notre visite était commune avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes et plusieurs de nos collègues députés. Nous y avons eu des entretiens très intéressants. Avec Danièle Nouy, nous avons pu faire un point sur la supervision bancaire. Avec Benoît Coeuré, nous avons échangé sur la politique monétaire conduite par la banque centrale.

J'en ai pour ma part retiré une première conclusion assez positive sur la supervision bancaire qui se met progressivement en marche. L'Union européenne a fait dans ce domaine des progrès salutaires.

Concernant la politique monétaire, le message a été - me semble-t-il - très clair. La BCE a fait son travail dans le domaine qui est le sien. Aux États membres de faire le leur en conduisant les réformes structurelles indispensables à une reprise économique durable.

Nos trois collègues ont pu tirer profit de ce déplacement, mais aussi de leurs autres investigations pour établir le projet de rapport d'information qui vous a été adressé.

Je vais à présent vous faire part de l'intervention que Fabienne Keller avait préparée, puis je donnerai la parole à Éric Bocquet et Richard Yung.

« Monsieur le Président, mes chers collègues, avant d'aborder le rôle de la Banque centrale européenne face à la crise, rappelons quelques points ayant trait au mandat de la Banque centrale européenne.

Le traité de Maastricht a confié la responsabilité de la politique monétaire unique à la Banque centrale européenne. Aux termes des traités, celle-ci est indépendante, c'est-à-dire qu'elle ne peut ni solliciter ni accepter des instructions d'un État ou d'une autorité européenne quelconque.

Cette exigence s'impose aussi bien à elle-même qu'aux banques centrales nationales qui composent le système européen des banques centrales, qu'elle est chargée de coordonner. Les banques centrales nationales de la zone euro sont réunies au sein du Système européen des banques centrales (SEBC), avec les banques centrales des pays qui n'ont pas encore adhéré à l'Union économique et monétaire. Au sein du SEBC, il convient de distinguer l'Eurosystème qui ne comprend que les banques centrales de la zone euro.

La BCE a pour principal objectif le maintien de la stabilité des prix. Elle cible, à cet effet, une inflation à des taux inférieurs à 2 %, mais proches de ce chiffre à moyen terme. Force est de constater que la BCE a jusqu'à aujourd'hui rempli son mandat en contenant l'inflation en dessous de 2 %, ce qui n'apparaissait pas forcément évident au regard du passé des économies européennes.

Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, et oeuvre ainsi pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Le mandat de la BCE est donc, in fine, assez large.

Mais venons-en à la crise. Associée aux interventions de l'Union européenne et du Fonds monétaire international dans les pays de la zone euro placés sous assistance financière, la BCE a, depuis 2010, développé ses propres instruments destinés à endiguer la crise de liquidités que traverse, à des degrés divers, le secteur bancaire européen tout en tentant de faire baisser les coûts de refinancements auxquels sont confrontés certains États membres en difficulté.

La BCE a, dans cette optique, utilisé les instruments de politique monétaire conventionnelle, à l'instar de la baisse des taux, mais aussi de dispositifs relevant de la politique monétaire non conventionnelle. Celle-ci comprend toute mesure visant à influencer directement le coût et la disponibilité du crédit.

Critiquée jusque-là pour son manque de soutien à l'économie réelle, l'institution a su développer de nouveaux instruments. Elle s'est affirmée comme un acteur de tout premier plan dans la réponse européenne à la crise.

Sa défense volontariste de l'euro, « quoi qu'il en coûte », selon les termes de son président en juillet 2012, a même pu pallier l'absence de consensus politique entre les États membres pour réformer effectivement la gouvernance économique de la zone euro.

Avant d'aborder spécifiquement les mesures de politique monétaire, il convient d'insister sur le rôle de la communication de la BCE depuis le début de la crise. La BCE a, dès sa création, institué des conférences de presse suivant ses prises de décision, ce qui a constitué une nouveauté dont s'est inspirée par la suite, la Réserve fédérale américaine (FED).

À l'image de celle-ci, la BCE a depuis souhaité développer un véritable magistère de la parole, anticipant la prise de décision effective et martelant ses objectifs, au premier rang desquels apparaît expressément depuis 2012 la défense de l'euro.

La BCE a ainsi modifié officiellement sa stratégie de communication en 2013 pour se rapprocher de celle mise en oeuvre aux États-Unis ou au Royaume-Uni, la forward guidance. Il s'agit d'influencer durablement les anticipations sur l'évolution des prix à moyen et long terme grâce à une communication active, sans pour autant toujours prendre effectivement des décisions. Ce souci de pédagogie est renforcé, depuis le 19 février 2015, par la publication des minutes des réunions du Conseil des gouverneurs.

Ce faisant, la BCE poursuit une mue initiée depuis l'épisode des subprimes, et devient une véritable banque centrale, dotée d'une stratégie lisible à long terme. La BCE s'est, en quelque sorte, révélée à elle-même avec la crise.

Afin de répondre à celle-ci, son premier levier a consisté à agir sur les taux. Le rapport détaille l'évolution de ceux-ci. Il s'agissait pour la BCE de susciter à la fois une offre et une demande de crédit au sein de la zone euro. Tout aussi séduisante qu'elle soit, cette baisse des taux n'est pas un gage de réussite comme en témoigne l'atonie de la demande de crédits.

La BCE a alors souhaité aider directement les banques, via trois opérations de prêts à long terme, dont les montants étaient censés à chaque fois dépasser 400 milliards d'euros. L'utilisation de ces prêts a permis de décorréler le taux d'emprunt des banques de celui des États, jusque-là associés par les marchés, et éviter ainsi leur éviction des marchés financiers. L'opération visait également à faciliter l'octroi, par les banques, de crédits. Le résultat semble, à cet égard, plus mitigé.

Les opérations de rachats de titres privés sont venues compléter ces prêts. Les objectifs sont identiques puisqu'il s'agit de relancer le crédit bancaire et d'accroître dans le même temps la taille du bilan de la BCE. Nous détaillons les dispositifs dans le rapport. Reste qu'à l'instar des emprunts, les objectifs affichés ne semblent pas en passe d'être atteints.

L'effet des rachats de titres publics a, lui, été plus sensible sur les taux des obligations souveraines, et a notamment permis à l'été 2012 d'écarter une menace d'éclatement de la zone euro. Après un premier Securities market program (SMP) limité dans le temps, la BCE a, en quelque sorte, sorti une arme de dissuasion massive avec son programme de rachats d'actifs Outright Monetary Transactions (OMT). Il consiste en des achats sur le marché secondaire d'obligations d'État sous programme d'assistance financière, sans limite de montant sans pour autant créer de monnaie. Il s'agit pour la BCE de limiter toute spéculation. Contesté par l'Allemagne, la Cour de justice de l'Union européenne a confirmé sa licéité le 16 juin 2015. Il n'a pour l'heure jamais été utilisé.

Si l'OMT a permis d'influer sur les taux, il n'a pas résolu la question de l'atonie du crédit. C'est dans ce contexte qu'a été lancé le programme d'assouplissement quantitatif que va à présent décrire Éric Bocquet. »

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