La crise financière traversée par les banques européennes a conduit le Conseil européen à acter, en juin 2012, le principe d'un renforcement de la supervision des banques au sein de la zone euro, dans le cadre d'une Union bancaire. L'ambition affichée est de rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et crise de la dette gouvernementale.
Au-delà, l'Union bancaire doit permettre de juguler de nouveaux risques :
- les conséquences du manque de profitabilité actuel des banques, exacerbé dans un contexte de taux bas et alors que certains pays disposent de trop d'établissements bancaires ;
- la part des crédits non performants dans leurs actifs. 12 % des crédits accordés sont jugés toxiques, les échéances n'étant pas remboursées ;
- la surexposition aux pays émergents dans un contexte de retournement de la conjoncture ;
- le risque d'attaques cybernétiques ;
- le poids des sanctions administratives sur la solidité des banques à l'image de l'amende américaine reçu par le groupe BNP-Paribas.
Un règlement d'octobre 2013 accorde à la BCE un rôle clé pour mettre en oeuvre cette surveillance au sein d'un Mécanisme de supervision unique (MSU). Celui-ci est entré en fonction le 4 novembre 2014.
L'Union bancaire doit permettre de faciliter la transmission de la politique monétaire de la BCE. Le succès de l'utilisation des mesures non-conventionnelles dépend, en effet, de la qualité du système financier dans lequel elles s'inscrivent. Certains observateurs relèvent que l'efficacité du programme d'assouplissement quantitatif mis en oeuvre au Japon a été altérée par l'absence de réforme de son secteur bancaire.
Composé de la BCE et des autorités de contrôle nationales (ACN) des États membres, le MSU est chargé de la surveillance prudentielle de tous les établissements de crédit. Il poursuit trois objectifs :
- garantir la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen ;
- accroître l'intégration et la stabilité financières ;
- assurer une surveillance cohérente.
Le MSU a mandat pour mener des contrôles prudentiels et des missions sur place. Il dispose également d'un pouvoir de sanction allant du prélèvement sur chiffre d'affaires au retrait de l'agrément. L'action du MSU est dans les faits limitée à la zone euro, même si l'Union bancaire est, en principe, ouverte aux autres États membres. Le Danemark envisage ainsi d'intégrer à terme cette structure.
La BCE est chargée de veiller au bon fonctionnement du MSU et plus particulièrement à la répartition des responsabilités entre la BCE et les ACN. Afin d'assurer une surveillance efficace, les banques sont, en effet, classées en tant qu'établissements « importants » ou « moins importants ». La BCE est chargée d'exercer une supervision directe des premiers, tandis que les ACN se consacrent aux secondes.
Un établissement de crédit est considéré comme important s'il remplit notamment l'une des conditions suivantes :
- la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30 milliards d'euros ou dépasse 20 % du PIB national, la valeur totale de ses actifs ne pouvant être à 5 milliards d'euros ;
- la banque fait partie des trois établissements de crédit les plus importants établis dans un État membre.
Le MSU peut, par ailleurs, déclarer important un établissement qui ne satisferait pas à ces critères.
Dans ces conditions, la BCE est amenée à superviser directement 123 groupes représentant approximativement 1 200 entités. Les actifs détenus par celles-ci représentent 21 000 milliards d'euros soit 85 % du total des actifs détenus dans la zone euro, qui représentent plus du double de ceux détenus aux États-Unis. Les 3 520 établissements jugés moins importants sont concentrés en Allemagne, en Autriche et en Italie.
Les missions de surveillance du MSU sont planifiées et accomplies par un conseil de surveillance prudentielle. Celui-ci propose des projets de décision en vue d'une adoption par le Conseil des gouverneurs de la BCE.
La mise en place d'un conseil de surveillance prudentielle distinct du Conseil des gouverneurs vise à préserver la distinction entre politique monétaire et supervision bancaire, sans pour autant qu'une muraille de Chine ne soit établie. Il s'agit également d'empêcher des prises de décisions contradictoires. La séparation de la politique monétaire de la supervision ne limite pas l'échange d'informations, ce qui n'est pas sans avantage pour la conduite de la politique monétaire à l'heure du plan d'assouplissement quantitatif.
La surveillance quotidienne est, quant à elle, effectuée par des équipes dédiées comprenant du personnel provenant à la fois des ACN et de la BCE. Ces équipes sont conduites par un coordinateur de la BCE qui, en règle générale, ne peut être originaire du pays où la banque concernée a son siège. À titre d'exemple, le chef des contrôleurs du Crédit Agricole est allemand. Il s'agit, de la sorte, d'éviter les biais liés à la nationalité et d'éventuels conflits d'intérêt. 1 000 personnes environ ont été recrutées par le conseil de surveillance prudentielle.
Une première évaluation de 130 établissements a déjà été réalisée fin 2013. Au terme de celle-ci, 25 banques présentaient une insuffisance de fonds propres, estimée à 25 milliards d'euros et ont dû élaborer des plans de refinancement dans les deux semaines suivant l'annonce des résultats. Elles disposaient ensuite de neuf mois pour compenser ces déficits.
Le dispositif ne semble pas susciter l'adhésion de tous les établissements financiers. La L-Bank, une banque régionale allemande a ainsi déposé un recours en annulation auprès du Tribunal de l'Union européenne visant la supervision directe par la BCE. La L-Bank estime que son modèle économique est simple et que la supervision directe de la BCE ne devrait s'appliquer qu'aux banques d'importance systémique et complexe. Elle relève avant tout les coûts et la charge administrative supplémentaires induits par le transfert de la surveillance bancaire de l'échelon européen à l'échelon allemand.