Intervention de Thierry Repentin

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Thierry Repentin ministre délégué chargé des affaires européennes

Thierry Repentin, ministre délégué :

Lors du débat préalable à ce Conseil européen, j'avais indiqué l'objectif essentiel de la France : renouer avec la compétitivité et la croissance. Lors de cette réunion ainsi que du Conseil des affaires générales et de l'Ecofin qui l'ont précédée de peu, la France, avec d'autres, a donné l'impulsion à des décisions importantes.

Elles concernent l'emploi des jeunes, d'abord, une question majeure avec 14 millions de jeunes européens au chômage qui, pour la plupart, n'ont pas suivi de formation ou d'apprentissage. Cela justifiait d'en faire le premier point de l'ordre du jour, comme la France l'avait voulu, et de donner des réponses fortes.

L'initiative pour la jeunesse sera dotée de 6 milliards d'euros dans le prochain cadre financier pluriannuel, une somme dont l'utilisation sera concentrée sur les deux premières années, 2014 et 2015. La France y tenait beaucoup : c'était la condition pour obtenir un effet levier. Si l'on ne consacrera jamais assez à la jeunesse, notons que, pour la première fois, le Conseil européen a acté financièrement une mesure spécifique. Concrètement, elle représentera une aide de 2 300 euros par jeune et par an. Le signal est important alors que - je réponds à la question - le Parlement européen a, par une résolution votée à une très large majorité hier, indiqué son intention de voter le budget européen en septembre sous réserve de certains correctifs. Entre parenthèses, les adaptations demandées portant sur quelques centaines de millions d'euros pour un montant global de 960 milliards, nous pouvons considérer que l'accord est en passe d'être obtenu.

En France, la mise en oeuvre de l'initiative pour la jeunesse se concrétisera dès janvier 2014 par des dispositifs pilotes dans les bassins d'emploi où le chômage des jeunes de moins de 25 ans dépasse 25%, soit une dizaine de départements ; préfets et présidents de conseils généraux en ont été informés par un courrier. Nous élargirons ensuite le dispositif à l'ensemble du pays. Avec un retour estimé à 600 millions pour notre pays sur les 6 milliards, dont la moitié est financée par une ligne budgétaire spécifique et l'autre par le Fonds social européen (FSE), nous accompagnerons 300 000 jeunes dans l'emploi.

Autre mesure en faveur des jeunes, l'élargissement d'Erasmus aux apprentis, aux jeunes en alternance et à leurs tuteurs. Certains voulaient débaptiser le programme, nous avons obtenu que ce ne soit pas le cas. Nous aurions aimé l'intituler « Erasmus pour tous », nous devrons nous habituer à « Erasmus plus »... Passons car l'important est la hausse des crédits qui lui sont dédiés : ils passeront de 8 milliards durant les années 2008 à 2013 à plus de 13 milliards. Voilà pour les décisions actées.

En outre, le Conseil européen a aussi commandé à la Commission un travail sur l'encadrement des stages dans l'Union européenne : l'idée est de tirer les stages vers le haut en s'inspirant de l'exemple français. Des réflexions sont en cours sur la mobilisation d'autres outils pour les jeunes : les fonds structurels, le FSE et, surtout, la Banque européenne d'investissement (BEI). Celle-ci, avec sa recapitalisation décidée en juin 2012, jouit de nouvelles disponibilités pour financer ses programmes « Des emplois pour les jeunes » et « Investir dans les compétences ». Le Conseil européen l'a invitée à développer les prêts pour les étudiants, les prêts pour les entreprises qui embauchent des jeunes et, ce qui n'existait pas auparavant, les prêts aux jeunes créateurs d'entreprise. Ces pistes représentent de belles avancées pour donner aux jeunes citoyens européens des perspectives d'emploi et de formation.

Mais pour que les jeunes retrouvent espoir, il faut aussi, et c'est le deuxième volet des décisions prises lors de ce Conseil européen, intensifier nos efforts pour la croissance. Fort de cette idée, nous avions engagé l'Union européenne à infléchir sa politique il y a un an et avons défendu le principe d'un plan d'investissement pour un accompagnement des PME plus massif que par le passé.

La BEI, comme l'a souhaité le Conseil européen, ciblera ces entreprises dont les activités sont essentielles pour l'emploi. Je rappelle que, dans le cadre du pacte de relance de juin 2012, il a été décidé de recapitaliser la BEI à hauteur de 10 milliards d'euros afin d'entraîner un effet levier de 60 milliards d'euros sur les économies nationales. Mais encore faut-il que ceux qui peuvent utiliser ces disponibilités en aient connaissance. Or la BEI n'est pas présente dans les territoires et finance les projets à partir d'un plancher de 100 millions d'euros. Pour que ces financements irriguent plus finement notre économie, il fallait mettre au point un système plus opérationnel sur le terrain. Le 13 juin dernier, la BEI et la Caisse des dépôts ont passé un accord : dorénavant, la Caisse des dépôts instruira les dossiers en région. A charge pour elle de mobiliser les fonds dont elle dispose pour soutenir les projets, qu'ils soient publics ou privés, soit directement soit à travers la Banque publique d'investissement (BPI). Ainsi, nous pourrons cibler des projets qui, sans atteindre le plancher des 100 millions, sont importants pour les territoires. J'ajoute que deux nouveaux secteurs sont désormais éligibles aux financements de la BEI : l'hôpital et l'université. Nous aurons de nouvelles ressources pour Hôpital 2020 et le plan Campus. Autre point important : avec l'accord du 13 juin, la Caisse des dépôts pourra financer à 100% les projets, notamment d'infrastructures, dont 50% à sa charge et 50% à la charge de la BEI. En résumé, la BEI est dorénavant en ordre de marche. J'y insiste car certains s'étonnent parfois des délais entre les annonces et la mise en oeuvre ; recapitaliser la banque, modifier ses règles, attendre que chaque État apporte sa quote-part - 1,6 milliard d'euros pour la France qui l'a fait en mars dernier - prend du temps.

Dans ce plan d'investissement, ne négligeons pas les fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe alloués aux projets d'infrastructures dans les transports, l'énergie et les télécommunications. Ils représenteront 19 milliards d'euros dans la programmation 2014-2020, contre 8 milliards d'euros auparavant.

Dernier volet, l'approfondissement de l'union économique et bancaire, car tous ces efforts ne serviraient de rien si le système européen ne reposait pas sur des bases plus saines. L'union bancaire, en cours de construction, donnera à l'Europe la capacité d'anticiper et de mieux réagir aux crises mais aussi celle d'éviter des défaillances bancaires auxquelles sont exposés en première ligne les contribuables et les épargnants. Nous nous dotons de moyens de contrôle renforcés.

D'abord, un système de recapitalisation directe des banques, dont l'Eurogroupe a dessiné les grandes lignes. Nous éviterons ainsi de créer les situations paradoxales d'autrefois : l'aide était versée à l'État lequel volait au secours de la banque défaillante ; il voyait son endettement aggravé de facto et, donc, sa notation internationale dégradée.

Ensuite, un mécanisme unique de résolution pour les 28 États membres de l'Union. L'idée est d'accompagner la banqueroute d'une banque sans passer par les États, de responsabiliser actionnaires et créanciers en faisant prioritairement appel à leur solidarité, de mieux protéger épargnants et contribuables. Reste à obtenir la validation du Parlement européen.

Enfin, le Conseil européen a demandé à la Commission d'intégrer une dimension sociale dans les politiques économiques sur la base de la contribution franco-allemande du 30 mai dernier. Rendez-vous est pris en octobre pour travailler à la co-construction de critères sociaux, comme nous l'avons fait lors de la grande conférence sociale du 20 et 21 juin dernier où une table ronde était d'ailleurs consacrée à l'Europe sociale. L'évolution de la précarité, le système de formation, le système d'éducation, le système de santé, autant de paramètres à prendre en compte. De même, la question d'un salaire minimal européen est désormais posée ; une bonne chose quand nous étions jusque-là démunis pour lutter contre le dumping social dont la presse décrit actuellement les effets ravageurs sur la filière des abattoirs en Bretagne.

Pour terminer cet exposé introductif, quelques mots de l'élargissement. Ce Conseil européen a autorisé la Lettonie à entrer dans la zone euro le premier janvier prochain et donné son feu vert à l'engagement des négociations visant à l'adhésion de la Serbie et à la signature d'un traité d'association avec le Kosovo. Les débats ont été longs - 48 heures avant l'ouverture du Conseil et trois heures durant le Conseil - avant d'aboutir à un compromis sur le rythme des négociations et la manière de les mener. Après la signature de l'accord du 19 avril dernier sous la conduite de Mme Ashton, la France considérait devoir adresser un signe d'encouragement à l'un et l'autre de ces États courageux qui ont tourné le dos à leur passé sanglant. Traiter ensemble ces deux dossiers est indispensable pour des raisons de calendrier électoral. Certains souhaitaient au contraire repousser les négociations. Je vous épargne le récit des nombreuses suspensions de séances qui ont émaillé les débats pour en venir à la conclusion : le Conseil européen a finalement retenu de se saisir de nouveau du sujet en octobre et de se donner pour date butoir d'ouverture des négociations le premier janvier 2014. Ce compromis était préférable à un échec, qui aurait laissé à penser que l'Union refusait l'adhésion de la Serbie.

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