Intervention de Thierry Repentin

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Thierry Repentin ministre délégué chargé des affaires européennes

Thierry Repentin, ministre délégué :

L'Europe est souvent perçue comme un grand machin technico-administratif qui prend des décisions incompréhensibles et intervient seulement dans les périodes de crise. En réalité, elle est présente dans la vie quotidienne de nos concitoyens et le sera de plus en plus avec les retombées sonnantes et trébuchantes sur l'économie de nos territoires des politiques que vient d'adopter ce Conseil européen. A nous de mieux l'expliquer dans nos campagnes et dans nos villes au lieu de tenir le discours confortable consistant à la désigner comme responsable de tout ce qui ne va pas, même dans les domaines où sa responsabilité n'est pas engagée. Balayons donc devant notre porte et montrons que le Fonds d'aide aux démunis finance les Restos du coeur, le Secours populaire et le Secours catholique et que nous l'avons sauvé. Il sera doté de 2,5 milliards de crédits et, à la demande du Parlement européen, de 1 milliard supplémentaire sur la base du volontariat et s'adressera à tous les publics qui en ont besoin, qu'ils travaillent ou non. Certains voulaient restreindre son emploi aux chômeurs, la France a fait valoir que les travailleurs pauvres ont également besoin de cette aide.

Vous qui êtes élus locaux, vous connaissez le problème du dumping social. La France est très allante sur la directive « Détachement des travailleurs ». Savez-vous quelle est la deuxième nationalité des travailleurs détachés en France après les Polonais ? Les Français ! Ils s'inscrivent dans une agence d'intérim de l'autre côté de nos frontières... Nous avons là un combat à mener, de même que sur la directive « Marchés publics », pour donner la possibilité d'écarter les offres anormalement basses parce qu'elles ne respectent pas des conditions sociales et environnementales. L'idée est bien de tirer vers le haut les règles sociales au sein de l'Union. L'introduction d'indicateurs sociaux, un salaire minimal européen ne sont plus des questions taboues.

Cette évolution est sans doute en partie liée au débat politique interne dans certains pays. Profitons-en pour placer des cliquets. Avancer n'est pas simple car nous avons chacun notre histoire, notre droit du travail, notre droit social et nos intérêts propres. D'ailleurs, je ne le dirai pas à Sciences-po mais ici on me comprendra : les réunions européennes ressemblent beaucoup à celles des intercommunalités, on y pense d'abord en termes de retombées sur son territoire. Pour autant, le sens de l'histoire, et c'est vrai pour l'intercommunalité comme pour l'Europe, est d'aller vers plus d'intégration. L'Europe, pour se faire entendre dans le concert international, doit être plus puissante.

Les ressources propres représentent 20% du budget de l'Union ; nous sommes favorables à l'augmentation de leur part, d'autres y sont totalement hostiles. La partie est difficile car la règle de l'unanimité prévaut. Grâce aux travaux du Parlement européen, chefs d'État et de gouvernement évoluent cependant : ils ont décidé de créer un groupe de travail tripartite, qui présentera une première évaluation fin 2014, et de réunir une conférence interparlementaire en 2016 ; le tout dans la perspective de la prochaine programmation financière. D'ici là, à chacun de se montrer imaginatif : une taxe sur les transactions financières, une taxe carbone aux frontières ou que sais-je encore. Dans tous les cas, les discussions seront longues et ardues en raison de la règle de l'unanimité.

L'avenir de l'Europe ? Il a tenu une bonne place dans la conférence de presse du Président de la République du 16 mai ; et la plateforme du 30 mai signée par Angela Merkel et François Hollande contient des orientations précises sur le renforcement de l'Union économique et monétaire, avec un président à temps plein, un budget spécifique pour la zone euro et des priorités très marquées pour la préparation de l'avenir : emploi jeunes, investissements d'avenir, communauté européenne de l'énergie... Nous sommes favorables à l'union politique, mais il faut en définir progressivement le contenu ; le Président de la République estime qu'il faudra sans doute deux ans de travail approfondi sur la question. Il faut arrêter la polémique : et l'Allemagne, et la France savent que de la qualité de leurs relations dépendent les avancées en Europe. Même en cas de désaccord, les deux pays savent qu'ils sont contraints au compromis pour que les autres acceptent de discuter un compromis plus large.

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