Intervention de majorité

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 juin 2012 : 1ère réunion
Subsidiarité — Le premier « carton jaune » - communication de m. simon sutour

majorité :

- deuxième aspect (le « carton orange ») : si un projet d'acte législatif est contesté par la majorité des parlements nationaux, le processus législatif est suspendu, et le Conseil de l'Union et le Parlement européen sont consultés ; si le Conseil ou le Parlement européen donne raison aux parlements nationaux, le projet est définitivement écarté ;

- enfin, troisième aspect (le « carton rouge ») : après l'adoption d'un texte, la Cour de justice de l'Union peut être saisie d'un recours émanant d'un parlement national ou d'une chambre d'un parlement, afin que la Cour se prononce sur le respect de la subsidiarité. Dans le cas de la France, il suffit que 60 députés ou 60 sénateurs en fassent la demande pour qu'un recours soit présenté par la France.

Ce contrôle de subsidiarité était quelque chose de très nouveau pour les parlements nationaux, et il a fallu du temps pour que les assemblées commencent à l'utiliser. Notre commission s'est dotée, à l'automne dernier, d'un groupe spécial pour la subsidiarité, avec un représentant par groupe politique, ce qui fait que maintenant nous faisons un suivi systématique.

Le « carton jaune » vient de fonctionner pour la première fois : il y a eu un tiers des parlements pour contester une proposition de la Commission européenne. Elle concerne le droit de grève des travailleurs détachés dans le cadre d'une prestation de services.

Ce texte faisait suite à plusieurs arrêts de la Cour de justice, les arrêts « Viking », « Laval » et « Rüffert ». En effet, ces arrêts ont interprété la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs et ont semblé subordonner, au moins en partie, le droit de grève des travailleurs au respect des grandes libertés économiques. La Confédération européenne des syndicats (CES) a vu dans ces arrêts une atteinte à la capacité des travailleurs européens à défendre leurs droits sociaux fondamentaux.

Dans son texte, la Commission européenne a voulu tenir compte des arrêts de la Cour de justice, mais finalement elle dit une chose et son contraire. L'article 2 du projet dit ceci : « L'exercice de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services respecte le droit ou la liberté de faire grève, et, inversement, le droit ou la liberté de faire grève respecte ces libertés économiques ».

Sur cette base, les tribunaux pourraient avoir à dire, sous le contrôle de la Cour de justice, si une grève menée par des travailleurs détachés ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à une liberté économique. Cela reviendrait à ce que le droit de grève soit encadré au niveau européen.

Plus d'un tiers des parlements ont jugé que cette évolution irait à l'encontre du principe de subsidiarité. Le droit de grève doit rester une compétence nationale, de manière à s'appliquer de la même façon aux travailleurs du pays et aux travailleurs d'un autre pays détachés dans le cadre d'une prestation de services. Il n'y a pas de raison pour traiter ce sujet à l'échelon de l'Union, d'autant que les traités eux-mêmes excluent très clairement le droit de grève du champ des compétences de l'Union.

Pour ces raisons, notre commission avait adopté un « avis motivé », qui a été ensuite approuvé par la commission des affaires sociales. Parallèlement, j'ai écrit à tous mes homologues au sein des parlements de l'Union, pour attirer leur attention sur ce texte. Et finalement, nous avons donc, pour la première fois, dépassé le seuil d'un tiers des parlements nationaux. La Commission européenne va donc devoir réexaminer son texte.

La leçon que je tire, c'est que les nouveaux pouvoirs que nous avons en matière européenne, qui sont des pouvoirs propres du Sénat, peuvent être utiles et qu'ils nous permettent d'avoir notre mot à dire dans le processus de décision européen. Les questions européennes et les questions nationales sont de plus en plus enchevêtrées : nous devons utiliser les moyens que nous avons pour nous faire entendre.

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