Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 décembre 2011 : 1ère réunion
Bilan du g20 de cannes communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Le G20, qui se réunit depuis trois ans, représente les deux tiers de la population mondiale, 85% du commerce mondial et plus de 90% du produit mondial brut. Cette enceinte, où se retrouvent anciennes nations industrielles et grands pays émergents, préfigure une forme de gouvernance économique multilatérale, seule capable de résoudre la crise la plus grave que nous traversons depuis les années 1930.

Le sommet qui s'est tenu à Cannes les 3 et 4 novembre était le sixième et le dernier sous présidence française. Quel bilan en tirer ?

La France avait pour ambition de faire émerger un système monétaire international plus stable et plus robuste. Les pays du G20 sont convenus d'un « plan d'action pour la croissance et l'emploi » par lequel les pays développés se sont engagés à rééquilibrer leurs finances publiques, les pays aux finances publiques solides à laisser jouer les stabilisateurs automatiques et à soutenir la demande intérieure en cas d'aggravation de la crise.

Le G20 a également réaffirmé les vertus du multilatéralisme ; un point crucial, à mes yeux, car il conditionne l'avenir de l'OMC qui souffre de l'impasse des négociations ouvertes à Doha en 2001. Le G20 s'est même engagé à retirer toutes les mesures protectionnistes décidées depuis le sommet de Toronto de juin 2010.

Si un nouveau « Bretton Woods » n'est pas décidé, une évolution du système monétaire est en marche avec une Chine qui commence à endosser son nouveau statut de puissance économique mondiale. Le G20 a d'ailleurs pris l'engagement « d'accroître la flexibilité des taux de change pour refléter les fondamentaux économiques sous-jacents », ce qui témoigne d'un léger infléchissement de la Chine, jusque-là hostile à toute réévaluation du yuan. En outre, il s'est dit favorable à deux propositions du FMI : créer, d'une part, une nouvelle ligne de précaution pour offrir de la liquidité à court terme aux pays ayant des fondamentaux solides mais subissant un choc exogène et, d'autre part, une facilité unique pour répondre aux besoins d'urgence de ses membres.

Je ne m'étendrai pas sur la régulation financière, car nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque M. Yung présentera ses travaux, ni sur la lutte contre la corruption.

Un mot tout de même de la volatilité excessive des prix des matières premières qui menace nos économies et notre sécurité alimentaire. Pour la réduire sur les marchés agricoles, le G20 a entériné les recommandations de l'Organisation des commissions de valeurs. Cet organisme préconise un renforcement des pouvoirs d'intervention des régulateurs, qui va jusqu'au contrôle des positions et, même, à l'établissement des limites de position ex ante. C'est une réelle avancée ! En revanche, je regrette le silence sur le lien entre développement du marché des biocarburants et volatilité des prix alimentaires. Dans le cadre du plan d'action approuvé en juin 2011, le G20 a également décidé d'investir dans la recherche et le développement en matière de productivité agricole. Il a lancé le « système d'information sur les marchés agricoles » pour accroître la transparence. Ces mesures, d'apparence technique, auront des effets très concrets ; la commission de l'économie avait insisté sur ce point avant juin 2011. Je me réjouis que la FAO soit remise au coeur du processus.

S'agissant de la sécurité alimentaire, le G20 s'est engagé à élaborer des instruments adaptés pour la gestion des risques et des situations humanitaires d'urgence. Les denrées achetées à des fins humanitaires par le programme alimentaire mondial ne seront plus soumises à des restrictions à l'exportation ou à des taxes extraordinaires. Enfin, un « forum de réaction rapide » élaborera des réponses mondiales en cas de crise des marchés.

Concernant l'énergie, le G20 a souhaité un dialogue annuel sur les perspectives en matière d'hydrocarbures et de charbon, et réaffirmé son engagement à abandonner à moyen terme les subventions inefficaces aux énergies fossiles. En matière de lutte contre le changement climatique, il a appelé de ses voeux la mise en oeuvre du Fonds vert pour le climat « dans le cadre d'un paquet de mesures équilibré » lors de la conférence de Durban.

Troisième apport de la présidence française, la dimension sociale de la mondialisation. Certains jugeront le bilan décevant, le G20 s'étant contenté de former un groupe de travail sur l'emploi des jeunes. Pour le reste, le G20, de manière assez incantatoire, encourage l'OIT à continuer de promouvoir les conventions fondamentales en matière de droit du travail. Si cela ressort de la déclaration d'intention, ne méconnaissons pas une inflexion essentielle : le G20 estime désormais nécessaire d'investir dans des « socles de protection sociale » adaptés à chaque situation nationale. Cela laisse espérer à terme plus de réciprocité, un sujet sur lequel travaille M. Barnier à la Commission. Nous n'en sommes qu'au début !

Dernier axe, le développement. Dans sa déclaration finale, le G20 rappelle l'importance de tenir les objectifs du millénaire pour le développement. Un effort prioritaire doit être consenti sur les projets d'infrastructure les plus exemplaires. Surtout, le G20 cite expressément, parmi les nouvelles pistes de financement innovantes présentées par Bill Gates, la taxe sur les transactions financières. Si l'Allemagne, l'Espagne, l'Argentine, l'Afrique du Sud et le Brésil ont fait part de leur intérêt, nous butons toujours sur l'hostilité américaine. Résultat, le dossier est renvoyé au niveau européen, où il se heurte à l'opposition britannique...

Enfin, étant acquis que la prochaine réunion ministérielle de l'OMC constatera l'impasse du cycle de Doha mi-décembre, le G20 invite à explorer des voies de sortie pour les pays les moins avancés.

Si la crise a largement occulté le bilan de la présidence française, nous avons pu imposer des thèmes européens pour la gouvernance mondiale à venir : dimension sociale, développement durable, régulation financière, développement.

Contrairement à ce que souhaitait la France, le G20 restera un groupe informel : la création d'un secrétariat général permanent, préconisée par M. David Cameron dans son rapport, n'aura pas lieu.

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