Intervention de Michel Delebarre

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 juin 2016 à 8h30
Transports — Paquet ferroviaire : communication de mm. michel delebarre et louis nègre

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

En effet, l'ouverture à la concurrence des marchés de service public sera moins systématiquement obligatoire que dans la mouture initiale. Elle se fera selon un calendrier allongé, et en préservant les droits des salariés.

Le principe de l'ouverture à la concurrence des marchés de service public est atténué : son principe est maintenu, mais les exceptions accordent aux autorités compétentes une substantielle marge d'appréciation.

Ainsi, la mise de transports ferroviaires en régie sera autorisée de façon discrétionnaire dès lors que des obligations de service public sont applicables. Cette première exception sera sans doute plus rare que celle introduite dans l'hypothèse où l'autorité compétente « considère que l'attribution directe est justifiée par les caractéristiques structurelles et géographiques pertinentes du marché et du réseau concernés » et « lorsqu'un tel contrat aurait pour effet d'améliorer la qualité des services » ou leur rentabilité par rapport à l'ancien contrat de service public attribué. L'obligation d'ouverture à la concurrence disparaît de plein droit dans les États membres dont « le volume maximal annuel est inférieur à 23 millions de trains.kilomètres et qui disposent d'une seule autorité compétente au niveau national et d'un seul contrat de service public couvrant l'ensemble du réseau ».

Au demeurant, l'autorité compétente peut attribuer directement un contrat de service public n'ayant qu'une petite taille. Idem « lorsqu'elle considère que l'attribution directe est justifiée par les circonstances exceptionnelles ». Enfin, aucune mise en concurrence n'est obligatoire « lorsque les contrats portent uniquement sur la prestation de services de transport ferroviaire de voyageurs par un opérateur qui gère simultanément la totalité ou la majeure partie de l'infrastructure ferroviaire sur laquelle les prestations sont fournies », dès lors que le contrat de service public porte sur le transport ferroviaire de voyageurs en zone urbaine ou suburbaine. Toute attribution directe d'un contrat de service public doit comporter des exigences de performances, dont le respect est vérifié par l'autorité compétente pour la délégation de service public.

Le calendrier devient moins contraignant. D'après la proposition initiale, toute délégation de service public attribuée sans appel d'offres, en application du droit antérieur au quatrième paquet ferroviaire, aurait pu fonctionner jusqu'au 31 décembre 2022, à condition d'avoir été passée au plus tard le 2 décembre 2019. La nouvelle mouture autorise les autorités compétentes à procéder comme aujourd'hui jusqu'à la fin de 2023, la durée de ces ultimes marchés de service public étant plafonnée à dix ans. L'obligation effective d'une mise en concurrence est donc virtuellement repoussée au 3 décembre 2033.

Les droits des salariés sont préservés. Notre commission s'était inquiétée du sort réservé aux salariés d'un opérateur ferroviaire qui cesserait son activité à la suite d'une nouvelle délégation de service public. La résolution européenne du Sénat demandait que « la reprise du personnel en fonction fasse systématiquement partie du cahier des charges en cas de délégation de service public, dans les conditions salariales et statutaires identiques à celles applicables au moment de la délégation ».

Un considérant introduit le 28 avril semble directement inspiré par le Sénat, hors l'obligation de reprendre le personnel : « Lorsque les États membres exigent que le personnel recruté par l'opérateur précédent soit transféré au nouvel opérateur de service public retenu, ce personnel devrait se voir octroyer les droits dont il aurait bénéficié s'il y avait eu un transfert au sens de la directive 2001/23/CE. » La rédaction du 28 avril impose que les opérateurs de service public se conforment aux conventions collectives, mais elle ajoute que, si l'autorité compétente impose au nouveau délégataire d'employer le personnel en place, chaque salarié conservera en l'état le contrat de travail en cours, par extension du champ de la directive 2001/23/CE, relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises ou de parties d'entreprises.

Ainsi achevé, le quatrième paquet ferroviaire perd incontestablement de sa singularité parmi les dispositions du droit européen tendant à organiser un grand marché sectoriel, mais il gagne en acceptabilité sociale ce qu'il perd en originalité, bien que les candidats à la présentation d'offres concurrentielles soient déçus par les reports de calendrier, tout comme par les modalités de l'ouverture à la concurrence, voire par les restrictions à la libéralisation des délégations de service public, dont l'opportunité est laissée à la libre appréciation de chaque État membre.

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