Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 décembre 2015 à 8h35
Agriculture et pêche — Réglementation de la pêche au bar : proposition de résolution européenne de m. jean bizet et avis politique

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous avons été sollicités par les professionnels de la pêche, inquiets de la diminution des stocks de bar, mais aussi des mesures que la Commission européenne entend prendre en la matière. En effet, la pêche est une politique commune et la conservation des ressources halieutiques, une compétence exclusive de l'Union. La Commission européenne a ainsi présenté, en novembre, une proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2016, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques. Si la définition des objectifs et l'adoption de plans pluriannuels relèvent de la procédure législative ordinaire (codécision du Parlement européen et du Conseil), les quotas de pêche, les totaux admissibles de capture (TAC) et les tailles minima des prises dépendent de règlements du Conseil - c'est le cas du présent texte -, les mesures d'urgence comme la suspension des pêches étant adoptées par la Commission sous forme de règlements d'exécution.

Poisson emblématique des côtes françaises, le bar est apprécié des pêcheurs professionnels parce que c'est un poisson à haute valeur ajoutée, ainsi que des pêcheurs occasionnels - la pêche récréative est très importante. En 2005, l'Ifremer, qui estimait à 900 000 le nombre de pêcheurs du dimanche, indiquait que les volumes de prise des deux formes de pêche étaient comparables. La pêche au bar a beaucoup augmenté depuis le début des années 2000, les stocks se sont taris, et la France, dès 2012, a demandé à la Commission européenne d'intervenir.

Jusqu'à cette année, la pêche au bar était très peu réglementée : seule s'appliquait la réglementation sur la taille des prises. Or, le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) a confirmé l'an passé le déclin rapide du stock de bar, soulignant que la pêche prélevait quatre fois plus que le stock ne pouvait supporter pour se reproduire et que le stock reproducteur atteignait son point le plus bas jamais observé. Dès lors, quatre mesures ont été prises : en janvier, la Commission a fermé la pêche au bar pour trois mois ; en mars, le Conseil a limité la pêche récréative à trois bars par personne et par jour ; en juin, le Conseil a fixé des limites mensuelles de débarquement par type de pêche ; en juillet, la Commission a porté de 36 à 42 centimètres la taille minimum des prises.

La proposition de règlement durcit le dispositif en interdisant la pêche au bar dans certaines zones correspondant aux côtes ouest de l'Irlande et du Royaume-Uni ; en l'interdisant du 1er janvier au 30 juin 2016 dans les zones Nord, qui sont des zones de pêche des navires français ; en limitant la pêche résiduelle par chalut à 1 % du poids total des captures ; en fixant un plafond de capture à une tonne mensuelle par navire pendant la période autorisée ; en limitant les prises de la pêche récréative à un bar par jour et par pêcheur.

Nous ne saurions nier l'urgence de remédier à la diminution des stocks, l'espèce est menacée, c'est un risque pour la biodiversité et aussi pour l'activité des pêcheurs ; cependant, la Commission me paraît aller trop loin et manquer de discernement entre les différents types de pêche : une limitation drastique y compris pour la pêche à l'hameçon risque de tuer la petite pêche artisanale française, qui n'est pas à l'origine de la surpêche.

Premier sujet, la pêche résiduelle des chaluts, c'est-à-dire les bars pris involontairement parmi d'autres poissons : la Commission fixe un plafond de 1 %, les professionnels nous alertent sur le fait que ce plafond est trop bas ; je vous propose de demander 3 %.

Second sujet, la petite pêche artisanale, qui est la première victime de la surpêche ; en dix ans, les captures de la pêche française professionnelle ont augmenté de 80 %, cette hausse vient essentiellement de la pêche au chalut, qui a vu sa part progresser de 55 à 80 %, soit 2 500 tonnes par an. Dans le même temps, les pêches des fileyeurs et des différents métiers de l'hameçon sont restées pratiquement stables, à moins de 500 tonnes annuelles, dont 200 tonnes pour les ligneurs - une pêche bien plus élégante et sportive que celle au chalut.

Dans ces conditions, une interdiction de pêche pendant six mois est tout à fait disproportionnée par rapport à l'impact de cette petite pêche sur le stock et elle menace même la survie de ce secteur d'activité, alors que les chalutiers peuvent, eux, se reporter sur d'autres espèces. Il faut des aménagements, dans le sens même du règlement de base de la politique commune de la pêche qui appelle les États à « s'efforcer d'accorder un accès préférentiel aux pêcheurs qui pratiquent la pêche à petite échelle, artisanale ou côtière ».

Je vous propose donc d'appeler à proportionner la mesure d'interdiction à la responsabilité de chacun, en modulant la durée de fermeture selon les catégories de pêche et d'engins utilisés. L'interdiction pourrait ainsi être de six mois pour les chalutiers de fond et les senneurs, et de trois mois pour les métiers à l'hameçon, du 28 janvier au 30 avril, comme c'était le cas cette année.

Certains s'étonneront que notre commission examine un tel sujet, mais cela me paraît une marque du Sénat que de se pencher sur les sujets emblématiques de notre culture et les activités importantes pour nos territoires. Une telle contribution compte également pour les relations de notre Haute assemblée avec les professionnels, comme l'avait fait en son temps le groupe d'études sur la vigne et le vin en matière de réglementation des vins rosés.

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